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Décisions

Cass. 3e civ., 30 novembre 2011, n° 10-27.021

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Terrier

Rapporteur :

M. Mas

Avocat général :

M. Laurent-Atthalin

Avocats :

Me Le Prado, SCP Bénabent

Versailles, du 9 sept. 2010

9 septembre 2010

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles 9 septembre 2010), que la société Compagnie générale de chauffe entreprise (CGCE), chargée de la réalisation d'installations thermiques puis de l'exécution d'un réseau de circulation de produits dans des laboratoires pharmaceutiques, a sous-traité une partie des travaux à la société Audincourt Rhône Alpes (société ARA), aux droits de laquelle vient la société Boccard ; que ses factures étant demeurées impayées, celle-ci a assigné la CGCE en règlement du solde restant dû ; que sur cette demande la cour d'appel a, par un arrêt du 9 mars 2000 devenu irrévocable, annulé les contrats de sous-traitance, ordonné une expertise à l'effet de procéder à une estimation du juste coût de l'ensemble des travaux exécutés par la société ARA sans égard pour les prix convenus par les parties et alloué une provision à cette société ;

Sur le moyen, unique pris en ses deux premières branches :

Attendu que la société Boccard fait grief à l'arrêt de la débouter de l'ensemble de ses prétentions et de la condamner à payer à la société Crystal, venant aux droits de la société CGCE, la somme de 167 051, 08 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2000, alors, selon le moyen :

1°/ que dans le cas où un contrat annulé a été exécuté, les parties doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient avant cette exécution ; que dans le cas où en vertu d'un contrat de sous-traitance ultérieurement annulé le sous-traitant a exécuté ses prestations de travaux, il est en droit d'obtenir de l'entrepreneur principal la restitution des sommes qu'il a réellement déboursées, sans que soit prise en compte la valeur de l'ouvrage ; qu'en l'espèce, le contrat de sous-traitance du 1er août 1994 portant sur le chantier « Parke Davis Climatisation » a été annulé faute pour l'entrepreneur principal, la société CGCE, aux droits de laquelle vient la société Crystal, d'avoir fourni à son sous-traitant, la société ARA, aux droits de laquelle vient la société Boccard, une quelconque garantie de paiement ; que la société ARA ayant pourtant accompli l'intégralité des travaux commandés, elle était en droit d'exiger restitution de l'intégralité des sommes déboursées pour le chantier « Parke Davis Climatisation » ; que la cour d'appel, pour évaluer le montant des restitutions, n'a pas retenu les coûts exposés par la société ARA ; que pour fixer à la somme de 271 036, 38 le montant des restitutions dues, la cour d'appel a adopté les conclusions de l'expert Y... qui avaient retenu que cette somme correspondait à la « valeur marchande » des travaux qu'en fixant ainsi le montant des restitutions à la valeur de l'ouvrage réalisé par le sous-traitant, la cour d'appel a violé les articles 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 et 1234 du code civil ;

2°/ qu'un contrat annulé ne peut avoir aucun effet ; que dans le cas où en vertu d'un contrat de sous-traitance ultérieurement annulé le sous-traitant a exécuté ses prestations de travaux, le sous-traitant est en droit d'obtenir de l'entrepreneur principal la restitution des sommes qu'il a réellement déboursées, sans que soit pris en compte le prix initialement stipulé ou la valeur marchande de l'ouvrage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a donné effet au contrat de sous-traitance annulé du 3 juillet 1995 portant sur le chantier « Parke Davis Process » puisqu'elle a fixé la valeur du marché au prix contractuellement stipulé et qui avait été réglé par la société Crystal soit 449 459 TTC ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1234 du code civil et le principe suivant lequel ce qui est nul est réputé n'avoir jamais existé ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'expert avait, d'une part, déterminé la somme qu'il avait proposée au titre du chantier Parke Davis Climatisation au vu du nombre de pouces de soudures nécessaires pour exécuter la prestation commandée et déterminé le prix habituel de ce pouce, puis fixé le coût en fonction du taux horaire en tenant compte des frais généraux et des bénéfices admis par le spécialiste comptable choisi, et indiqué qu'aucun élément ne permettait d'établir des modifications ou des difficultés particulières en cours d'exécution et, d'autre part, précisé que la société Boccard n'avait fourni aucun élément permettant de donner une appréciation sur le coût réel de la partie d'ouvrage relative au marché Parke Davis Process, la cour d'appel, qui a exactement retenu que la société Boccard ne pouvait prétendre que sa créance devait être déterminée par référence à ses dépenses réelles telles qu'elles ressortaient de sa seule comptabilité analytique et qui n'a pas procédé à une évaluation purement théorique ni donné effet au contrat de sous-traitance déclaré nul, a pu considérer que le travail de l'expert était susceptible de servir de base à la détermination du juste prix des prestations fournies pour le marché Parke Davis Climatisation et a, en l'absence de preuve par la société Boccard d'un prix distinct de celui réglé au titre du marché Parke Davis Process, souverainement apprécié le montant représentant le juste coût des travaux exécutés par la société ARA ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en ses deux dernières branches :

Vu les articles 1153 et 1382 du code civil ;

Attendu que pour assortir la condamnation à paiement prononcée à l'encontre de la société Boccard des intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2000, l'arrêt retient que les sommes dont la société Crystal se trouve créancière étant dues à titre de restitution, porteront intérêt au taux légal, à compter du 9 mars 2000, en tant que de besoin à titre de dommages-intérêts et que la société Crystal, quel que soit le comportement de la société Broccard dans le déroulement de la procédure, ne justifie pas en subir d'autre préjudice que celui de la privation de jouissance des sommes qui lui sont dues à titre de restitution, déjà indemnisé par les intérêts à compter de la date précitée ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à établir la preuve d'une faute de la société Boccard en relation avec la perte de jouissance des sommes dues et alors que la partie qui doit restituer une somme qu'elle détenait en vertu d'une décision exécutoire n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution, et qu'une partie de la somme fixée avait été allouée à titre de provision par l'arrêt du 9 mars 2000, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a assorti la condamnation de la société Boccard à payer à la société Crystal la somme de 167 051, 08 euros, des intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2000, l'arrêt rendu le 9 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.