ADLC, 9 avril 2019, n° 19-DCC-63
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Thegadis aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme de Silva
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification, adressé complet au service des concentrations le 5 mars 2019, relatif à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Thegadis aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc, formalisée par une promesse d’achat du fonds de commerce en date du 16 janvier 2019 conclue entre la société Scalandes et la société Distribution Casino France, et par une déclaration en date du 12 mars 2019 par laquelle la société Thegadis se substitue à la société Scalandes ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par les parties notifiantes au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
A. LES ENTREPRISES CONCERNÉES
1. LES ACQUÉREURS ET LA CIBLE
1. La société Thegadis (ci-après, « Thegadis ») est une société par actions simplifiée, créée pour les besoins de l’opération, qui a pour objet l’exploitation d’un établissement commercial de commerce de détail. Elle est indirectement contrôlée par M. Dumasdelage, qui exploite également, indirectement, un hypermarché situé à Biarritz (64), sous enseigne E. Leclerc.
2. L’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc (ci-après, l’« ACDLec ») est l’organe qui définit la stratégie du mouvement E. Leclerc, dont sont adhérentes toutes les personnes physiques qui dirigent les sociétés d’exploitation de magasins E. Leclerc. L’ACDLec détermine notamment les conditions d’agrément au mouvement E. Leclerc et signe les contrats d’enseigne (ou « de panonceau ») dont doivent être titulaires les exploitants de magasins de commerce de détail E. Leclerc.
3. Le magasin cible est un hypermarché exploité sous enseigne Géant Casino, situé à Anglet (64), d’une surface de vente de 6 950 m², détenu par la société Distribution Casino France (ci-après,
« DCF »), filiale de la société Casino Guichard-Perrachon.
2. LE CONTRÔLE DES ENTITÉS CONCERNÉES
4. Il est soutenu dans la notification de l’opération que l’ACDLec n’exerce aucun contrôle sur Thegadis et n’exercera aucun contrôle sur le magasin cible après l’opération. Ce dernier serait donc exclusivement contrôlé par M. Dumasdelage et l’opération notifiée consisterait par conséquent, selon les parties notifiantes, en la prise de contrôle exclusif du magasin cible par
M. Dumasdelage, par l’intermédiaire de Thegadis.
5. Néanmoins, à l’issue de l’opération, le fonds de commerce cible sera détenu par Thegadis, laquelle est conjointement contrôlée, au sens du droit des concentrations, par l’ACDLec et
M. Dumasdelage. Comme l’Autorité de la concurrence l’a relevé dans de précédentes décisions1, les obligations que l’ACDLec fait peser sur les sociétés d’exploitation des magasins
E. Leclerc, telles que Thegadis, lui permettent d’exercer une influence déterminante sur celles- ci. Cette analyse de l’influence déterminante exercée par l’ACDLec est transposable à la présente opération, au vu des documents contractuels liant Thegadis à l’ACDLec.
6. En premier lieu, l’ACDLec constitue une entreprise au sens des dispositions de l’article
L. 430- 1 du code de commerce, dans la mesure où elle exerce une activité économique consistant notamment, d’après les dispositions de ses statuts2, à (i) définir la politique d’enseigne, (ii) protéger et promouvoir le panonceau « Centre Distributeur E. Leclerc »,
(iii) contrôler soit pour elle-même, soit pour le compte de toute société commerciale groupant les centres distributeurs E. Leclerc, les conditions de la gestion de ces dernières ou des centres
E. Leclerc qui en sont associés et (iv) contribuer à la création de tout organisme de nature à favoriser l’activité, la solidarité et la sécurité de ses adhérents.
7. En second lieu, la détention par l’ACDLec d’un contrôle conjoint sur Thegadis à l’issue de l’opération ressort d’un faisceau d’indices reposant notamment sur la possibilité pour l’ACDLec d’intervenir dans la nomination et la révocation du président de cette société et du directeur général, dans la politique commerciale du magasin détenu par la société d’exploitation et dans les cessions d’actions de cette société d’exploitation.
