Livv
Décisions

ADLC, 26 avril 2019, n° 19-DCC-82

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Doldis aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Vicde-Présiednt :

Combe

ADLC n° 19-DCC-82

25 avril 2019

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 15 février 2019 et déclaré complet le 26 mars 2019, relatif à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Doldis aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc, formalisée par une promesse d’achat du fonds de commerce en date du  17  janvier  2019  conclue  entre  la  société   Val   Expansion   et   la   société  Distribution Casino France et par la déclaration de substitution en date du 22 mars 2019 par laquelle la société Doldis se substitue à la société Val Expansion ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties notifiantes au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l’opération

A. LES ENTREPRISES CONCERNÉES

1. LES ACQUÉREURS ET LA CIBLE

1. La société Doldis (ci-après « Doldis ») est une société par actions simplifiée, créée pour les besoins de l’opération, qui a pour objet l’exploitation d’un établissement commercial de commerce de détail. Elle est contrôlée par M. Abrantes et Mme Ribert.

2. L’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc (ci-après, l’« ACDLec ») est l’organe qui définit la stratégie du mouvement E. Leclerc, dont sont adhérentes toutes les personnes physiques qui dirigent les sociétés d’exploitation de magasins E. Leclerc. L’ACDLec détermine notamment les conditions d’agrément au mouvement E. Leclerc et signe les contrats d’enseigne (ou « de panonceau ») dont doivent être titulaires les exploitants de magasins de commerce de détail E. Leclerc.

3. Le magasin cible est un hypermarché exploité actuellement sous enseigne Géant Casino, situé à  Dole  (39),  d’une  surface  de  vente   de   6 653 m²,   détenu   par   la   société   Distribution Casino France (ci-après, « DCF »), filiale de la société Casino Guichard- Perrachon.

2. LE CONTRÔLE DES ENTITÉS CONCERNÉES

4. Il est soutenu dans le dossier de notification de l’opération que l’ACDLec n’exerce aucun contrôle sur Doldis et n’exercera aucun contrôle sur le magasin cible après l’opération. Selon les parties notifiantes, ce dernier serait donc exclusivement contrôlé  par  M. Abrantes  et Mme Ribert et l’opération notifiée consisterait en la prise de contrôle exclusif du magasin cible par M. Abrantes et Mme Ribert, par l’intermédiaire de Doldis.

5. Néanmoins, à l’issue de l’opération, le fonds de commerce cible sera détenu par Doldis, laquelle est conjointement contrôlée, au sens du droit des concentrations par l’ACDLec, M. Abrantes et Mme Ribert. En effet, comme l’Autorité de la concurrence l’a relevé dans de précédentes décisions1, les obligations que l’ACDLec fait peser sur les sociétés d’exploitation des magasins

E. Leclerc, telles que Doldis, lui permettent d’exercer une influence déterminante sur celles-ci. Cette analyse de l’influence déterminante exercée par l’ACDLec est transposable à la présente opération, au vu des documents contractuels liant Doldis à l’ACDLec2.

B.       L’OPÉRATION

6. L’opération,  formalisée  par  une  promesse  d’achat  du  fonds  de  commerce  en  date  du  17 janvier 2019 entre la société Val Expansion et DCF, ainsi que par la déclaration de substitution en date du 22 mars 2019 par laquelle Doldis se substitue à la société Val Expansion, consiste en l’acquisition par Doldis de l’hypermarché sous enseigne Géant Casino situé rue du Général Béthouart, à Dole (39). Doldis, créée pour les besoins de l’opération, est une société par actions simplifiée dans le cadre de dispositions conformes aux statuts-types E. Leclerc décrits ci-dessus, adhérente de l’ACDLec et ayant vocation à être titulaire d’un contrat de panonceau E. Leclerc. La centrale d’achat des centres distributeurs E. Leclerc Scapalsace, les sociétés d’exploitation Chaumondis, Belfort Distribution Beldis, Croixdis, Socodis, Sodecco, Adis, Solormag, Plessis Dis, Mar-Dis et Monsieur Moreau, détenant chacun une action au sein du capital de la société Doldis, dont plusieurs au titre du parrainage décrit aux points 9 et 10 de la décision n° 19-DCC-63 précitée, qui s’appliquent également à la présente situation, l’ACDLec sera en mesure d’exercer un contrôle conjoint sur la nouvelle société.

7. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle conjoint du magasin cible par Doldis aux côtés de l’ACDLec, l’opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430- 1 du code de commerce.

8. Les entreprises concernées exploitent des magasins de commerce de détail et réalisent ensemble un chiffre d’affaires hors taxes total sur le plan mondial de plus de 75 millions d’euros (mouvement E. Leclerc : [≥ 75 millions] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 20183 ; le magasin cible : [≤ 75 millions] d’euros au titre de l’année 2017). Deux au moins de ces entreprises réalisent en France un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions d’euros dans le secteur du commerce de détail (mouvement E. Leclerc : [≥ 15 millions] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 20184 ; le magasin cible : [≥ 15 millions] d’euros au titre de l’année 2017). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au II de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatives aux concentrations économiques.

II. Délimitation des marchés pertinents

A. LES MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

1. MARCHÉS DE PRODUITS

9. En ce qui concerne les marchés de l’approvisionnement, la Commission européenne5 a retenu l’existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales6.

10. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.

2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

11. Du point de vue géographique, la pratique décisionnelle constante des autorités de concurrence considère que les marchés de l'approvisionnement sont de dimension nationale7.

12. Il n’y a pas lieu de remettre en cause la pratique décisionnelle à l’occasion de la présente opération.

B. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE DETAIL A DOMINANTE ALIMENTAIRE

1. MARCHÉS DE PRODUITS

13. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, la pratique décisionnelle8 distingue six catégories de commerce de détail de biens de consommation courante, en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l’ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés (magasins à dominante alimentaire d’une surface légale de vente supérieure à 2 500 m²), (ii) les supermarchés (entre 400 et 2 500 m²), (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail (moins de 400 m²), (v) les maxi-discompteurs, (vi) la vente par correspondance. La pratique décisionnelle précise toutefois que les seuils de surfaces doivent être utilisés avec précaution, et peuvent être adaptés au cas d’espèce, car des magasins dont la surface est située à proximité d’un seuil, soit en-dessous, soit au-dessus, peuvent se trouver en concurrence directe avec les magasins d’une autre catégorie.

14. Les autorités de concurrence considèrent que, si chaque catégorie de magasin conserve sa spécificité, il existe une concurrence asymétrique entre certaines de ces catégories. Pour la province, elles distinguent ainsi9 : (i) un marché comprenant uniquement les hypermarchés, et

(ii) un marché comprenant les supermarchés et les formes de commerce équivalentes (hypermarchés, hard-discount et magasins populaires) hormis le petit commerce de détail (moins de 400 m²).

15. En l’espèce, le point de vente cible exploité par DCF sous enseigne Géant Casino dispose d’une surface de vente de 6 653 m² et entre donc dans la catégorie des hypermarchés. L’opération sera donc analysée sur le marché des hypermarchés.

2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

16. Les autorités de concurrence ont examiné les effets des concentrations dans le secteur de la distribution de détail à dominante alimentaire au niveau local, correspondant à la zone de chalandise associée à chaque magasin, et dont l’étendue est fonction du temps de transport pour le consommateur.

17. L’Autorité de la concurrence a souligné que, pour les magasins dont la superficie est supérieure à 2 500 m², les conditions de la concurrence s’appréciaient sur deux zones différentes :

- un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d’une zone et l’offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;

 

 

- et un second marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l’offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs10.

18. L’Autorité précise toutefois de façon constante que ces délimitations sont susceptibles d’évoluer au cas par cas, en fonction des caractéristiques de la zone locale, puisque d’autres critères peuvent être pris en compte pour évaluer l’impact d’une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d’espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.

19. Au cas d’espèce, le fonds de commerce cible entrant dans la catégorie des hypermarchés, l’analyse concurrentielle sera menée d’une part, sur le marché incluant uniquement les hypermarchés dans un rayon de 30 minutes et, d’autre part, sur le marché incluant les hypermarchés, les supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans un rayon de 15 minutes de temps de trajet en voiture autour du fonds de commerce cible.

