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Décisions

CA Paris, 23e ch., 30 janvier 1998

PARIS

Arrêt

Confirmation

TGI Paris, 7e ch. sect. 1, du 31 janv. 1…

31 janvier 1996

Par un jugement prononcé le 31 janvier 1996, le tribunal de grande instance de PARIS (7e chambre 1re section) a :

-   dit que les sociétés SNR et SLP ont commis une faute en n'appliquant pas les dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance et doivent répondre des conséquences préjudiciables de leur faute à l'encontre de la société TCC Papet,

Par mesure avant dire droit,

-   désigné en qualité d'expert Monsieur Bernard Mathieu, demeurant 32, boulevard Marbeau 75116 PARIS avec pour mission ;

- de se faire communiquer l'ensemble des documents utiles pour l'accomplissement de sa mission,

- d'entendre tout sachant et notamment les maîtres d'oeuvre de l'opération,

- d'établir le décompte définitif du lot gros-oeuvre entre le BAPH et la société For Ever, en tenant compte des travaux acceptés par les maîtres de l'ouvrage, les moins-values pour travaux non exécutés ou réserves non levées (si le lot gros-oeuvre n'est pas individualisé dans le marché de For Ever définir un pourcentage tenant compte des pourcentages habituels et des caractéristiques de l'opération),

- de vérifier les sommes perçues par la société For Ever au titre de ce lot,

- de vérifier le décompte définitif de la société For Ever établi par le maître d'oeuvre,

- de donner son avis sur les pénalités de retard et sur les moins-values pour les travaux non exécutés, malfaçons et réserves non levées,

- de proposer un compte entre la société For Ever et les maîtres de l'ouvrage au 23 avril 1993,

-  dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du nouveau code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport et une copie (annexe comprise) au Greffe du Tribunal (Greffe du service du contrôle des expertises) dans les huit mois de sa saisine, sauf prorogation de ce délai sollicitée en temps utile auprès du juge de la mise en état,

-   fixé à 10.000 F la somme que la société TCC Papet devra verser au Greffe de ce tribunal (service du contrôle des expertises) avant le 31 mars 1996 à titre de provision sur la rémunération de l'expert,

-   dit que faute de consignation de cette provision dans le délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et que le tribunal tirera toute conséquence de cette carence,

-   renvoyé l'affaire à l'audience de la mise en état du 26 mars 1996 à 10 heures,

-   sursis sur le surplus des demandes,

-   réservé les dépens ;

Appel de ce jugement a été déclaré :

1°) le 7 mars 1996, par la société civile des Nouvelles Résidences (SNR) et la SARL Logement et Patrimoine à l'encontre de :

-   la SA TCC Papet - Technique et Construction Courcelloises,

-   la SARL BAPH, Bâtir Aménager Promotion Habitat,

-   Maître Jean-Paul Jousset, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société For Ever Engineering,

2°) le 18 mars 1996, par la SA TCC Papet - Technique et Construction Courcelloises à l'encontre de :

-   la SARL BAPH, Bâtir Aménager Promotion Habitat,

-   la société civile Les Nouvelles Résidences, SNR,

-   la SARL Logement et Patrimoine, SLP,

-   Maître Jean-Paul Jousset, pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société For Ever Engineering,

Ces instances d'appel ont été jointes ;

La SA TCC Papet a demandé à la Cour :

-   de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité des sociétés BAPH, SLP et SNR en constatant que ces dernières avaient commis une faute en n'appliquant pas les dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance,

-   de la déclarer recevable et fondée en son appel pour le surplus,

-   de réformer le jugement et statuant à nouveau,

-   de dire que le sous-traitant n'a aucun lien contractuel avec les maîtres d'ouvrage,

-   de condamner, en conséquence, solidairement les société BAPH, SLP et SNR à lui payer une somme de 498.914,52 F TTC, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 avril 1994, date de la demande, et celle de 30.000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et de rejeter toute prétention contraire comme injuste et mal fondée,

-   de les condamner aux entiers dépens ;

Les sociétés SNR et SLP ont demandé à la Cour ;

-   de les dire recevables et fondées en leur appel,

-   d'infirmer le jugement,

-   de déclarer irrecevable et en tout cas, mal fondée la société TCC Papet en son appel, et en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-   de la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-   de la condamner à leur payer respectivement une somme de 30.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens,

à titre subsidiaire,

-   de dire que la société Les Nouvelles Résidences ne saurait être condamnée à une somme supérieure au montant du décompte général définitif que l'Entreprise Générale a adressé à la société TCC Papet à hauteur de 266.445,55 F,

à titre infiniment subsidiaire,

si par impossible, la Cour estimait entrer en voie de condamnation à l'égard de la société Les Nouvelles Résidences,

-   de dire que le BAPH sera tenu de garantir la société Les Nouvelles Résidences de l'ensemble des condamnations en principal, intérêts, frais et accessoires qui pourraient être prononcées à son encontre,

-   de statuer comme précédemment requis sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens ;

La SARL BAPH a demandé à la Cour :

-   de la recevoir en ses conclusions, de les déclarer bien fondées,

-   de réformer partiellement le jugement,

-   de constater qu'elle n'est ni maître d'ouvrage, ni maître d'ouvrage délégué mais un simple conducteur d'opération des chantiers de la SNR et de la SLP,

-   de la mettre en conséquence hors de cause,

Subsidiairement,

-   de constater qu'elle a mis en demeure l'entreprise générale par lettre du 7 octobre 1991 d'avoir à faire accepter et agréer, les conditions de paiement des sous-traitants,

-   de dire que les maîtres de l'ouvrage ont respecté les exigences de l'article 14-1 de la loi précitée,

-   de débouter, en conséquence, la société TCC Papet de son action sur le fondement de la responsabilité délictuelle par absence de faute des maîtres de l'ouvrage,

-   de dire en revanche, que la négligence du sous-traitant est la cause des non-paiements effectués, et de plus fort, le débouter de son action sur le fondement de l'article 14-1 pour défaut de lien de cause à effet entre la faute invoquée et le préjudice subi,

-   de dire par ailleurs que le dommage consiste en la perte d'une chance de pouvoir exercer l'action directe,

-   de dire, en conséquence, que la société TCC Papet ne peut rien réclamer au maître de l'ouvrage, l'assiette de l'action directe étant nulle en l'espèce,

-   de dire que fixer le préjudice du sous-traitant non agréé et non accepté à la totalité de ses demandes reviendrait à donner un sort privilégié à ce sous-traitant par rapport au sous-traitant accepté et agréé qui ne peut bénéficier que de l'action directe,

Tout à fait subsidiairement,

-   de constater que l'entreprise générale a contesté le DGD, et a réduit les sommes dues à la somme de 266.445,45 F et dire et juger que lui-même et les maîtres de l'ouvrage ne sauraient être condamnés à une somme supérieure,

-   de dire que l'appel en garantie dirigé à son encontre par les sociétés SNR et SLP ne saurait prospérer,

-   de condamner la société TCC Papet à lui régler la somme de 20.000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Régulièrement assigné, Maître Jean-Paul Jousset pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société For Ever Engineering, n'a pas constitué avoué ;

Par arrêt du 26 septembre 1997, la Cour a ordonné la réouverture des débats en donnant injonction à la SARL BAPH de produire aux débats, après communication régulière :

1°)  la preuve de dépôt délivré par les services de La Poste de la lettre recommandée avec avis de réception du 7 octobre 1991 qu'elle a adressée à la SARL Maisons For Ever,

2°)  l'avis de réception de l'envoi recommandé de cette lettre délivré par les services de La Poste ;

Par lettre du 18 novembre 1997 la SCP Verdun Gastou a fait connaître à la Cour que la SARL BAPH n'était pas en mesure de communiquer les pièces réclamées par la Cour ;

La société TCC Papet a conclu le 18 novembre 1997 en reprenant ses demandes antérieures sauf à ramener à la somme de 20.000 F sa demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Les sociétés SNR et SLP ont par conclusions du 19 novembre 1997 demandé que les écritures de la société TCC Papet soient écartées des débats et subsidiairement que la clôture et la date des plaidoiries soient reportées ;

La société BAPH par écritures du 20 novembre 1997 a conclu dans le même sens ;

L'arrêt est prononcé réputé contradictoire par application de l'article 474 du nouveau code de procédure civile ;

Sur ce, il est référé, pour un exposé complet des faits de la cause, des moyens et prétentions des parties, au jugement déféré et à l'ensemble des conclusions signifiées et déposées devant la Cour ;

