Cass. 3e civ., 13 avril 2022, n° 21-12.814
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
M. David
Avocats :
Me Occhipinti, SCP Piwnica et Molinié
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 4 janvier 2021), le 15 décembre 1999, M. et Mme [H], aux droits desquels vient la société civile immobilière du Lycée (la SCI), ont donné en location à la société La Poste (La Poste) des locaux à usage commercial.
2. Le 5 juin 2000 a été établi un état des lieux d'entrée.
3. Le 19 novembre 2009, La Poste a formé une demande de renouvellement du bail en sollicitant un loyer minoré.
4. Le 3 décembre 2009, la SCI a accepté le principe du renouvellement mais s'est opposée à une diminution du loyer, aucune des parties ne saisissant le juge des loyers commerciaux.
5. Le 27 juin 2013, La Poste a délivré à la SCI un congé à effet du 31 décembre 2013.
6. Un état des lieux de sortie a été établi à cette dernière date, à laquelle la SCI a repris possession des clés.
7. Le 14 avril 2015, la SCI a assigné La Poste en paiement du coût des travaux de remise en état intérieure et extérieure des locaux, ainsi que des loyers et accessoires dus jusqu'au 31 décembre 2015.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. La SCI fait grief à l'arrêt de fixer à 4 226,02 euros la somme due par La Poste au titre des travaux de remise en état des lieux loués, alors « que le preneur doit rendre la chose telle qu'il l'a reçue ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si La Poste n'avait pas laissé sur place des meubles, des cloisons et du carrelage qui n'étaient pas dans les lieux lorsqu'elle y était entrée, et qui devaient donc être retirés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1730 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1730 du code civil :
9. Aux termes de ce texte, s'il a été fait un état des lieux entre le bailleur et le preneur, celui-ci doit rendre la chose telle qu'il l'a reçue, suivant cet état, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure.
10. Pour limiter aux travaux concernant l'extérieur de l'immeuble la condamnation de La Poste, l'arrêt énonce que la remise en état des lieux à l'intérieur constituerait un enrichissement sans cause du bailleur au regard de l'état des lieux d'entrée.
11. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si La Poste n'avait pas laissé sur place des meubles, des cloisons et du carrelage qui n'étaient pas dans les lieux lorsqu'elle y était entrée, et qu'elle devait dès lors supprimer, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
12. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter le surplus de ses demandes, et spécialement de celle relative au paiement du loyer et de ses accessoires, alors :
« 1°/ que les parties n'avaient pas soutenu que le bail s'était terminé par une résiliation amiable ; qu'en se fondant néanmoins sur un tel moyen, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'existence d'une résiliation amiable, sans le soumettre à la discussion préalable des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 16 du code de procédure civile :
13. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
14. Il résulte du second que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
15. Pour rejeter les demandes de la SCI relatives au paiement des loyers et accessoires, l'arrêt retient que le bail a pris fin le 31 décembre 2013 par résiliation amiable.
16. En statuant ainsi, alors que l'existence d'une résiliation amiable n'avait été invoquée par aucune des parties, et sans inviter celles-ci à présenter leurs observations sur ce moyen de droit, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée.