Cass. com., 4 juillet 1984, n° 83-10.407
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Justafré
Avocat général :
M. Montanier
Avocat :
SCP Barthélémy et Vier
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 novembre 1982), que M. X... qui s'était adressé à la société Georges Maurer (la société Maurer), commissionnaire agréé à la Bourse de commerce de Paris, pour effectuer des opérations sur les marchés à terme, avait en position sur le marché des cafés, le 1er août 1978, seize lots à l'achat et huit lots à la vente à l'échéance du mois de septembre, que, le 2 août, son compte s'étant trouvé débiteur en raison de l'évolution défavorable des cours, il reçut un appel de marges qu'il régla immédiatement par chèque, que, le même jour, la société Maurer procéda à la vente de douze lots de café à l'échéance de septembre tandis que M. X... n'en détenait que huit, ce qui entraîna une position débitrice du compte et la liquidation de celui-ci par la société Maurer ;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir rejeté le recours en annulation contre une sentence de la Chambre d'arbitrage de Paris du 30 novembre 1981 qui a condamné la société Maurer à payer des dommages-intérêts à M. X... à la suite des irrégularités commises lors de la liquidation du compte au motif, selon le pourvoi, "qu'en présence du texte du 2e alinéa de l'article 15 du règlement général des marchés, qui énonce que le commissionnaire ait tenu "d'aviser le client le jour même" de l'exécution d'un ordre, les arbitres ont pu, sans violer ce texte impératif, considérer en vertu de leur pouvoir souverain d'appréciation que, l'avis étant parvenu le lendemain seulement au destinataire et à un moment où celui-ci était absent de son domicile, les exigences du règlement n'avaient pas été respectées" alors que l'article 15, alinéa 2, du règlement général des marchés de la Bourse de commerce de Paris homologué par l'arrêté ministériel du 16 septembre 1975, imposant au commissionnaire agréé d'adresser à son client un avis le jour même, la Cour d'appel ne pouvait approuver les arbitres d'avoir exigé en outre que l'avis touche le destinataire en personne dans ce délai, sans violer ledit article 15, alinéa 2, ainsi que l'article 1484, alinéa 2, 6°, du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la Cour d'appel, qui a constaté que M. X... n'avait pas reçu de la société Maurer l'avis prévu par l'article 15, alinéa 2, du règlement général des marchés le jour même de l'exécution de l'ordre considéré, a retenu à bon droit que les exigences de ce texte n'avaient pas été respectées ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les deuxième et troisième moyens réunis :
Attendu que la société Maurer fait encore grief à la Cour d'appel d'avoir rejeté le recours en annulation contre la sentence arbitrale ayant décidé qu'elle avait commis une faute en liquidant la position de M. X... lorsqu'elle a appris qu'un chèque précédemment émis par ce client était sans provision et qu'elle devait payer des dommages-intérêts "sur la base des articles 1382 et subsidiairement 1384 du Code civil" alors, selon le pourvoi, d'une part, que, même dû à une erreur de la banque tirée, le refus de paiement d'un chèque permettait au commissionnaire agréé, dès lors non couvert du dépôt de garantie obligatoire, de liquider la position de son client, de sorte qu'en jugeant cette liquidation injustifiée et fautive, les arbitres, puis la Cour d'appel, ont violé les articles 10 et 14 du règlement général des marchés et l'article 1484, alinéa 2, 6°, du nouveau Code de procédure civile et alors, d'autre part, que la règle du non-cumul des deux ordres de responsabilité interdit de retenir une responsabilité délictuelle à l'occasion d'une faute commise par une partie envers l'autre dans l'exécution d'un contrat, qu'en refusant de sanctionner cette erreur de droit commise par les arbitres en dehors de leur "pouvoir souverain d'appréciation", la Cour d'appel a violé ensemble les articles 1147 et 1382 du Code civil et 1484 alinéa 2, 6°, du nouveau Code de procédure civile, et alors qu'enfin, en refusant de sanctionner le défaut de réponse par les arbitres au mémoire de la société Maurer faisant valoir que l'annulation précédemment prononcée des opérations irrégulières faisait disparaître tout préjudice du client qui ne pouvait réclamer une deuxième réparation, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motif et méconnu ensemble les articles 1471, alinéa 2, 1480 et 1484, alinéa 2, 5°, du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en énonçant que les arbitres, sans méconnaître l'étendue de leur pouvoir, ni violer une règle d'ordre public, avaient retenu que la société Maurer ne pouvait pas avoir su, au moment de la liquidation du compte de M. X..., que le dépôt de garantie n'existait plus et que cette liquidation engageait dès lors la responsabilité délictuelle du commissionnaire en évaluant le préjudice qui en était résulté pour le client, la Cour d'appel, répondant aux conclusions invoquées, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que les deux moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 26 novembre 1982 par la Cour d'appel de Paris.