Sur ce :

I - Sur la procédure :

Considérant comme le sollicite exactement la société civile SNR qu'il y a lieu d'écarter des débats les conclusions signifiées le 18 novembre 1997 par la société TCC Papet dès lors d'une part, que la Cour n'avait ordonné la réouverture des débats qu'à seule fin d'obtenir la production de deux pièces sans demander qu'il soit à nouveau conclu et d'autre part, que les conclusions dont s'agit ayant été signifiées deux jours avant la nouvelle clôture n'ont pu être utilement discutées, le délai n'étant pas suffisant pour répliquer, la contradiction des débats n'ayant donc, par voie de conséquence, pas été assurée ;

II - Au fond :

Considérant, que sur les appels interjetés par les sociétés SNR et SLP d'une part et la société TCC Papet d'autre part, une discussion s'est instaurée sur les qualités de maître d'ouvrage et de maître d'ouvrage délégué dévolues aux sociétés SNR, SLP et BAPH ;

Considérant qu'ainsi :

-   les sociétés SNR et SLP ont soutenu que la SNR aurait été étrangère à l'opération immobilière réalisée par la société SLP et que la société BAPH ne serait intervenue que comme maître d'ouvrage,

-   la société TCC Papet a prétendu que la société BAPH serait intervenue comme maître d'ouvrage délégué ou se serait présenté à son égard comme le véritable maître d'ouvrage de l'opération et a demandé la confirmation du jugement en ce qu'il aurait retenu la responsabilité du BAPH,

-   la société BAPH a indiqué qu'elle n'avait jamais eu qu'un rôle de conducteur de travaux et a sollicité la confirmation du jugement en ce qu'il l'aurait mise hors de cause,

Considérant en premier lieu qu'il importe de relever que le tribunal :

-   analysant les conventions liant les sociétés SLP et SNR au BAPH a énoncé dans les motifs page 6 : « Dans ces conditions le BAPH ne saurait être tenu à titre personnel des obligations de la loi du 31 décembre 1975, sa responsabilité ne peut être engagée que si la société TCC Papet démontre que le BAPH a commis une faute dans l'exécution de son mandat causal dans le défaut d'agrément »,

-   a indiqué (page 7) que « le BAPH pour le compte des maîtres de l'ouvrage aurait dû faire application des dispositions de l'article 14-1 (de la loi du 31 décembre 1975) et mettre en demeure la société For Ever de s'acquitter pour la société TCC Papet de ses obligations et de la déléguer dans le paiement des travaux sous-traités ou de lui fournir la caution correspondant au paiement de ceux-ci - En n'effectuant pas cette mise en demeure le BAPH ès qualités a commis une faute quasi délictuelle et dès lors les maîtres d'ouvrage doivent supporter l'indemnisation des conséquences préjudiciables de celle-ci »,

-   a encore dit (page 9) : « Il sera sursis sur la demande d'appel en garantie des sociétés maîtres de l'ouvrage (contre le BAPH) dans l'attente des résultats de la mesure d'expertise »,

-   a enfin jugé dans son dispositif en ces termes :

« - dit que les sociétés SNR et SLP ont commis une faute en n'appliquant pas les dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance et doivent répondre des conséquences préjudiciables de leur faute à l'encontre de la société TCC Papet,

- ordonné une expertise,

- sursis à statuer sur le surplus des demandes » ;

Considérant qu'au vu de ces éléments, le tribunal, dans les rapports des sociétés TCC Papet et BAPH, n'a pas tranché la question de la responsabilité de ce dernier, dès lors d'une part, que le dispositif du jugement ne comporte aucune mention à cet égard seule la responsabilité des sociétés SNR et SLP étant retenue tandis qu'il était expressément sursis dans ce même dispositif sur le recours en garantie de ces sociétés contre la société BAPH et d'autre part, qu'en ne visant dans ses motifs qu'une faute ès qualités de cette dernière après avoir rappelé qu'il appartenait à la société TCC Papet de démontrer que la société BAPH « avait commis une faute dans l'exécution de son mandat causal dans le défaut d'agrément », le tribunal a clairement indiqué que la démonstration de cette faute n'avait pas été faite ;