III. Analyse concurrentielle

A. LES MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

20. En ce qui concerne les marchés amont de l’approvisionnement, l’opération ne concerne qu’un seul magasin dont le montant des achats totaux représente une part marginale du marché de l’approvisionnement11. La puissance d’achat du mouvement E. Leclerc n’est donc pas susceptible d’être renforcée, tous produits confondus comme par catégories de produits, à l’issue de l’opération.

B. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION

21. Sur le marché comprenant les hypermarchés situés dans une zone correspondant à un temps de trajet de 30 minutes autour de l’hypermarché de Dole, le magasin cible représente [20-30] % des surfaces de vente et les hypermarchés de la même enseigne présents sur la zone en représentent [10-20] %, soit une part de marché cumulée estimée à [30-40] %. Les magasins sous enseigne E. Leclerc feront face à la concurrence de trois enseignes concurrentes : Intermarché ([30-40] %), Cora ([20-30] %), et Système U ([10-20] %).

22. Sur le marché comprenant les supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans une zone de 15 minutes en voiture autour de l’hypermarché de Dole, l’enseigne Leclerc n’exploite aucun point de vente. Il n’y a donc pas de chevauchement d’activité entre les parties dans cette zone de chalandise.

23. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence tant sur les marchés aval de la distribution, que sur les marchés amont de l’approvisionnement.

DÉCIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 19-045 est autorisée.

 

NOTES :

1 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 16-DCC-14 du 29 janvier 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un magasin de commerce de détail  à dominante alimentaire par la  société Attindis aux  côtés  de  l’Association des Centres  Distributeurs  E. Leclerc,      n° 16- DCC-53 du 15 avril 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire sous enseigne  E. Leclerc  par  les  époux  Bernard  aux  côtés  de  l’Association  des  Centres  Distributeurs  E. Leclerc,  n° 16-DCC-211  du     13 décembre 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de la société Sodix par l’Association ACDLec aux côtés de la société Lacdis et n° 19-DCC-63 du 9 avril 2019 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Thegadis aux côtés de l’Association des Centres distributeurs E. Leclerc.

2 Voir les paragraphes 6 à 17 de la décision n° 19-DCC-63 du 9 avril 2019 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Thegadis aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc.

3 L’ACDLec exerçant un contrôle conjoint sur certains magasins à l’enseigne E. Leclerc, 50 % du chiffre d’affaires des magasins a été affecté à l’ACDLec aux fins du calcul du chiffre d’affaires, conformément aux dispositions des paragraphes 186 et 187 de la communication consolidée de la Commission européenne.

4 L’ACDLec exerçant un contrôle conjoint sur certains magasins à l’enseigne E. Leclerc, 50 % du chiffre d’affaires des magasins a été affecté à l’ACDLec aux fins du calcul du chiffre d’affaires, conformément aux dispositions des paragraphes 186 et 187 de la communication consolidée de la Commission européenne.

5 Voir par exemple les décisions de la Commission européenne M.1684, Carrefour / Promodès du 25 janvier 2000 ; et M.2115, Carrefour / GB, du 28 septembre 2000.

6 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur de la distribution de détail à dominante alimentaire : C2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C2006-15 Carrefour/ Groupe Hamon du 14 avril 2006, C2007-172 relative à la création de l’entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C2008-32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008, ainsi que les décisions n° 16-DCC-53 et n° 16-DCC- 211 précitées.

7 Voir notamment les décisions COMP/M.1684,COMP/M.4096, n° 16-DCC-53 et n° 16-DCC-211 précitées.

8 Voir, par exemple les décisions n° 16-DCC-53, n° 16-DCC-211 et n° 19-DCC-63 précitées.

9 Id.

10 Id.

11 L’ACDLec a notifié concomitamment la prise de contrôle conjoint de sept points de ventes qui font l’objet de sept décisions distinctes. Le risque de renforcement de la puissance d’achat du Mouvement E. Leclerc, en tant qu’acteur sur les marchés de l’approvisionnement, a été étudié en tenant compte de ces sept opérations.