La possibilité d’intervenir dans la nomination et la révocation du président de la société Thegadis
8. L’ACDLec disposera d’un droit de veto sur la nomination et l’exercice des fonctions du président de Thegadis. Les statuts de cette société prévoient qu’un « Conseil de parrainage » nomme à la majorité simple3 et révoque à l’unanimité de ses membres4, le président de la société, alors que ce dernier « assume […] la direction générale de la société »5. Le Conseil de parrainage « est investi du pouvoir de contrôler la direction de la société »6 et les décisions concernant plusieurs questions stratégiques (décisions relatives aux emprunts, investissements, sûretés, décisions de prendre ou de céder toutes participations directes ou indirectes dans toutes sociétés, décisions concernant toutes opérations concernant l’immobilier) ne peuvent être prises que par le président sur autorisation du Conseil de parrainage7. En outre, ce dernier « peut exiger à tout moment au cours de la vie sociale que le Président soumette à son appréciation : les budgets de la société ; les documents de gestion prévisionnelle ; les situations intercalaires »8.
9. Il ressort de ces stipulations que l’ACDLec est en mesure d’exercer, à travers le Conseil de parrainage de Thegadis, un contrôle sur cette dernière. Les membres du Conseil de parrainage sont des personnes physiques ou morales qui gèrent des sociétés exploitant un centre E. Leclerc, et sont donc liés à l’ACDLec par des contrats de panonceau. Ils ont conclu une convention de parrainage avec M. Dumasdelage qui leur octroie le statut de « parrains ». Les parrains apportent leur cautionnement à M. Dumasdelage dans le cadre du projet de convention transmis à l’Autorité, qui indique que, en contrepartie, le parrainé s’engage notamment « à appliquer scrupuleusement les directives données par les structures nationales ou régionales du Mouvement E. Leclerc »9. Si Thegadis n’a pas encore fait l’objet d’une convention de parrainage, elle a toutefois vocation à s’affilier au Mouvement E. Leclerc. En effet, les statuts de Thegadis mentionnent que la vocation de la société est « de s’affilier, directement ou indirectement, à toutes les structures du mouvement E. Leclerc et de soutenir le développement de celui-ci dans le cadre de l’esprit coopératif qui le caractérise »10.
10. Plus généralement, seuls les membres de l’ACDLec (ou les sociétés d’exploitation qu’ils dirigent) peuvent exploiter un magasin sous enseigne E. Leclerc, adhérer au Galec ou à une société coopérative d’approvisionnement générale du mouvement E. Leclerc, ou être parrain d’un autre adhérent de l’ACDLec, ce statut supposant d’être titulaire d’un contrat de panonceau signé avec l’ACDLec11, octroyant le droit d’usage de l’enseigne E. Leclerc. Dans la mesure où l’ACDLec n’est pas tenue d’accorder ce droit d’usage de l’enseigne E. Leclerc, ni de justifier ses éventuels refus12 et où elle peut retirer ce droit d’usage de l’enseigne E. Leclerc en application des stipulations du contrat de panonceau qui lui laissent une très large marge d’appréciation13, l’ACDLec peut contrôler la désignation du président, mais aussi celle des membres du Conseil de parrainage de Thegadis.
L’intervention dans la politique commerciale des sociétés d’exploitation
11. L’ACDLec impose14, dans les contrats de panonceau, dans la charte des adhérents du mouvement E. Leclerc15 et dans des directives, diffusées par ses présidents de région qui s’assurent de leur bonne application16, deux séries d’obligations. Ces obligations limitent fortement l’autonomie des adhérents dans la conduite de leur politique commerciale. En l’espèce, ces obligations s’imposent à M. Dumasdelage en tant que signataire, avec l’ACDLec, d’un contrat de panonceau17.
12. En premier lieu, l’association reçoit communication de tous documents nécessaires à l’appréciation de l’exploitation commerciale des magasins par leurs dirigeants. Les adhérents doivent ainsi adresser chaque année leur bilan et compte d’exploitation ainsi que, mensuellement, le chiffre d’affaires du mois précédent18.
