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Décisions

Cass. 1re civ., 24 septembre 2009, n° 07-17.107

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bargue

Rapporteur :

Mme Crédeville

Avocat général :

M. Sarcelet

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Thomas-Raquin et Bénabent

Paris, du 11 mai 2007

11 mai 2007

Donne acte à France télévisions de ce qu'elle reprend l'instance aux lieu et place de la société France 2 ;

Attendu que MM. du X... et Y... ont cédé leurs droits de co auteurs d'un scénario à la société Ecomedia pour la production d'un documentaire intitulé " Les Frégates de la République " ; qu'un contrat de co production a été conclu entre la société Ecomedia et la société France 2 mais que le 19 février 2002 le travail de montage a été suspendu par le diffuseur France 2 et que le 23 juillet 2002 l'arrêt définitif de la production du documentaire a été décidée ; que MM. Y... et du X... ont alors assigné la société France télévision et la société France 2 en responsabilité délictuelle et atteinte à leurs divers droits ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société France 2 avait commis une faute délictuelle en suspendant et en arrêtant la production du documentaire " Les Frégates de la République " et condamné la société France 2 à payer à M. du X... la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, alors, selon le moyen :

1° / que pour décider qu'elle avait commis une faute à l'égard des auteurs et du réalisateur, la cour d'appel a retenu que la société France 2 avait suspendu puis arrêté sans justification plausible la réalisation du documentaire ; qu'en ne recherchant pas si le non respect des délais prévus et l'inachèvement, constaté par la cour d'appel elle même, du film après cinq semaines de prorogation des délais n'étaient pas de nature à justifier la décision de la société France 2 d'arrêter la réalisation du film, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2° / que pour dire que la société France 2 avait commis une faute délictuelle, la cour d'appel a retenu, sans s'en expliquer, qu'elle " avait rendu la recherche de toute solution alternative impossible " ; qu'en s'abstenant d'indiquer en quoi la société France 2, qui avait proposé à de nombreuses reprises à M. du X... et à M. Y... de les rencontrer pour rechercher une solution et qui s'était heurtée à un refus de leur part, se trouvait à l'origine de l'impossibilité de parvenir à un accord, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'il résulte des constatations souveraines de la cour que les sociétés France télévision et France 2 ne se prévalaient pas d'un allongement des délais, accepté par elles, mais, sans en apporter la preuve, d'un dépassement budgétaire entraîné par l'allongement de ceux accordés ; que la cour d'appel a encore relevé que l'inachèvement du film était imputable à l'arrêt de la production en raison de son caractère inexploitable parce que non accessible au téléspectateur non averti ; qu'il s'ensuit que le moyen pris en sa première branche manque en fait ;

Et attendu que la cour d'appel a relevé que c'est en suspendant la production sans justification, puis en arrêtant la production définitivement que la société France 2 a rendu la recherche de toute solution alternative impossible ; qu'il s'ensuit que non tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation de cette société elle n'avait pas à procéder à une autre recherche quant à l'organisation de rencontres que ses constatations souveraines rendaient inopérante ;


Et sur le troisième moyen :


Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société France 2 au paiement de la somme de 10 000 euros à M. du X..., alors, selon moyen :

1° / que'auteur d'une faute ne doit réparation que s'il en est résulté un préjudice ; que la cour d'appel a écarté les différents chefs de préjudice moral, patrimonial et professionnel-invoqués par M. du X... ; qu'en se bornant à énoncer, pour lui allouer néanmoins la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, qu'il s'était " considérablement investi " dans la réalisation du documentaire, la cour d'appel qui n'a ainsi caractérisé aucun préjudice réparable, a violé l'article 1382 du code civil ;

2° / que la cour d'appel a expressément écarté les trois chefs de préjudice dont M. du X... sollicitait réparation ; qu'en lui octroyant cependant la somme de 10 000 euros en réparation d'un préjudice résultant de ce qu'il s'était considérablement investi, préjudice qui n'avait pas été invoqué par l'appelant, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a alloué 10 000 euros à M. du X... à titre de dommages et intérêts au motif que celui ci s'était considérablement investi dans l'élaboration du documentaire notamment vis à vis des personnes interviewées et a ainsi retenu pour partie le préjudice à la fois financier et professionnel invoqué, en a souverainement fixé l'indemnisation ; qu'il s'ensuit qu'elle a caractérisé le préjudice invoqué dans les conclusions d'appel ; que le moyen manque encore en fait ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté M. Y... et M. du X... de leurs demandes de dommages et intérêts au titre de l'atteinte portée à l'exercice de leur droit moral, alors, selon le moyen :

1° / que l'inachèvement du documentaire par la faute du producteur prive l'auteur de l'exercice légitime de ses droits moraux, notamment du droit de divulgation et lui cause un préjudice ouvrant droit à réparation et en déboutant MM. Y... et du X... de leur demande de réparation de l'atteinte portée à l'exercice de leur droit moral en conséquence de l'inachèvement du documentaire par la faute de la société France 2, la cour d'appel a statué par le motif inopérant selon lequel l'exercice du droit moral supposait l'achèvement de l'oeuvre et ainsi violé par fausse application l'article L. 121 5, dernier alinéa, du code de la propriété intellectuelle et par refus d'application l'article 1382 du code civil ;

2° / que la cour d'appel qui n'a pas répondu aux conclusions d'appel de M. Y... et de M. du X... sollicitant en outre la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice financier et professionnel pour " atteinte à sa notoriété professionnelle et à son intégrité morale et intellectuelle compte tenu du contrat moral intervenu avec les différents contacts et interviewés lors du tournage du documentaire " a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, selon l'article L. 121 5 du code de la propriété intellectuelle, l'oeuvre audiovisuelle est réputée achevée lorsque la version définitive a été établie d'un commun accord entre, d'une part, le réalisateur ou, éventuellement, les coauteurs et, d'autre part, le producteur, que n'étant pas contesté que tel n'était pas le cas en l'espèce, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que les auteurs n'étaient pas fondés à se prévaloir d'une privation de leur droit de divulgation dès lors que celui ci ne pouvait être exercé par eux que sur l'oeuvre audiovisuelle achevée ;

Et attendu que la cour d'appel ayant énoncé que le préjudice professionnel n'était pas démontré, la critique du moyen pris en sa seconde branche manque en fait ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu que pour ordonner le bâtonnement des trois derniers paragraphes de la page 51 des conclusions des sociétés France 2 et France Télévision, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que les propos litigieux étaient sans rapport avec la cause puisqu'ils concernaient un autre téléfilm et qu'en l'absence de réponse des intimés sur ce point il convenait de faire droit à la demande et en conséquence d'ordonner ce bâtonnement et de réserver l'action en diffamation de M. du X... ;

Qu'en statuant ainsi, sans expliquer en quoi les conclusions litigieuses étaient diffamatoires, injurieuses ou outrageantes au point de justifier leur suppression, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ordonné le bâtonnement des conclusions, l'arrêt rendu le 11 mai 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.