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Décisions

Cass. crim., 1 septembre 2004, n° 03-86.497

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Pometan

Avocat général :

M. Davenas

Avocat :

SCP Ancel et Couturier-Heller

Paris, du 25 sept. 2003

25 septembre 2003

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 314-6 du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, défaut de réponse aux conclusions ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a relaxé André X... des fins des poursuites pour les faits qualifiés de détournement ou destruction par le saisi, d'objet saisi et confié à sa garde et déclaré irrecevable la constitution de partie civile du Trésor public ;

"aux motifs qu'il est établi par les pièces de la procédure qu'André X... a informé l'huissier de justice que les meubles avaient fait l'objet d'une vente le 20 mai 1991 à son père et que les sommes émanant de cette vente avaient épongé ses dettes commerçantes ; qu'ainsi, une saisie-vente par les établissements Transexim avait fait l'objet d'une mainlevée de la saisie, le juge de l'exécution ayant constaté qu'André X... avait vendu ses meubles à son père pour une somme de 51 000 francs et que cette somme avait été versée par le père à son fils ;

"que, dans ces conditions, faute de l'élément intentionnel, il ne peut être reproché à André X... le détournement des objets saisis et donc d'avoir commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité ;

"alors que, d'une part, il suffit, pour que l'article 314-6 du Code pénal soit applicable, que le détournement ait été commis après un acte de saisie opérée dans les formes prescrites par la loi, et que le saisi ait eu pleine connaissance de cet acte ; que la cour d'appel, qui constate que le trésorier d'Aulnay-sous-Bois avait fait procéder le 12 mars 1996 et le 18 avril 1996 à la saisie-vente des biens meubles de M. et Mme X..., qu'un avis de signification avait été délivré le 23 mai 1997 et le 26 janvier 1998, que l'huissier se présentant sur les lieux avait constaté que les intéressés avaient quitté le domicile en emportant le mobilier et relaxe André X..., constitué gardien des objets saisis, des fins des poursuites faute d'élément intentionnel, n'a pas tiré de ses propres énonciations les conséquences légales qui en découlaient ;

"alors que, d'autre part, il était soutenu dans des conclusions demeurées sans réponse que la requête en revendication d'objets saisis déposée par André X... le 19 avril 1996 avait été rejetée par le Trésor public pour la raison que seul le propriétaire peut revendiquer les biens saisis et que Jules X..., considéré par son fils, André X..., comme le propriétaire des biens saisis, n'a pas agi en revendication et que le jugement du 27 juin 1995 concernant la saisie-vente diligentée le 10 février 1995 par les établissements Transexim à l'encontre de M. X... ne démontre aucunement que Jules X... est propriétaire des biens saisis à la diligence du trésorier dès lors que les biens, objet de la saisie-vente diligentée par les établissements Transexim, ne sont pas décrits" ;

Vu l'article 314-6 du Code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, l'indisponibilité des biens saisis après un acte opéré dans les formes prévues par la loi se poursuivant tant qu'une décision n'a pas prononcé la nullité ou la mainlevée de la saisie, il suffit, pour caractériser le délit prévu par l'article 314-6 du Code pénal, que le détournement ait été commis en connaissance de cause ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement confirmé, qu'André X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir détourné des meubles saisis à la diligence du Trésor public qui poursuivait le recouvrement d'impôts dont il était redevable ;

Attendu que, pour confirmer le jugement ayant renvoyé le prévenu des fins de la poursuite, et débouter la partie civile, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que ces meubles avaient fait l'objet de procès-verbaux de saisie-vente des 12 mars et 18 avril 1996, dressés au domicile d'André X... et en sa présence, et que, en ayant été constitué gardien, il les avait ensuite déménagés puis vendus ; que les juges ajoutent que ce dernier a informé l'huissier, au cours des opérations de saisie du 12 mars 1996, qu'il n'en était plus propriétaire à la suite d'une vente conclue avec son père le 20 mai 1991, ladite vente ayant été "constatée" par jugement du 27 juin 1995 du juge de l'exécution qui a ordonné, par ce motif, à sa demande, la mainlevée de la saisie effectuée par un autre créancier ; que la juridiction du second degré en déduit que, faute d'élément intentionnel, aucun détournement des objets saisis ne pouvait lui être reproché ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs inopérants, dès lors qu'André X... n'avait pas saisi le juge de l'exécution d'une demande d'annulation de la saisie, et que le jugement en date du 27 juin 1995 ne pouvait avoir d'effet à l'égard du Trésor public qui n'était pas partie à l'instance, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions civiles, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 25 septembre 2003, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.