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Décisions

ADLC, 16 décembre 2019, n° 19-DCC-250

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle conjoint par la société Bardis aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire sous enseigne Casino

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme de Silva

ADLC n° 19-DCC-250

16 décembre 2019

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au  service  des  concentrations  le  18  novembre 2019, relatif à la prise de contrôle conjoint par la société Bardis aux côtés de l’Association des Centre Distributeurs E. Leclerc d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire sous enseigne Casino, formalisée par une promesse d’achat en date du 16 septembre 2019 et un acte de substitution en date du 23 septembre 2019 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. La société Bardis est une société par actions simplifiée qui exploite un fonds de commerce à dominante alimentaire situé à Bar-sur-Aube (10). Elle est détenue principalement par M. et Mme Damart.

2. L’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc (ci-après, l’« ACDLec ») est l’organe qui définit la stratégie du mouvement E. Leclerc, dont sont adhérentes toutes les personnes physiques qui dirigent les sociétés d’exploitation de magasins E. Leclerc. L’ACDLec détermine notamment les conditions d’agrément au mouvement E. Leclerc et signe les contrats d’enseigne (ou « de licence de marques ») dont les exploitants de magasins de commerce de détail

E. Leclerc doivent être titulaires.

3. Le fonds de commerce cible est un supermarché actuellement exploité sous enseigne Casino, situé à Brienne-le-Château (10), d’une surface de vente de 1 500 m². Il est détenu par la société Distribution Casino France.

 

4. L’opération envisagée, formalisée par une promesse d’achat en date du 16 septembre 2019 et par un acte de substitution en date du 23 septembre 2019, consiste en l’acquisition par Bardis du fonds de commerce cible exploité sous l’enseigne Casino situé à Brienne-le-Château (10).

5. L’Autorité a par ailleurs considéré, de manière constante1, que les obligations que l’ACDLec fait peser sur les sociétés d’exploitation des magasins E. Leclerc, telles que Bardis, lui permettent d’exercer une influence déterminante sur celles-ci. Cette analyse de l’influence déterminante exercée par l’ACDLec est transposable à la présente opération, au vu des documents contractuels liant Bardis à l’ACDLec2.

6. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle conjoint du fonds de commerce cible par Bardis aux côtés de l’ACDLec, l’opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

7. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires hors taxes total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (mouvement E. Leclerc : 24 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2018 ; Bardis : 33,6 millions d’euros pour le même exercice ; le point de vente cible : 3,6 millions d’euros pour le même exercice). Chacune des entreprises a réalisé, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions d’euros (mouvement E. Leclerc : 24 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2018 ; Bardis : 33,6 millions d’euros pour le même exercice ; le point de vente cible : 3,6 millions d’euros pour le même exercice).

8. Compte tenu des chiffres d’affaires réalisés par les entreprises concernées, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au II de l’article L. 430- 2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

A. LES MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

1. MARCHÉS DE PRODUITS

9. En ce qui concerne les marchés de l’approvisionnement, la Commission européenne3 retient l’existence de marchés par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales4.

1 Décisions de l’Autorité n° 16-DCC-14 du 29 janvier 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un magasin de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Attindis aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc, n° 16- DCC-53 du 15 avril 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire sous enseigne E. Leclerc par les époux Bernard aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc, n° 16-DCC-211 du 13 décembre 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de la société Sodix par l’Association ACDLec aux côtés de la société Lacdis et n° 19-DCC-63 du 9 avril 2019 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Thegadis aux côtés de l’Association des Centres distributeurs E. Leclerc.

2 Voir les paragraphes 6 à 17 de la décision de l’Autorité n° 19-DCC-63 du 9 avril 2019 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Thegadis aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc.

3 Décisions de la Commission européenne M.1684 du 25 janvier 2000 Carrefour / Promodès et M.2115 du 28 septembre 2000 Carrefour / GB.

4 Lettres du ministre chargé de l’économie C2005-98 du 10 novembre 2005 Carrefour/Penny Market, C2006-15 du 14 avril 2006 Carrefour/ Groupe Hamon, C2007-172 du 13 février 2008 relative à la création de l’entreprise commune Plamidis et C2008-32 du 9 juillet 2008 Carrefour/SAGC, ainsi que les décisions n° 16-DCC-53 et n° 16-DCC-211 précitées.

10. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.

2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

11. Du point de vue géographique, la pratique décisionnelle constante des autorités de concurrence considère que les marchés de l'approvisionnement sont de dimension nationale5.

12. Il n’y a pas lieu de remettre en cause la  pratique  décisionnelle  dans  le  cadre  de  la  présente opération.

B. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE DETAIL A DOMINANTE ALIMENTAIRE

1. MARCHÉS DE PRODUITS

13. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, l’Autorité distingue six catégories de commerce de détail à dominante alimentaire, en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l’ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés (magasins à dominante alimentaire d’une surface légale de vente supérieure à 2 500 m²), (ii) les supermarchés (entre 400 et 2 500 m²), (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail (moins de 400 m²), (v) les maxi-discompteurs, (vi) la vente par correspondance6.

