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Décisions

ADLC, 19 avril 2019, n° 19-DCC-73

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à l’acquisition du contrôle exclusif par la société Lidl de 33 magasins de commerce de détail à dominante alimentaire

ADLC n° 19-DCC-73

18 avril 2019

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 19 mars 2019, relatif à la prise de contrôle exclusif par la société Lidl de 33 magasins de commerce de détail à dominante alimentaire sous enseignes Casino et Leader Price, formalisé par une promesse d’achat en date du 12 février 2019 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par la partie notifiante au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. La société Lidl (ci-après « Lidl ») est une société en nom collectif appartenant au groupe familial Schwarz (ci-après le « groupe Schwarz). Le groupe Schwarz est actif en France uniquement dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire, au travers de plus de    1 500 points de vente sous enseigne Lidl. Le groupe Schwarz détient par ailleurs l’enseigne Kaufland, laquelle est également active dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire à l’étranger. Il est enfin présent dans la collecte, le traitement et l’élimination des déchets non-dangereux via les sociétés GreenCycle et PreZero.

2. Les actifs cibles de l’opération sont 33 magasins de commerce de détail à dominante alimentaire, exploités sous enseignes Casino et Leader Price, lesquels sont contrôlés (i) exclusivement par le groupe Casino1 ou (ii) conjointement par le groupe Casino et certains de ses franchisés2.

3. L’opération, formalisée par une promesse d’achat en date du 12 février 2019, consiste en l’acquisition par Lidl des fonds de commerce des 33 magasins cibles. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif des magasins cibles, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total hors taxes sur le plan mondial de plus de 75 millions (groupe Schwarz : [>75 millions] d’euros pour l’exercice clos le 28 février 2018 ; magasins cibles : [>75 millions] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2018). Les entreprises concernées réalisent en France dans le secteur du commerce de détail un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions d’euros (groupe Schwarz : [>15 millions] d’euros pour l’exercice clos le 28 février 2018 ; magasins cibles : [>15 millions] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2018).

5. Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au II de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

6. Selon la pratique constante des autorités nationale3 et européenne4 de concurrence, deux catégories de marchés peuvent être délimitées dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire : d’une part, les marchés aval, de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d’autre part, les marchés amont de l’approvisionnement sur lesquels les entreprises en tant qu’acheteurs sont en contact avec les fabricants des produits, de dimension nationale.

A. LES MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

7. En ce qui concerne les marchés de l’approvisionnement, la Commission européenne5 a retenu l’existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par l’Autorité de la concurrence à l’occasion de l’examen d’opérations de concentration dans ce secteur6.

8. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.

B. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE DETAIL A DOMINANTE ALIMENTAIRE

1. LES MARCHÉS DE PRODUITS

9. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, la pratique décisionnelle de l’Autorité7 distingue six catégories de commerce en retenant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l’ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés (d’une surface légale de vente supérieure à 2 500 m²), (ii) les supermarchés (magasins à dominante alimentaire d’une surface de vente inférieure à 2 500 m² et supérieure à 400 m²), (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail (moins de 400 m²), (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.

10. Les autorités de concurrence8 considèrent que, si chaque catégorie de magasin conserve sa spécificité, il existe une concurrence asymétrique entre certaines de ces catégories. Elles distinguent ainsi :

- un marché comprenant uniquement les hypermarchés ;

- un marché comprenant les supermarchés et les formes de commerce équivalentes (hypermarchés, hard-discount et magasins populaires) hormis le petit commerce de détail (moins de 400 m²).

11. Il n’y pas lieu de remettre en cause ces définitions dans le cadre de la présente opération.

2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

12. Les autorités de concurrence ont examiné les effets des concentrations dans le secteur de la distribution de détail à dominante alimentaire au niveau local, correspondant à la zone de chalandise associée à chaque magasin, et dont l’étendue est fonction du temps de transport pour le consommateur.

13. S’agissant des supermarchés, il ressort de la pratique décisionnelle de l’Autorité9 que les conditions de la concurrence s’apprécient généralement sur une zone où se rencontrent la demande des consommateurs et l’offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture.

14. Cependant, l’Autorité10 a analysé des zones correspondant à un trajet en voiture de 10 minutes à partir des supermarchés situés en petite couronne parisienne et des zones correspondant à un trajet en voiture de 10 et 15 minutes à partir des supermarchés situés en grande couronne parisienne ou dans la grandes villes de province11.

15. S’agissant des hypermarchés, la pratique décisionnelle de l’Autorité a souligné que les conditions de la concurrence s’appréciaient sur deux zones différentes :

 

- un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d’une zone et l’offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;

- et un second marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l’offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs12.

16. L’Autorité précise toutefois de façon constante que ces délimitations sont susceptibles d’évoluer au cas par cas, en fonction des caractéristiques de la zone locale, puisque d’autres critères peuvent être pris en compte pour évaluer l’impact d’une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d’espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.

17. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations dans le cadre de la présente opération.

18. En l’espèce, l’opération envisagée concerne 33 magasins à dominante alimentaire dont (i) 29 d’une surface de vente comprise entre 400 m² et 2 500 m² (dont 1 situé à Nice, 2 situés en petite couronne parisienne et 1 en grande couronne parisienne) ; (ii) 4 d’une surface de vente supérieure à 2 500 m² (dont 1 situé en petite couronne parisienne).

III. Analyse concurrentielle

A. LES MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

19. En ce  qui  concerne  les  marchés  amont  de  l’approvisionnement,  l’opération  concerne   33 magasins dont le montant des achats totaux représente une part très marginale du marché de l’approvisionnement13. La puissance d’achat de Lidl n’est donc pas susceptible d’être renforcée, tous produits confondus comme par catégories de produits, à l’issue de l’opération.

20. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché amont de la distribution.

B. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION

21. L’opération emporte un chevauchement d’activité avec les magasins exploités sous enseigne Lidl sur les 30 zones de chalandise  suivantes :  Bourg-en-Bresse  (01),  Cessy  (01), Varennes- sur-Allier (03), Nice (06), Vallauris  (06),  Aubenas  (07),  Narbonne  (11), Neuilly- lès- Dijon (21),  Montbéliard  (25),  Landivisiau  (29),  L’Isle-D’abeau  (38),  Salaise- sur- Sanne (38), Saint-Claude (39), Roanne (42), Saint-Herblain (44), Lorient (56), Ploemeur (56), Hautmont  (59),  Perpignan  (66),  Saint-Alban-Leysse  (73),  Seynod  (74),  Le Havre (76), Petit-Quevilly (76), Saint-Étienne-du-Rouvray (76), Esbly (77) , La Crau (83), La Roche-sur-Yon (85), Nanterre (92), Neuilly-sur-Marne (93) et Vaujours (93).

22. À l’exception des zones de Varennes-sur-Allier (03) et de Saint-Claude (39), la part de marché des magasins exploités sous enseigne Lidl demeurera inférieure à 25 % dans l’ensemble des zones concernées. La nouvelle entité restera par ailleurs confrontée à la concurrence exercée par plusieurs des principales enseignes nationales de distribution alimentaire (Aldi, Auchan, Casino, Carrefour, Casino, Cora, Intermarché, Leclerc, Système U) dans chacune de ces zones.

Varennes-sur-Allier (03)

23. Le magasin cible situé à Varennes-sur-Allier (03) sous enseigne Casino dispose d’une surface de vente de 1 805 m². Il entre donc dans la catégorie des supermarchés.

24. Sur le marché comprenant les supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans la zone de chalandise de ce magasin,  Lidl  exploite deux  magasins pour une surface totale de   2 246 m², soit une part de marché de [20-30] % avant l’opération. À l’issue de l’opération, la part de marché de la nouvelle entité sera donc de [40-50] %. Lidl fera toutefois face à la concurrence du groupe Carrefour ([40-50] %) et du groupe Colruyt ([10-20] %).

Saint-Claude (39)

25. Le magasin cible de Saint-Claude (39) sous enseigne Casino dispose d’une surface de 2 381 m² et entre donc dans la catégorie des supermarchés.

26. Sur le marché comprenant les supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans la zone de chalandise de ce magasin, Lidl exploite un magasin pour une surface de 879 m², soit une part de marché de [5-10] % avant l’opération. À l’issue de l’opération, la part de marché de la nouvelle entité sera donc de [30-40] %. Lidl fera toutefois face à la concurrence de plusieurs groupes : Intermarché ([20-30] %), Casino ([10-20] %), Schiever ([10-20] %), Colruyt ([5-10] %) et Aldi ([5-10] %).

 

27. Compte tenu de ce qui précède, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés aval de la distribution à dominante alimentaire dans les zones de chalandises concernées par l’opération.

DÉCIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 19-063 est autorisée.

 

NOTES :

1 Ces magasins sont situés à Bourg-en-Bresse (01), Gex (01), Varennes-sur-Allier (03), Nice (06), Vallauris (06), Narbonne (11), Neuilly-lès-

Dijon (21), Salaise-sur-Sanne (38), Saint-Claude (39), Montbrison (42), Roanne (42), Saint-Herblain (44), Hautmont (59), Le Havre (76) et

Petit-Quevilly (76).

2 Ces magasins sont situés à Cessy (01), Aubenas (07), Montbéliard (25), Landivisiau (29), Castelnau-de-Médoc (33), l’Isle-D’abeau (38),

Lorient (56), Ploemeur (56), Perpignan (66), Saint-Alban-Leysse (73), Seynod (74), Saint-Étienne-du-Rouvray (76), Esbly (77), La Crau (83),

La Roche-sur-Yon (85), Nanterre (92), Neuilly-sur-Marne (93) et Vaujours (93).

3 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 14-DCC-173 du 21 novembre 2014 relative à l’a prise de contrôle de la société Dia France SAS par la société Carrefour France SAS, et la décision n° 17-DCC-231 du 27 décembre 2017 relative à la prise de contrôle conjoint par la famille Zouari aux côtés du groupe Casino de 125 magasins de commerce de détail à dominante alimentaire.

4 Voir notamment les décisions de la Commission européenne M.1221, Rewe / Meinl du 3 février 1999 et M.1684, Carrefour/ Promodès du 25 janvier 2000.

5 Voir notamment la décision de la Commission européenne M.1221 précitée.

6 Voir notamment en ce sens la décision n° 11-DCC-45 du 18 mars 2011 relative à l’acquisition du contrôle exclusif du fonds de commerce de l’hypermarché Cora Desmarais par la société Sodex Desmarais.

7 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 13-DCC-90 du 11 juillet 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Monoprix par la société Casino Guichard-Perrachon.

8 Id.

9 Voir décisions n° 14-DCC-173 et n° 17-DCC-231 précitées.

10 Id.

11 Bordeaux, Nantes, Rennes, Lille, Strasbourg, Marseille, Toulouse, Nice, Montpellier et Lyon.

12 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 16-DCC-211 du 13 décembre 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de la société Sodix par l’Association ACDLec aux côtés de la société Lacdis et n° 19-DCC-63 du 9 avril 2019 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Thegadis aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc.

13 Les 33 magasins représentent une part de marché inférieure à [0-5] % sur le marché global de l’approvisionnement. Elle reste marginale par famille de produits.