Cass. 1re civ., 13 novembre 1996, n° 94-15.252
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lemontey
Rapporteur :
M. Fouret
Avocat général :
M. Roehrich
Avocat :
SCP Waquet, Farge et Hazan
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Douai, 11 avril 1994), que, par délibérations des 15 février et 13 septembre 1993, le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Lille a adopté l'article 2-9-2 de son règlement intérieur relatif aux procédures disciplinaires ainsi rédigé : " Aux fins de demeurer la juridiction indépendante et impartiale visée à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le conseil de l'Ordre s'interdit de se saisir d'office, de procéder à une enquête ou de désigner un de ses membres pour y procéder... " ; que le procureur général a formé contre cette disposition un recours en nullité qui a été accueilli par la cour d'appel ;
Attendu que le conseil de l'Ordre fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, de première part, que la cour d'appel ne peut, aux termes de l'article 19 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifiée par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, annuler une délibération d'un conseil de l'Ordre sur recours du procureur général que si cette délibération est étrangère aux attributions de ce conseil ou contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ; qu'une délibération par laquelle le conseil de l'Ordre s'interdit de se saisir d'office d'une procédure disciplinaire entre dans ses attributions et n'est pas contraire aux dispositions législatives ou réglementaires dès lors que les articles 22 de la loi du 31 décembre 1971 et 190 du décret du 27 novembre 1991 ne prévoient qu'une simple possibilité de saisine d'office du conseil de l'Ordre en matière disciplinaire et qu'il n'est pas contraire à la loi de renoncer à une faculté ; qu'en annulant la délibération litigieuse la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles précités ; alors, de deuxième part, que l'interdiction de l'autosaisine du juge constitue un principe général du droit auquel il ne saurait être dérogé en matière disciplinaire ; qu'en prenant une disposition par laquelle il s'interdisait de se saisir d'office des procédures disciplinaires dont il aurait à connaître, le conseil de l'Ordre s'est conformé à ce principe, ainsi qu'à celui de la séparation des pouvoirs, principes violés par la cour d'appel ; alors, enfin, que l'interdiction faite au juge dese saisir d'office constitue une des expressions de la garantie d'une juridiction impartiale au sens de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; qu'il ne peut être reproché à une juridiction disciplinaire d'édicter pour elle-même une telle règle, destinée à lui assurer une meilleure garantie d'impartialité ; qu'en annulant la délibératon litigieuse aux motifs que la saisine d'office du conseil de l'Ordre était prévue par les dispositions de droit interne, la cour d'appel a violé le texte précité ainsi que l'article 55 de la Constitution ;
Mais attendu que, contrairement à ce que soutient le demandeur au pourvoi, la faculté, pour une juridiction, de se saisir d'office dans les conditions prévues par la loi ne porte atteinte à aucun principe du Droit français, ni aux principes d'indépendance et d'impartialité garantis par l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; que c'est donc à bon droit que l'arrêt énonce que le conseil de l'Ordre ne pouvait modifier, dans son règlement intérieur, les dispositions d'ordre public de la loi relatives à la discipline des avocats ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.