13. En deuxième lieu, l’ACDLec impose également, dans les contrats de panonceau, des obligations lui conférant un rôle déterminant pour la stratégie commerciale des magasins. Ces contrats prévoient en effet notamment que les adhérents ne peuvent appliquer des marges supérieures à celles pratiquées pour les ventes en gros et que, dans tous les cas, les adhérents s’engagent « à ne jamais appliquer une marge supérieure à celles recommandées par l’ACDLec »19. Or, la fixation du taux de marge est l’élément essentiel qui conditionne la rentabilité commerciale d’une enseigne de la grande distribution. Par ailleurs, la charte des adhérents de l’ACDLec prévoit expressément que chaque adhérent est tenu de respecter la politique de prix du mouvement E. Leclerc qui constitue « un élément essentiel de l’appartenance à l’ACDLec. […] L’objectif d’indice moyen à atteindre pour assurer la compétitivité générale de l’enseigne est de […]. Tout adhérent doit tendre à l’objectif fixé et en tout état de cause avoir un indice exhaustif à l’OPUS inférieur à […]. Le non-respect de cette règle de prix entraîne la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire, un avertissement de l’ACDLec sanctionne tout dépassement, trois avertissements consécutifs pouvant entraîner la radiation de l’association »20. Il s’ensuit qu’en pratique, l’ACDLec est en mesure de définir et faire respecter la politique commerciale des sociétés d’exploitation de magasins E. Leclerc.
14. De plus, les contrats de panonceau imposent aux adhérents des obligations encadrant précisément leur approvisionnement et leurs investissements21. Les sociétés sont également tenues de n’exploiter ou diriger aucune autre entreprise commerciale22, alors même qu’elle aurait une activité analogue. Outre ces obligations, imposées par l’ACDLec dans les contrats de panonceau, les membres de l’ACDLec sont tenus de respecter les obligations prévues par la charte des adhérents du mouvement E. Leclerc23 et par des directives déclinant la politique d’enseigne élaborée par le comité stratégique de l’ACDLec24, et diffusées par ses présidents de région25. Tout manquement à ces obligations est susceptible de justifier le retrait du droit d’usage de l’enseigne E. Leclerc26.
La possibilité d’intervenir dans les cessions d’actions des sociétés d’exploitation
15. Les différentes dispositions statutaires ou stipulations contractuelles applicables encadrent par ailleurs étroitement le processus de cession d’actions de Thegadis à une personne étrangère au mouvement E. Leclerc.
16. S’agissant des cessions d’actions, plusieurs stipulations des statuts de Thegadis définissent des obligations particulièrement contraignantes :
- toute cession totale ou partielle d’actions dont un associé est titulaire doit faire l’objet d’une « offre préalable de cession aux autres associés »27 ; et
- si les autres associés n’ont pas manifesté leur volonté d’acquérir les actions dans un délai de deux ans après la présentation de l’offre préalable de cession, le cédant peut contracter avec un tiers, sous réserve de notifier la cession à chacun des associés, qui disposent alors d’un délai de 30 jours pour indiquer s’ils entendent exercer leur droit de préemption. À défaut de réponse dans ce délai, ils sont réputés avoir renoncé à acquérir les actions cédées28.
17. Au total, il ressort de l’ensemble de ce qui précède, et notamment de la possibilité pour l’ACDLec d’intervenir dans l’administration et la politique commerciale, ainsi que des obligations pesant sur les cessions d’actions de Thegadis, que l’ACDLec disposera de la possibilité d’exercer une influence déterminante sur celle-ci à l’issue de l’opération.
B. L’OPÉRATION
18. L’opération, formalisée par une promesse d’achat du fonds de commerce signée en date du 16 janvier 2019 entre la société Scalandes et DCF, ainsi que par la déclaration de substitution du 12 mars 2019 par laquelle Thegadis se substitue à la société Scalandes, consiste en l’acquisition par Thegadis de l’hypermarché sous enseigne Géant Casino situé 77, avenue de Bayonne à Anglet (64). La société Thegadis, crée pour les besoins de l’opération, est une société par actions simplifiée dans le cadre de dispositions conformes aux statuts-types E. Leclerc décrits ci-dessus, adhérente de l’ACDLec et ayant vocation à être titulaire d’un contrat de panonceau E. Leclerc par l’intermédiaire de M. Dumasdelage. La centrale d’achat des centres distributeurs E. Leclerc Scalandes, les sociétés d’exploitation Montayral Distribution, Adour Distribution, Pays Basque Distribution, Hyperdistribution, Sodibay, Aquipyrdis, Univerdis, CDA Sud-Ouest, Ormeaudis, Limoges Dis, Laval Distribution et M. Graja, détenant chacun une action au sein du capital de la société Thegadis, dont plusieurs au titre du parrainage décrit dans les développement précédents, l’ACDLec sera en mesure d’exercer un contrôle conjoint sur la nouvelle société.
19. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle conjoint du magasin cible par Thegadis aux côtés de l’ACDLec, l’opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
20. Les entreprises concernées exploitent des magasins de commerce de détail et réalisent ensemble un chiffre d’affaires hors taxes total sur le plan mondial de plus de 75 millions d’euros (mouvement E. Leclerc : 24 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 201729 ;
M. Dumasdelage : 38,2 millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2017 ; la cible : 38,4 millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2017). Deux au moins de ces entreprises réalisent en France un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions d’euros dans le secteur du commerce de détail (mouvement E. Leclerc : 23 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 201730 ; M. Dumasdelage : 38,2 millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2017 ; la cible : 38,4 millions d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2017). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au II de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatives aux concentrations économiques.
II. Délimitation des marchés pertinents
A. LES MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT
1. MARCHÉS DE PRODUITS
21. En ce qui concerne les marchés de l’approvisionnement, la Commission européenne31 a retenu l’existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales32.
22. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.
2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
23. Du point de vue géographique, la pratique décisionnelle constante des autorités de concurrence considère que les marchés de l'approvisionnement sont de dimension nationale33.
24. Il n’y a pas lieu de remettre en cause la pratique décisionnelle à l’occasion de la présente opération.
B. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE DETAIL A DOMINANTE ALIMENTAIRE
1. MARCHÉS DE PRODUITS
25. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, la pratique décisionnelle34 distingue six catégories de commerce de détail de biens de consommation courante, en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l’ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés (magasins à dominante alimentaire d’une surface légale de vente supérieure à 2 500 m²), (ii) les supermarchés (entre 400 et 2 500 m²), (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail (moins de 400 m²), (v) les maxi-discompteurs, (vi) la vente par correspondance. La pratique décisionnelle précise toutefois que les seuils de surfaces doivent être utilisés avec précaution, et peuvent être adaptés au cas d’espèce, car des magasins dont la surface est située à proximité d’un seuil, soit en-dessous, soit au-dessus, peuvent se trouver en concurrence directe avec les magasins d’une autre catégorie.
26. Les autorités de concurrence considèrent que, si chaque catégorie de magasin conserve sa spécificité, il existe une concurrence asymétrique entre certaines de ces catégories. Pour la province, elles distinguent ainsi35 : (i) un marché comprenant uniquement les hypermarchés, et
(ii) un marché comprenant les supermarchés et les formes de commerce équivalentes (hypermarchés, hard-discount et magasins populaires) hormis le petit commerce de détail (moins de 400 m²).
27. En l’espèce, le point de vente cible exploité par DCF sous enseigne Géant Casino dispose d’une surface de vente de 6 950 m² et entre donc dans la catégorie des hypermarchés. L’opération sera donc analysée sur le marché des hypermarchés.
2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
28. Les autorités de concurrence ont examiné les effets des concentrations dans le secteur de la distribution de détail à dominante alimentaire au niveau local, correspondant à la zone de chalandise associée à chaque magasin, et dont l’étendue est fonction du temps de transport pour le consommateur.
29. L’Autorité de la concurrence a souligné que, pour les magasins dont la superficie est supérieure à 2 500 m², les conditions de la concurrence s’appréciaient sur deux zones différentes :
- un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d’une zone et l’offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;
- et un second marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l’offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs36.
30. L’Autorité précise toutefois de façon constante que ces délimitations sont susceptibles d’évoluer au cas par cas, en fonction des caractéristiques de la zone locale, puisque d’autres critères peuvent être pris en compte pour évaluer l’impact d’une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d’espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.
31. Au cas d’espèce, le fonds de commerce cible entrant dans la catégorie des hypermarchés, l’analyse concurrentielle sera menée d’une part, sur le marché incluant uniquement les hypermarchés dans un rayon de 30 minutes et, d’autre part, sur le marché incluant les hypermarchés, les supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans un rayon de 15 minutes de temps de trajet en voiture autour du fonds de commerce cible.
