ADLC, 14 décembre 2020, n° 20-DCC-180
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle exclusif par la société Logicare d’un fonds de commerce de distribution automobile
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme de Silva
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 20 novembre 2020, relatif à la prise de contrôle exclusif par la société Logicare d’un fonds de commerce de distribution automobile appartenant à la société Compagnie Automobile des Mascareignes, formalisée par un contrat de cession en date du 30 avril 2020 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments transmis par les parties au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. La société Logicare (ci-après, « Logicare ») est une société par actions simplifiée active dans le secteur de la distribution automobile à La Réunion, où elle distribue les marques Peugeot et DS. Elle est contrôlée par le Groupe Caillé, lui-même contrôlé par la famille Caillé. Le groupe Caillé est actif dans les secteurs de la distribution automobile et de la distribution alimentaire à La Réunion et à Mayotte.
2. La cible est un fonds de commerce de distribution automobile actuellement exploité par la société Compagnie Automobile des Mascareignes (ci-après « Compagnie Automobile des Mascareignes »), laquelle est active dans le secteur de la distribution automobile à La Réunion. Compagnie Automobile des Mascareignes distribue notamment les marques Honda, Nissan, Opel et Seat. Le fonds de commerce cible distribue les marques Opel et Vauxhall depuis des locaux qui sont actuellement situés à Sainte-Clotilde, Saint-Pierre, Saint-Paul et Saint-André. Les locaux d’exploitation de la cible ne sont toutefois pas concernés par l’opération ; le fonds de commerce sera exploité depuis des locaux situés à Saint-Denis et à Saint-Pierre.
3. L’opération, formalisée par un protocole d’accord entre les parties en date du 30 avril 2020, consiste en l’acquisition, par Logicare, du fonds de commerce cible.
4. En ce qu’elle se traduit par une prise de contrôle exclusif par Logicare du fonds de commerce cible, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 75 millions d’euros (groupe Caillé : [≥ 75 millions] d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2019 ; cible : [≤ 75 millions] d’euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises réalise à La Réunion un chiffre d’affaires dans le commerce de détail supérieur à 5 millions d’euros (groupe Caillé : [≥ 5 millions] d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2019 ; cible : [≥ 5 millions] d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au III de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatives à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
6. La pratique décisionnelle distingue sept marchés au sein du secteur de la distribution au détail et de la réparation automobile (A). La délimitation géographique de ces marchés a été redéfinie à l’occasion de la présente opération (B).
A. MARCHÉS DE PRODUITS
7. Les sept marchés définis par la pratique décisionnelle nationale1 au sein du secteur de la distribution automobile sont :
i. le marché de la distribution de véhicules automobiles particuliers neufs destinés à une clientèle de particuliers ;
ii. le marché de la distribution de véhicules automobiles particuliers neufs destinés à une clientèle de professionnels ;
iii. le marché de la distribution de véhicules automobiles commerciaux ;
iv. le marché de la distribution de véhicules automobiles d’occasion ;
v. le marché de la distribution de pièces de rechange et d’accessoires automobiles ;
vi. le marché de la distribution de services d’entretien et de réparation de véhicules automobiles ;
vii. le marché de la distribution de services de location.
8. La pratique décisionnelle nationale n’envisage pas de sous-segmentation de ces marchés, ni en fonction de la nature des produits distribués (par exemple par marque ou catégorie de véhicules pour les marchés (i) à (iv)), ni en fonction des caractéristiques des points de vente détenus par les réseaux de distribution2.
9. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette segmentation à l’occasion de ce dossier. En l’espèce, les parties sont actives sur les marchés 1 à 6.
B. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
10. Pour l’ensemble de ces marchés, la pratique décisionnelle retient une dimension locale. Depuis la décision n° 19-DCC-42 du 12 mars 2019 relative à la prise de contrôle conjoint par la société Emil Frey Motors France et la société Fiber de la société Bernard Participations SAS, en métropole, l’analyse s’effectue sur la base de zones isochrones correspondant à un temps de trajet de 30, 45 ou 60 minutes en voiture autour du point de vente considéré, selon le marché, la question de la délimitation exacte de ces marchés ayant été laissée ouverte pour les marchés 5 à 7. L’Autorité a également précisé, dans ses décisions précédentes, qu’en fonction des circonstances de l’espèce et notamment des caractéristiques géographiques locales, elle pouvait être amenée à délimiter des zones de chalandise tenant compte de ces spécificités, et ainsi à analyser l’empreinte réelle des points de vente considérés.
11. La décision précitée ne procédant à une analyse que sur le territoire métropolitain, la question de la pertinence de ces délimitations géographiques s’agissant du département de La Réunion a fait l’objet d’une instruction détaillée dans le cas d’espèce. Les concurrents des parties ont été amenés à se prononcer sur l’adéquation des délimitations géographiques issues de la pratique décisionnelle en métropole pour le territoire réunionnais. Ceux-ci ont, dans leur majorité3, indiqué que la délimitation de marché géographique retenue en métropole était également adéquate s’agissant du département de La Réunion. Une telle analyse est d’ailleurs cohérente avec la pratique décisionnelle applicable dans le commerce de détail à dominante alimentaire, puisque, sur ce marché, au niveau géographique, aucune différence n’est faite selon que le point de vente est situé en métropole ou dans les DROM.
12. En conséquence, l’Autorité considère que les marchés de la distribution au détail de véhicules automobiles doivent être analysés sur les zones isochrones suivantes :
i. pour le marché de la distribution de véhicules automobiles particuliers neufs destinés à une clientèle de particuliers, sur une zone de 45 minutes en voiture autour du point de vente considéré ;
ii. pour le marché de la distribution de véhicules automobiles particuliers neufs destinés à une clientèle de professionnels, sur une zone de 60 minutes en voiture autour du point de vente considéré4 ;
iii. pour le marché de la distribution de véhicules automobiles commerciaux, sur une zone de 45 minutes en voiture autour du point de vente considéré ;
iv. pour le marché de la distribution de véhicules automobiles d’occasion, sur une zone de 45 minutes en voiture autour du point de vente considéré ;
v. pour le marché de la distribution de pièces de rechange et d’accessoires automobiles, sur une zone de 30 et 45 minutes en voiture autour du point de vente considéré ;
vi. pour le marché de la distribution de services d’entretien et de réparation de véhicules automobiles sur une zone de 30 et 45 minutes en voiture autour du point de vente considéré ;
vii. pour le marché de la distribution de services de location sur une zone de 30 et 45 minutes en voiture autour du point de vente considéré.
13. Cette analyse pourra être complétée, le cas échéant, en fonction des caractéristiques géographiques de la zone et des besoins spécifiques de l’espèce, par une analyse de l’empreinte réelle des points de vente considérés.
14. En l’espèce, l’Autorité a donc procédé à une analyse des effets de l’opération au sein de zones isochrones de 30, 45 ou 60 minutes autour des lieux d’exploitation du fonds de commerce cible, selon le marché considéré.
III. Analyse concurrentielle
A. MÉTHODOLOGIE RETENUE
15. À titre liminaire, il convient de préciser qu’à l’issue de l’opération, le fonds de commerce cible sera exploité depuis des locaux différents de ceux dans lequel il était exploité préalablement à l’opération, qui seront situés à Saint-Denis et à Saint-Pierre.
16. Pour les marchés 1 à 4, les parties ont communiqué la liste des points de vente actifs sur ces marchés dans les zones de chalandise pertinentes autour du lieu d’exploitation des concessions cibles. Conformément à sa pratique décisionnelle, l’Autorité a, sur cette base, estimé la position des parties en nombre de points de vente.