14. En l’espèce, le magasin cible dispose d’une surface de vente de 1 500 m² : il entre donc dans la catégorie des supermarchés. L’opération sera donc analysée sur le marché des supermarchés qui comprend les supermarchés et les formes de commerce équivalentes (c'est-à-dire, les hypermarchés, les maxi-discompteurs et les magasins populaires).

2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

15. Les autorités de concurrence examinent les effets des concentrations dans le secteur de la distribution de détail à dominante alimentaire au niveau local, qui correspond à la zone de chalandise associée à chaque magasin et dont l’étendue est fonction du temps de déplacement en voiture pour le consommateur (hors Paris)7.

16. L’Autorité de la concurrence estime qu’en fonction de la taille des magasins concernés et de leur localisation, les conditions de concurrence peuvent s’apprécier sur deux zones géographiques différentes :

- un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d’une zone et l’offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;

- et un second marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l’offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture8. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs9.

17. L’Autorité considère que l’analyse concurrentielle ne porte que sur le second marché lorsque le magasin cible est un supermarché, le premier marché n’étant pris en compte que lorsque le magasin cible est un hypermarché10.

18. En l’espèce, compte tenu des caractéristiques du magasin cible, l’analyse portera donc sur la zone comprenant le supermarché cible et les magasins concurrents situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture.

III. Analyse concurrentielle

A. LES MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

19. En ce qui concerne les marchés amont de l’approvisionnement, l’opération ne concerne qu’un seul magasin dont le montant des achats totaux représente une part marginale du marché national de l’approvisionnement.

20. La puissance d’achat du mouvement E. Leclerc n’est donc pas susceptible d’être renforcée, tous produits confondus comme par catégories de produits, à l’issue de l’opération11.

B. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION

21. En ce qui concerne le marché aval de la distribution, le magasin cible est un supermarché qui sera, à l’issue de l’opération, exploité sous enseigne E. Leclerc, d’une surface de 1 500 m² et situé à Brienne-le-Château (10).

22. Préalablement à l’opération, aucun  magasin  E.  Leclerc  n’est  présent  dans  une  zone  de  15 minutes en voiture autour du magasin cible situé boulevard Napoléon à Brienne-le-Château. Après l’opération, à la suite de l’acquisition de la cible, les parties représenteront 31,2 % des surfaces de vente dans la zone de chalandise considérée. Le point de vente cible fera face à la concurrence de deux autres enseignes : Intermarché (52,7 %) et Aldi (16,2 %). L’opération ne donne donc pas lieu à une addition de parts de marché au bénéfice de E. Leclerc mais conduit simplement à une substitution de parts de marché entre les enseignes Casino et E. Leclerc.

23. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché aval de la distribution à dominante alimentaire dans la zone de Brienne-le-Château (10).

DÉCIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 19-310 est autorisée.

 

NOTES :

1 Décisions de l’Autorité n° 16-DCC-14 du 29 janvier 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un magasin de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Attindis aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc, n° 16- DCC-53 du 15 avril 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire sous enseigne E. Leclerc par les époux Bernard aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc, n° 16-DCC-211 du 13 décembre 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de la société Sodix par l’Association ACDLec aux côtés de la société Lacdis et n° 19-DCC-63 du 9 avril 2019 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Thegadis aux côtés de l’Association des Centres distributeurs E. Leclerc.

2 Voir les paragraphes 6 à 17 de la décision de l’Autorité n° 19-DCC-63 du 9 avril 2019 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Thegadis aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc.

3 Décisions de la Commission européenne M.1684 du 25 janvier 2000 Carrefour / Promodès et M.2115 du 28 septembre 2000 Carrefour / GB.

4 Lettres du ministre chargé de l’économie C2005-98 du 10 novembre 2005 Carrefour/Penny Market, C2006-15 du 14 avril 2006 Carrefour/ Groupe Hamon, C2007-172 du 13 février 2008 relative à la création de l’entreprise commune Plamidis et C2008-32 du 9 juillet 2008 Carrefour/SAGC, ainsi que les décisions n° 16-DCC-53 et n° 16-DCC-211 précitées.

5 Décisions COMP/M.1684,COMP/M.4096, n° 16-DCC-53 et n° 16-DCC-211 précitées.

6 Décisions n° 16-DCC-53, n° 16-DCC-211 et n° 19-DCC-63 précitées.

7 Id.

8 Id.

9 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 12-DCC-63, n°13-DCC-90 et n°14-DCC-173.

10 Id.

11 Il convient de relever que les cinq magasins exploités par le groupe Parfait représentent une part de marché inférieure à 1 % sur les marchés amont de l'approvisionnement au niveau national.