Considérant qu'en conclusion de ce qui précède que c'est à tort que la société TCC Papet a demandé la confirmation du jugement en ce qu'il avait retenu la responsabilité de la société BAPH, puisqu'en réalité celle-ci n'étant pas retenue, elle sollicite l'infirmation du jugement sur ce point, aucune ambiguïté n'existant quant au sens de sa demande, qui est de voir la responsabilité de la société BAPH retenue à son égard, et que c'est également à tort que la société BAPH sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il l'aurait mise hors de cause, puisque le tribunal ne s'étant pas prononcé sur sa responsabilité à l'égard de la société TCC Papet, et sur les recours en garantie formés contre elle par les sociétés SNR ET SLP, la société BAPH a été maintenue en la cause par le Tribunal ;

Considérant au vu des pièces produites aux débats que :

-   la SLP a entrepris la réalisation de 24 logements collectifs sous le nom d'opération Villiers Le Bacle - 02,

-   la SNR a entrepris la réalisation de 34 logements collectifs sous le nom d'opération Villiers Le Bacle - 01,

-   dans le cadre de ces opérations les deux sociétés ont conclu dans les mêmes termes le 4 février 1985 une convention avec le BAPH aux termes de laquelle celui-ci avait les missions de :

 

- mission 1 : transactions immobilières

- mission 2 : études spécifiques de programmation

- mission 3 : conduite d'opérations

- mission 4 : assistance juridique et administrative à l'opération

- mission 5 : assistance juridique et administrative à la société

 

- mission 6 : engagement des dépenses et ordonnancement des paiements

- mission 7 : après-vente et gestion du stock,

Considérant qu'il résulte des termes de ces missions, que le rôle de la société BAPH n'était pas seulement celui d'un conducteur de travaux mais qu'elle avait reçu mandat d'assister sur le plan juridique le maître d'ouvrage dans le déroulement de l'opération, l'ensemble de ces missions comprenant notamment la préparation de la consultation des divers responsables de l'exécution des ouvrages (III, 3), l'étude des diverses formules de montage juridique et l'établissement de tous cahiers des charges (IV, 3), l'étude et la souscription des polices d'assurance (IV, 8, 9), le suivi de tout litige né à l'occasion des opérations de construction (IV, 10), l'engagement des dépenses dans la limite du plan financier approuvé et la vérification de l'état des avancements des travaux (VI) ;

Considérant qu'au demeurant la société BAPH, comme les sociétés SNR et SLP ne s'y sont pas trompées puisque :

-   la société BAPH a adressé le 7 octobre 1991 à la société For Ever une lettre se référant à la loi du 31 décembre 1975, dont elle soutient qu'elle correspond à la mise en demeure prévue par l'article 14-1 de cette loi, par laquelle elle a mis en demeure la société For Ever, entreprise principale, de communiquer ses contrats de sous-traitance, les cautions personnelles et solidaires couvrant la totalité des marchés des différents sous-traitants, et les attestations des sous-traitants confirmant que les paiements étaient à jour ;

-   la déclaration d'intention de commencement des travaux du 16 janvier 1991 remplie par la société For Ever mentionne, comme maître d'ouvrage « BAPH » suivie de son adresse et de son numéro de téléphone,

-   le 10 juin 1993, la société BAPH se référant au cahier des prescriptions spéciales art. 10-4 et 10-4-1, qui prévoit que le maître d'ouvrage peut réclamer la justification des assurances et du règlement des primes à l'entreprise principale, a demandé ces documents à la société For Ever,

-   dans le procès-verbal de réception du 24 juin 1992, la société BAPH était présentée comme représentant le maître d'ouvrage,

-   le 28 juin 1993, répondant à une demande de la société TCC Papet, indiquait ne pas s'opposer par principe à un paiement direct du maître d'ouvrage tout en en précisant les conditions ;

Considérant qu'il s'ensuit que :

-   la SLP avait la qualité de maître d'ouvrage pour l'opération Villiers Le Bacle 02,

-   la SNR avait celle de maître d'ouvrage pour l'opération Villiers Le Bacle 01,

-   la société BAPH avait la qualité de maître d'ouvrage délégué pour ces deux opérations ;