III. Analyse concurrentielle
A. LES MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT
32. En ce qui concerne les marchés amont de l’approvisionnement, l’opération ne concerne qu’un seul magasin dont le montant des achats totaux représente une part extrêmement marginale du marché de l’approvisionnement37. La puissance d’achat du mouvement E. Leclerc n’est donc pas susceptible d’être renforcée, tous produits confondus comme par catégories de produits, à l’issue de l’opération.
B. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION
33. Sur le marché comprenant les hypermarchés situés dans une zone correspondant à un temps de trajet de 30 minutes autour de l’hypermarché d’Anglet, le magasin cible représente 12,6 % des surfaces de vente et les hypermarchés de la même enseigne présents sur la zone en représentent 21,7 %. Les parts de marché de l’enseigne E. Leclerc sont donc de 34,3 % sur la zone concernée. Les magasins sous enseigne E. Leclerc feront face à la concurrence de deux enseignes concurrentes : Carrefour (53,6 %) et Intermarché (12,1 %).
34. Sur le marché comprenant les supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans une zone de 15 minutes en voiture autour de l’hypermarché d’Anglet, le magasin cible représente 11,6 % des surfaces de vente et les autres points de vente de la même enseigne représentent 23,9 % des surfaces de vente, soit une part de marché cumulée représentant 35,5 % des surfaces de vente sur la zone concernée. Les magasins sous enseigne E. Leclerc feront face à la concurrence de cinq enseignes différentes : Carrefour (47,7 %), Casino (7,4 %), Intermarché (6,2 %), Lidl (2,4 %) et Système U (0,7 %).
35. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence tant sur les marchés aval de la distribution, que sur les marchés amont de l’approvisionnement.
DÉCIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 19-040 est autorisée.
NOTES :
1 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 16-DCC-14 du 29 janvier 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un magasin de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Attindis aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc, n° 16- DCC-53 du 15 avril 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire sous enseigne E. Leclerc par les époux Bernard aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc, et n° 16-DCC-211 du 13 décembre 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de la société Sodix par l’Association ACDLec aux côtés de la société Lacdis.
2 Voir les dispositions de l’article 1er des statuts de l’ACDLec.
3 Article 13.2 des statuts de Thegadis.
4 Article 13.9 des statuts de Thegadis.
5 Article 13.3 des statuts de Thegadis.
6 Article 16.2 des statuts de Thegadis.
7 Article 13.5 des statuts de Thegadis.
8 Article 16.3 des statuts de Thegadis.
9 Article 1.2 du projet de la convention de parrainage de Thegadis.
10 Voir le préambule des statuts de Thegadis.
11 L’article 6 des statuts de l’ACDLec prévoit notamment que « l’adhésion à l’association comporte obligatoirement signature du contrat dont les termes ont été arrêtés par le conseil d’administration et qui définit les conditions de l’attribution du panonceau Centre distributeur Leclerc à l’adhérent ».
12 Les statuts de l’ACDLec ne mentionnent, à cet égard, que des conditions préalables à l’adhésion, sans que l’ACDLec soit pour autant tenue d’accorder le droit d’usage de l’enseigne E. Leclerc si ces conditions sont réunies. Il en est de même de la charte des adhérents du mouvement Leclerc, qui ne mentionne également que des conditions préalables à l’adhésion.
13 Les contrats de panonceau comportent à cet égard des dispositions très larges, conférant un pouvoir étendu de retrait du droit d’usage de l’enseigne à l’ACDLec, puisqu’ils prévoient que leur résiliation est possible en cas d’ « infraction aux présentes [dispositions du contrat de panonceau] ou aux Statuts ou Règlements Intérieurs de l’Association des Centres Distributeurs Leclerc ou de la société SC Galec, comme encore au cas où [le dirigeant de la société bénéficiant du contrat d’enseigne] commettrait une faute professionnelle ou commerciale de nature à causer un préjudice, même simplement moral, aux Centres Distributeurs Leclerc » (paragraphe VIII).
14 Voir notamment le préambule des statuts de l’ACDLec, qui prévoit que l’ACDLec doit tout particulièrement « contrôler, soit directement, soit pour elle-même, soit pour le compte de toute société commerciale groupant les Centres Distributeurs Leclerc, les conditions de la gestion desdits centres et de sa régularité au regard des principes de la Vraie Distribution et des lois et usages du commerce ».