17. L’Autorité a procédé de même dans son analyse des marchés 5 et 6, en tenant compte, par ailleurs, de la pression concurrentielle exercée sur les points de ventes des parties par les garagistes et réparateurs indépendants. Elle a également tenu compte de la concurrence exercée par les enseignes spécialisées telles que Speedy, Norauto, Midas ou Feu Vert, susceptibles de proposer aux consommateurs des pièces de rechanges et accessoires identiques, ou de qualité équivalente, et des services d’entretien et de réparation de véhicules automobiles similaires à ceux distribués par les parties.
B. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX
18. Le fonds de commerce objet de la présente opération fera l’objet d’une exploitation dans deux concessions, l’une située à Saint-Denis (974), l’autre à Saint-Pierre (974). L’opération emporte des chevauchements d’activités dans ces deux zones.
1. Zone de Saint-Denis
19. Dans cette zone, s’agissant des marchés 1 à 4, la part de marché de la nouvelle entité ne dépassera pas 25 %, quel que soit le marché concerné.
20. S’agissant des marchés 5 et 6, la nouvelle entité restera confrontée dans la zone à la concurrence des réparateurs agréés, d’agents de marque, de petits garages indépendants et d’entreprises structurées de taille importante qui proposent des services d’entretien et de réparation de véhicules automobiles ou industriels de qualité équivalente à ceux proposés par les parties ou qui distribuent des pièces de rechanges et des accessoires automobiles.
21. L’opération notifiée n’est donc pas susceptible de soulever des préoccupations de concurrence du fait de ses effets horizontaux dans cette zone.
2. Zone de Saint-Pierre
22. Dans cette zone, s’agissant des marchés 1 à 4, la part de marché de la nouvelle entité ne dépassera pas 25 %, quel que soit le marché concerné.
23. S’agissant des marchés 5 et 6, la nouvelle entité restera confrontée dans la zone à la concurrence de réparateurs agréés, d’agents de marque, de petits garages indépendants et d’entreprises structurées de taille importante qui proposent des services d’entretien et de réparation de véhicules automobiles ou industriels de qualité équivalente à ceux proposés par les parties ou qui distribuent des pièces de rechanges et des accessoires automobiles.
24. L’opération notifiée n’est donc pas susceptible de soulever des préoccupations de concurrence du fait de ses effets horizontaux dans cette zone.
25. Il ressort de ce qui précède que l’opération notifiée n’est pas susceptible de soulever des préoccupations de concurrence sur les marchés de la distribution automobile.
DÉCIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 20-166 est autorisée.
NOTES :
1 Voir les décisions n° 19-DCC-42 du 12 mars 2019 relative à la prise de contrôle conjoint par la société Emil Frey Motors France et la société Fiber de la société Bernard Participations SAS, n° 17-DCC-175 du 24 octobre 2017 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Sonadia et Pré Droué par la société Car Avenue et n° 09-DCC-01 du 8 avril 2009 relative à la prise de contrôle de la société Pellier Metz SAS par le groupe Bailly SAS.
2 Voir la décision n°19-DCC-42 du 12 mars 2019 relative à la prise de contrôle conjoint par la société Emil Frey Motors France et la société Fiber de la société Bernard Participations SAS
3 3 opérateurs sur les 4 opérateurs concurrents ont confirmé globalement cette pratique. Le dernier opérateur a indiqué que la zone pourrait être réduite à 30 minutes puisqu’un consommateur réunionnais est généralement situé à moins de 30 minutes d’au moins une concession. Un tel raisonnement ne se fondant pas sur une analyse de substituabilité, il y a lieu de l’écarter. L’analyse se fondera donc uniquement sur les réponses des trois autres concurrents.
4 S’agissant de ce marché, l’un des concurrents interrogés a estimé qu’une zone de chalandise de 45 minutes ou moins autour du point de vente considéré serait pertinente à La Réunion, sans fournir plus d’éléments concrets permettant à l’Autorité d’apprécier sa réponse.