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Décisions

Cass. 3e civ., 11 mai 2022, n° 19-13.738

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

Mme Andrich

Avocat général :

Mme Guilguet-Pauthe

Avocats :

SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SARL Cabinet Rousseau et Tapie

Paris, du 16 janv. 2019

16 janvier 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 janvier 2019), rendu en référé, et les productions, M. et Mme [Y] (les bailleurs) ont, le 1er février 2003, donné à bail commercial à M. [R] et Mme [E] (les preneurs) divers locaux.

2. Le 22 novembre 2017, les bailleurs ont délivré aux preneurs un commandement, visant la clause résolutoire, de payer un arriéré au titre de la régularisation de charges et de justifier d'une assurance contre les risques locatifs. Le 12 janvier 2018, ils ont accepté, moyennant un loyer plus élevé, le principe du renouvellement du bail commercial, demandé par les preneurs, le 12 octobre 2017.

3. Par acte du 21 décembre 2017, les preneurs ont sollicité des délais de paiement et, le 28 mars 2018, les bailleurs ont demandé, à titre reconventionnel, la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et la condamnation des preneurs au paiement de diverses provisions.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, et sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. Les preneurs font grief à l'arrêt de constater l'acquisition, à la date du 22 décembre 2017, de la clause résolutoire insérée au bail consenti le 1er février 2003, d'ordonner, à défaut de restitution volontaire, leur expulsion et celle de tout occupant de leur chef des lieux loués, de fixer l'indemnité d'occupation due par les preneurs et de les condamner solidairement au paiement de cette indemnité, alors « qu'en retenant que les bailleurs ne pouvaient être regardés comme ayant renoncé à se prévaloir du commandement en acceptant le principe du renouvellement du bail dès lors que le bail initialement conclu étant résilié de plein droit le 22 décembre 2007, les bailleurs étaient libres de consentir un nouveau contrat, une éventuelle nouvelle convention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-8, L. 145-10, L. 145-11 et L. 145-41 du code de commerce.»

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 145-10, alinéa 4, et L. 145-11 du code commerce :

6. Selon le premier de ces textes, dans les trois mois de la notification de la demande du preneur en renouvellement, le bailleur doit, par acte extrajudiciaire, faire connaître au demandeur s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.

7. Selon le second, le bailleur qui, sans être opposé au principe du renouvellement, désire obtenir une modification du prix du bail doit, dans le congé prévu à l'article L. 145-9 ou dans la réponse à la demande de renouvellement prévue à l'article L. 145-10, faire connaître le loyer qu'il propose.

8. Il en résulte que l'acceptation par le bailleur du principe du renouvellement du bail, sous la seule réserve d'une éventuelle fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé, manifeste la volonté du bailleur de renoncer à la résolution de celui-ci en raison des manquements du locataire aux obligations en découlant et dénoncés antérieurement.

9. Pour accueillir la demande reconventionnelle en constatation de la résiliation du bail, l'arrêt retient que les preneurs ne peuvent valablement soutenir que les bailleurs ont renoncé à se prévaloir du commandement du 22 novembre 2017, dès lors que le bail initialement conclu entre les parties a été résilié de plein droit le 22 décembre 2017, les bailleurs étant libres de consentir un nouveau contrat, les parties ne s'étant d'ailleurs manifestement pas encore entendues sur les termes d'une éventuelle nouvelle convention, et notamment sur le montant du loyer.

10. En statuant ainsi, alors qu'en notifiant aux locataires, le 12 janvier 2018, soit postérieurement au commandement du 22 novembre 2017 visant la clause résolutoire dont les effets n'avaient pas été constatés judiciairement, une acceptation du principe du renouvellement du bail, les bailleurs ont renoncé sans équivoque à se prévaloir des infractions dénoncées au commandement antérieur pour obtenir la résiliation du bail renouvelé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :

- constate l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 22 décembre 2017 ;

- ordonne, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de M. [R] et de Mme [E] et de tout occupant de leur chef des lieux sis [Adresse 1] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

- dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans le délai d'un mois non renouvelable à compter de la signification de l'acte, à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, ce conformément à ce que prévoient les articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivant du code des procédures civiles d'exécution ;

- fixe à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par M. [R] et Mme [E], à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires et condamné solidairement M. [R] et Mme [E] au paiement de cette indemnité ;

l'arrêt rendu le 16 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.