Considérant qu'est dénuée de toute portée l'argumentation développée par les sociétés SNR et SLP sur le fondement de l'action directe (art. 14 de la loi du 31 décembre 1975) dès lors d'une part, que le tribunal n'a pas condamné cette société sur ce fondement mais au titre de la responsabilité quasi délictuelle du maître d'ouvrage par application de l'article 14-1 de la même loi, d'autre part, que devant la Cour la société TCC Papet demande la confirmation du jugement, et n'agit que sur le dernier fondement invoqué à l'exclusion de toute demande au titre de l'action directe et enfin, que, en tout état de cause, il n'est discuté par aucune des parties que les conditions de l'action directe n'étaient pas réunies ;

Considérant que pour critiquer le jugement, en ce qu'il a retenu leur responsabilité sur le fondement de l'article 14-1 de la loi du 3 décembre 1975, les sociétés SNR et SLP d'une part et le BAPH d'autre part, soutiennent en substance, qu'en retenant qu'elles ne pouvaient s'exonérer de leur responsabilité par la lettre du 7 octobre 1991, que la société BAPH avait adressée à la société For Ever, au motif qu'il ressort des comptes définitifs produits que la société BAPH avait payé directement un certain nombre de sous-traitants, et ne pouvait dès lors ignorer que la situation avait été régularisée après l'envoi de la mise en demeure générale, le tribunal aurait ajouté au texte de loi des prescriptions qui n'y figurent pas, et qu'elle avait, par l'envoi de la mise en demeure du 7 octobre 1991, accompli les obligations ;

Considérant que le 7 octobre 1991 la société BAPH a adressé à Maisons For Ever une lettre ainsi rédigée :

« Opération : Villiers Le Bacle 01 (SNR)

et Villiers Le Bacle 02 (SLP)

Nos réf. : J.-P. Bertucat/mfl

Recommandée avec AR

Messieurs,

Conformément à la loi du 31/12/75 réformée par la loi du 6/01/86 sur la sous-traitance, nous vous mettons en demeure par la présente, de bien vouloir nous adresser dans les plus brefs délais vos contrats de sous-traitance et de nous produire également une caution personnelle et solidaire d'un établissement qualifié, couvrant la totalité des marchés de vos différents sous-traitants.

De plus, nous vous demandons de nous fournir une attestation de vos sous-traitants confirmant les paiements à jour, pour les lots exécutés ou en cours d'exécution .

(...) »

Considérant que :

- l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 indique :

« L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage, l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande. (...) »

- l'article 14-1 de la même loi énonce :

« Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics :

- le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3, mettre l'entrepreneur principal en demeure de s'acquitter de ces obligations ;

- si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions définies par décret en Conseil d'État, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l'ouvrage doit exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution. »

Considérant qu'il n'est pas discuté comme l'a exactement indiqué le tribunal qu'à la date du 7 octobre 1991, les maîtres d'ouvrage SLP et SNR connaissaient par le maître de l'ouvrage délégué la société BAPH, la présence de la société TCC Papet sur la chantier comme sous-traitant de la société Maisons For Ever ;

Considérant, dès lors, ce qui n'est pas non plus discuté qu'il incombait aux maîtres d'ouvrage, par application des dispositions des articles précités, de mettre l'entrepreneur principal, en l'espèce, Maisons For Ever, en demeure de faire accepter par eux, la société TCC Papet comme sous-traitant et d'accepter ses conditions de paiement ;

Considérant que la lettre du 7 octobre 1991 se présente comme une mise en demeure adressée par le maître d'ouvrage délégué à l'entreprise principale, de produire l'ensemble des contrats de sous-traitance, les cautions personnelles et solidaires d'un établissement qualifié concernant la totalité des marchés de sous-traitance, que si sur cette lettre figure la mention « recommandée avec AR » la société BAPH n'a pas été en mesure de justifier que cette lettre avait été expédiée suivant cette modalité dès lors qu'elle n'a pu ni indiquer le numéro d'identification de lettre recommandée de cette correspondance, ni produire l'accusé de réception ou une attestation des services de La Poste confirmant l'expédition de cette lettre en recommandé avec accusé de réception ;