15 La charte des adhérents du mouvement E. Leclerc prévoit notamment les obligations suivantes incombant aux adhérents du mouvement E. Leclerc : l’obligation de parrainage et l’obligation d’adopter des statuts de SAS dont le modèle a été validé par l’ACDLec, l’obligation de respecter la politique sociale du mouvement E. Leclerc, la limitation du nombre de points de vente pouvant être exploités par un adhérent et l’obligation de respecter la politique de prix du mouvement E. Leclerc.
16 Voir les dispositions de l’article 5 - « Les présidents de région » du règlement intérieur de l’ACDLec.
17 M. Dumasdelage est titulaire d’un contrat de panonceau mentionnant l’exploitation de la société La Négresse Distribution conclu le 17 février 2017. Si le contrat de panonceau existant ne mentionne pas l’exploitation de Thegadis, il ne fait pas de doute, que, tel qu’évoqué au point 9 de la présente décision, Thegadis a vocation à être affiliée au mouvement E. Leclerc et à figurer à l’avenir sur le contrat de panonceau.
18 Voir notamment les dispositions de l’article 6 des statuts de l’ACDLec ainsi que les dispositions du contrat-type de panonceau E. Leclerc.
19 Voir les dispositions du paragraphe III du contrat-type de panonceau E. Leclerc.
20 Voir l’article 1-2-4 de la charte des adhérents de l’ACDLec.
21 Voir les dispositions du paragraphe III du contrat-type de panonceau E. Leclerc. 22 Voir les dispositions du paragraphe IV du contrat-type de panonceau E. Leclerc. 23 Voir note de bas de page n°15.
24 Voir l’article 4 – « Élaboration de la politique d’enseigne » du règlement intérieur de l’ACDLec.
25 Voir les dispositions de l’article 5 - « Les présidents de région » du règlement intérieur de l’ACDLec.
26 Voir en particulier les dispositions du paragraphe VIII du contrat-type de panonceau E. Leclerc, ainsi que les dispositions de l’article 1-2- 4 de la charte des adhérents du mouvement E. Leclerc.
27 Voir les dispositions de l’article 12.2.4.1 des statuts de Thegadis.
28 Voir les dispositions de l’article 12.2.4.2 des statuts de Thegadis.
29 L’ACDLec exerçant un contrôle conjoint sur certains magasins à l’enseigne E. Leclerc, seul 50 % du chiffre d’affaires des magasins a été affecté à l’ACDLec aux fins du calcul du chiffre d’affaires, conformément aux dispositions des paragraphes 186 et 187 de la communication consolidée de la Commission européenne.
30 L’ACDLec exerçant un contrôle conjoint sur certains magasins à l’enseigne E. Leclerc, seul 50 % du chiffre d’affaires des magasins a été affecté à l’ACDLec aux fins du calcul du chiffre d’affaires, conformément aux dispositions des paragraphes 186 et 187 de la communication consolidée de la Commission européenne.
31 Voir par exemple les décisions de la Commission européenne M.1684, Carrefour / Promodès du 25 janvier 2000 ; et M.2115, Carrefour / GB, du 28 septembre 2000.
32 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur de la distribution de détail à dominante alimentaire C2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C2006-15 Carrefour/ Groupe Hamon du 14 avril 2006, C2007-172 relative à la création de l’entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C2008-32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008, ainsi que les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 16-DCC-53 et n° 16-DCC-211 précitées.
33 Voir notamment les décisions de la Commission COMP/M.1684 du 25 janvier 2000 et COMP/M.4096 du 4 mai 2006 précitées et les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 16-DCC-53 et n° 16-DCC-211 précitées.
34 Voir, par exemple les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 16-DCC-53 et n° 16-DCC-211 précitées.
35 Voir par exemple les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 16-DCC-53 et n° 16-DCC-211 précitées.
36 Id.
37 L’ACDLec a notifié concomitamment la prise de contrôle conjoint de sept points de ventes qui font l’objet de sept décisions distinctes. Le risque de renforcement de la puissance d’achat du Mouvement E. Leclerc, en tant qu’acteur sur les marchés de l’approvisionnement, a été étudié en tenant compte de ces sept opérations.