Considérant que l'objet de la mise en demeure dont s'agit, est, ainsi qu'il résulte des termes mêmes de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, de garantir le sous-traitant contre tout risque de non-paiement par l'entrepreneur principal, puisque d'une part, cette mise en demeure prévue au premier alinéa de cet article, se rattache à l'obligation dont elle est le préalable, faite par le deuxième alinéa de ce même article, au maître d'ouvrage d'exiger de l'entrepreneur principal, pour le sous-traitant accepté dont les conditions de paiement ont été agréées et qui ne bénéficie pas de la délégation de paiement, qu'il justifie avoir fourni la caution, d'autre part, que le terme d'exiger a un sens particulièrement fort et impose au maître d'ouvrage de vérifier que l'entrepreneur principal s'acquitte de ses obligations, et enfin, que la caution dont s'agit, dont l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 précise qu'elle est personnelle et solidaire, donne une quasi-certitude au sous-traitant d'être payé des travaux qu'il a effectués ;

Considérant qu'il s'ensuit que la mise en demeure prévue par l'article 14- 1 de la loi du 31 décembre 1975, s'analyse comme une injonction personnelle donnée par le maître d'ouvrage à l'entrepreneur principal qui impose d'une part, que celle-ci soit adressée à tout le moins par lettre recommandée avec accusé de réception, d'autre part, qu'elle vise nommément le sous-traitant concerné, seul un tel visa permettant de rendre effective la mise en demeure, l'injonction faite à l'entrepreneur principal de respecter les obligations de la loi du 31 décembre 1975, ajoutée à l'information qui lui est donnée de la connaissance précise qu'a le maître de l'ouvrage de la présence d'un sous-traitant sur la chantier, ne permettant plus à l'évidence, à cet entrepreneur principal d'éluder de bonne foi les obligations qui lui sont faites par l'article 3 de la loi précitée et enfin, de vérifier que cet entrepreneur lui a répondu de façon suffisamment précise pour lui permettre d'exercer un choix motivé soit en refusant d'accepter le sous-traitant ou d'agréer ses conditions de paiement soit en exigeant la justification éventuelle de la caution et en en vérifiant la portée ;

Considérant qu'en cet état, le seul envoi de la lettre du 7 octobre 1991 n'est pas de nature à justifier que les maîtres d'ouvrages se sont acquittés de leurs obligations, de mettre en demeure l'entrepreneur principal de s'acquitter des obligations mises à sa charge par l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975, d'une part, parce qu'il n'a pas été établi que la lettre du 7 octobre 1991 avait été envoyée en la forme recommandée avec accusé de réception, d'autre part, parce que cette correspondance ne mentionne pas le nom de la société TCC Papet et enfin, parce que les maîtres d'ouvrages qui ne pouvaient ignorer que cette lettre n'avait été suivie d'aucune réponse ni régularisation n'ont justifié d'aucune relance ni vérification ultérieure ;

Considérant que la société BAPH d'une part, les sociétés SLP et SNR d'autre part, se prévalent ensuite des fautes commises par la société TCC Papet qui selon elles, serait seule à l'origine de son préjudice, en soutenant en substance que cette dernière société, par lettre du 20 février 1991, aurait demandé à la société For Ever de faire le nécessaire pour le faire accepter par le maître d'ouvrage, qu'elle n'aurait plus accompli aucune diligence, alors qu'aucune réponse ne lui avait été adressée et que dans cette lettre du 20 février 1991 elle connaissait l'existence de la société BAPH, cette dernière société ajoutant que d'autres sous-traitants plus diligents auraient bénéficié de la délégation de paiement, que la société TCC Papet aurait été négligente dans l'envoi de son décompte qui aurait dû être adressé 15 jours après la réception intervenue pour les logements appartenant à la SLP le 24 juin 1992, alors qu'elle n'aurait adressé ce décompte que le 9 juillet 1993 ;

Mais considérant que l'ensemble de cette argumentation est dénué de toute portée dès lors que, d'une part, la loi du 31 décembre 1975 n'oblige pas le sous-traitant à se manifester auprès du maître de l'ouvrage et qu'ainsi aucune faute ne saurait être reprochée à ce sous-traitant pour n'être pas intervenu auprès de ce maître d'ouvrage ou son mandataire, après que la lettre du 20 février 1991 qu'il avait adressée à l'entrepreneur principal soit restée sans réponse, d'autre part, que l'éventuel manquement contractuel commis par la société TCC Papet en envoyant tardivement à l'entrepreneur principal son décompte définitif ne saurait exonérer le maître d'ouvrage de sa responsabilité quasi délictuelle pour n'avoir pas accompli les obligations mises à sa charge par l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 qui l'ont privé du bénéfice de la mise en place de la caution bancaire à tout le moins dès le mois d'octobre 1991 qui lui aurait assuré avec une quasi-certitude du paiement de ses prestations, même en cas d'envoi tardif de son décompte définitif ;

Considérant que la société TCC Papet prétend que sur le fondement de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, elle est fondée à réclamer au maître d'ouvrage le solde de son marché resté impayé, et non contrairement à ce qu'a décidé le tribunal, la limite des sommes qu'elle aurait pu demander au maître d'ouvrage par le jeu de l'action directe ;

Considérant que l'action exercée sur le fondement de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 est une action en responsabilité quasi délictuelle, distincte de l'action directe, qui autorise le sous-traitant à réclamer l'entier préjudice résultant de la faute commise par le maître d'ouvrage qui n'a pas accompli les obligations mises à sa charge par l'article précité, lui imposant de mettre en demeure l'entrepreneur principal de faire accepter le sous-traitant et d'agréer ses conditions de paiement ;

Considérant que le préjudice résultant de cette faute est outre la perte de l'action directe, celle du recours contre la caution qui lui aurait assuré une quasi-certitude de paiement et qui est donc la garantie principale du sous-traitant, la perte de ce recours étant la conséquence directe de la faute du maître d'ouvrage, puisque si celui-ci s'était acquitté de ses obligations il aurait dû, - sauf à démontrer, ce qu'il ne fait pas, que les contrats de sous-traitance précités en tout état de cause ne permettaient pas d'accepter le sous-traitant et d'agréer ses conditions de paiement - exiger la justification par l'entrepreneur principal de la mise en place de la caution personnelle et solidaire ;

Considérant, pour limiter le montant des sommes dues à la société TCC Papet la société BAPH se prévaut de ce qu'elle serait fondée à déduire du montant du marché le montant des pénalités de retard, le coût des travaux non exécutés, les sommes non admises par l'entrepreneur principal aux termes du décompte général définitif ;

Considérant que cette argumentation est dénuée de toute portée dès lors d'une part, que la société BAPH ne l'a développée qu'en se référant aux dispositions relatives à l'action directe, selon lesquelles le maître de l'ouvrage ne serait tenu à l'égard du sous-traitant que de ce qu'il devait à l'entrepreneur principal à la date de la réception de la copie de la mise en demeure mettant en oeuvre l'action directe, d'autre part, que le maître d'ouvrage ne peut se prévaloir des dispositions contractuelles le liant à l'entrepreneur principal à l'égard d'un sous-traitant qu'il n'a pas accepté et dont il n'a pas agréé les conditions de paiement, de troisième part, qu'il ne peut pas plus exciper des dispositions contractuelles liant ce sous-traitant à l'entrepreneur principal, et enfin, que c'est par leur propre faute que les maîtres d'ouvrage se sont privés de la possibilité de discuter les montants réclamés par la société TCC Papet ;

Considérant que pour s'opposer à la demande globale, de paiement d'une somme de 498.914,52 F formée au titre des deux opérations, les sociétés SLP et SNR soutiennent qu'il s'agirait de deux opérations distinctes relevant chacune d'un maître d'ouvrage différent et qu'il résulterait des pièces produites que la société TCC Papet ne pouvait réclamer à la société SLP qu'une somme de 270.372,31 F et à la société SNR que celle de 228.887,90 F ;

Considérant que la société TCC Papet réplique qu'elle n'a réclamé qu'un seul montant de 498.914,52 F et qu'il n'y a pas lieu de diviser sa demande ;

Considérant que cette dernière argumentation ne peut qu'être rejetée dès lors que, ainsi qu'il a été dit, la SLP et la SNR étaient deux maîtres d'ouvrages distincts pour deux opérations différentes, la SLP étant seule intervenue pour la réalisation de Villiers Le Bacle 02, et la SNR, ayant seule réalisé les travaux de Villiers Le Bacle 01 ;

Considérant qu'il a été produit aux débats :

-   un décompte définitif, pour Villiers Le Bacle Bâtiment, C - SLP, d'un montant de 270.372,31 F,

-   un décompte définitif pour Villiers Le Bacle, Bâtiments A et B - SNR d'un montant de 228.874,90 F,

-   un décompte général définitif pour ces deux bâtiments d'un montant de 498.914,52 F ;

Considérant au vu de ces documents qu'il est manifeste que le troisième est l'addition des deux précédents, que cependant le total donne non 498.914,52 F mais 499.247,21 F, simple erreur matérielle qu'il y a lieu de rectifier ;

Considérant par voie de conséquence la somme de 270.372,31 F est mise à la charge de la SLP et celle de 228.874,90 F à celle de la SNR, comme constituant le préjudice subi par la société TCC Papet, lequel n'a pas été autrement discuté ;

Considérant que les sociétés SNR et SLP pour solliciter la garantie de la société BAPH prétendent chacune pour sa part, que, ayant réglé la totalité de ce qu'elles devaient, elles ne sauraient être amenées à régler une seconde fois sans que nécessairement, ceci soit la conséquence d'une faute commise par leur mandataire dans l'exécution de sa mission ;

Considérant qu'eu égard à sa mission de maître d'ouvrage délégué pour chacune des opérations, et dont les termes ont été précédemment rappelés, il incombait à la société BAPH qui avait comme tâches d'assister sur le plan juridique le maître d'ouvrage, d'étudier les diverses formules de montage juridique et de suivre tout litige né à l'occasion des opérations de construction, d'accomplir les diligences prévues à l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, que par suite, en se limitant à adresser à la société sous-traitée une lettre ne correspondant pas à la mise en demeure exigée par l'article précitée, la société BAPH a contractuellement manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de chacun des maîtres de l'ouvrage ; que par cette même faute elle a engagé sa responsabilité quasi délictuelle à l'égard de la société TCC Papet ;

Considérant en conclusion de ce qui précède que, sont condamnés in solidum, à payer à la société TCC Papet, d'une part les sociétés SNR et BAPH, pour la somme de 228.874,90 F d'autre part, les sociétés SLP et BAPH pour la somme de 270.372,31 F, les sociétés SNR et SLP étant garanties intégralement de ces condamnations par la société BAPH ;

Considérant que le point de départ des intérêts n'étant pas discuté, ces condamnations produiront intérêts au taux légal à compter du 22 avril 1994 date de l'assignation ;

Considérant qu'il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts échus depuis au moins une année entière à compter du 19 août 1996, date de la demande ;

Considérant que les sociétés SNR, SLP et BAPH sont condamnées in solidum à payer la somme de 20.000 F à la société TCC Papet, au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, les deux premières étant intégralement garanties de cette condamnation par la société BAPH ;

Considérant que les conditions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ne sont pas réunies pour les autres parties ;

Considérant que les sociétés SNR, SLP et BAPH sont condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel, les deux premières étant garanties intégralement de cette condamnation par la société BAPH ;

 

Par ces motifs :

 

ÉCARTE des débats les conclusions signifiées le 18 novembre 1997 par la société TCC Papet,

Confirme le jugement en ce qu'il a dit que les sociétés SNR et SLP ont commis une faute en n'appliquant pas les dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance et doivent répondre des conséquences préjudiciables de leur faute à l'encontre de la société TCC Papet,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne à payer à la société TCC Papet :

-   in solidum les sociétés SNR et BAPH, la somme de 228.874,90 F (deux cent vingt-huit mille huit cent soixante-quatorze francs quatre-vingt-dix) avec intérêts au taux légal à compter du 22 avril 1994,

-   in solidum les sociétés SLP et BAPH, la somme de 270.372,31 F (deux cent soixante-dix mille trois cent soixante-douze francs, trente et un) avec intérêts au taux légal à compter du 22 avril 1997,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus depuis au moins une année entière à compter du 19 septembre 1996,

Condamne la société BAPH à garantir intégralement les société SNR et SLP des condamnations prononcées à leur encontre,

Condamne in solidum les sociétés SNR, SLP et BAPH à payer la somme de 20.000 F (vingt mille) à la société TCC Papet, au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, pour les frais de première instance et d'appel, les deux premières étant intégralement garanties par la société BAPH,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne in solidum les sociétés SNR, SLP et BAPH aux dépens de première instance et d'appel, les sociétés SNR et SLP étant intégralement garanties de cette condamnation par la société BAPH,

Admet les avoués qui y ont droit au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.