ADLC, 13 mars 2020, n° 20-DCC-41
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle conjoint du fonds de commerce sous enseigne Intermarché situé à Lanvallay par la société Dinan Distribution aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme de Silva
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 27 janvier 2020, déclaré complet le 20 février 2020, relatif à la prise de contrôle conjoint du fonds de commerce de détail sous enseigne Intermarché exploité à Lanvallay par la société Dinan Distribution aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc, formalisée par une lettre d’engagement en date du 6 décembre 2019 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments transmis par les parties notifiantes au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. La société Dinan Distribution (ci-après « Dinandis ») est une société par action simplifiée qui exploite, notamment, un hypermarché sous enseigne E. Leclerc situé à Dinan. Elle est contrôlée indirectement par M. et Mme Cadalen, qui exploitent également une galerie marchande.
2. L’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc (ci-après, l’« ACDLec ») est l’organe qui définit la stratégie du mouvement E. Leclerc, dont sont adhérentes toutes les personnes physiques qui dirigent les sociétés d’exploitation de magasins E. Leclerc. L’ACDLec détermine notamment les conditions d’agrément au mouvement E. Leclerc et signe les contrats d’enseigne (ou « de licence de marques ») dont les exploitants de magasins de commerce de détail
E. Leclerc doivent être titulaires.
3. Le fonds de commerce cible est un supermarché actuellement exploité sous enseigne Intermarché, situé à Lanvallay (22), d’une surface de 2 250 m², et détenu par la société Gelna (ci-après la « cible »).
4. L’opération, formalisée par une lettre d’engagement en date du 6 décembre 2019, consiste en l’acquisition par la société Dinandis du fonds de commerce cible.
5. L’Autorité a par ailleurs considéré, de manière constante1, que les obligations que l’ACDLec fait peser sur les sociétés d’exploitation des magasins E. Leclerc, telles que Dinandis, lui permettent d’exercer une influence déterminante sur celles-ci. Cette analyse de l’influence déterminante exercée par l’ACDLec est transposable à la présente opération, au vu des documents contractuels liant Dinandis à l’ACDLec.
6. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle conjoint du fonds de commerce cible par Dinandis aux côtés de l’ACDLec, l’opération constitue une concentration au sens de l’article
L. 430-1 du code de commerce.
7. Les entreprises concernées exploitent un ou plusieurs magasins de commerce de détail et ont réalisé ensemble lors du dernier exercice un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 75 millions d’euros (ACDLec : [≥75 millions] d’euros pour l’exercice clos ; Dinandis : [≤75] millions d’euros ; Cible : [≤75] millions d’euros). Les entreprises concernées réalisent en France dans le secteur du commerce de détail un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions d’euros (ACDLec : [≥15 millions] d’euros pour l’exercice clos ; Dinandis : [≥15] millions d’euros ; Cible : [≤15] millions d’euros).
8. Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
9. Selon la pratique constante des autorités nationale2 et européenne3 de concurrence, deux catégories de marchés peuvent être délimitées dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire : d’une part, les marchés aval, de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d’autre part, les marchés amont de l’approvisionnement sur lesquels les entreprises en tant qu’acheteurs sont en contact avec les fabricants des produits, de dimension nationale.
A. LES MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT
1. MARCHÉS DE PRODUITS
10. En ce qui concerne les marchés de l’approvisionnement, la Commission européenne4 retient l’existence de marchés par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales5.
11. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.
2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
12. Du point de vue géographique, la pratique décisionnelle constante des autorités de concurrence considère que les marchés de l'approvisionnement sont de dimension nationale6.
13. Il n’y a pas lieu de remettre en cause la pratique décisionnelle dans le cadre de la présente opération.
B. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE DÉTAIL À DOMINANTE ALIMENTAIRE
1. LES MARCHÉS DE PRODUITS
14. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, la pratique décisionnelle de l’Autorité7 distingue six catégories de commerce en retenant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l’ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés (d’une surface de vente supérieure à 2 500 m²), (ii) les supermarchés (magasins à dominante alimentaire d’une surface de vente inférieure à 2 500 m² et supérieure à 400 m²), (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail (moins de 400 m²), (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.
15. En l’espèce, le magasin cible dispose d’une surface de vente de 2 250 m² : il entre donc dans la catégorie des supermarchés. L’opération sera donc analysée sur le marché des supermarchés qui comprend les supermarchés et les formes de commerce équivalentes (c'est-à-dire, les hypermarchés, les maxi-discompteurs et les magasins populaires).
2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
16. Les autorités de concurrence examinent les effets des concentrations dans le secteur de la distribution de détail à dominante alimentaire au niveau local, qui correspond à la zone de chalandise associée à chaque magasin et dont l’étendue est fonction du temps de déplacement en voiture pour le consommateur (hors Paris)8.
17. L’Autorité de la concurrence estime qu’en fonction de la taille des magasins concernés et de leur localisation, les conditions de concurrence peuvent s’apprécier sur deux zones géographiques différentes :
- un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d’une zone et l’offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;
- et un second marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l’offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture9. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs10.
18. L’Autorité considère que l’analyse concurrentielle ne porte que sur le second marché lorsque le magasin cible est un supermarché, le premier marché n’étant pris en compte que lorsque le magasin cible est un hypermarché11.
19. En l’espèce, compte tenu des caractéristiques du magasin cible, l’analyse portera donc sur la zone comprenant le supermarché cible et les magasins concurrents situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture.
III. Analyse concurrentielle
A. LES MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT
20. En ce qui concerne les marchés amont de l’approvisionnement, l’opération ne concerne qu’un seul magasin dont le montant des achats totaux représente une part marginale12 du marché national de l’approvisionnement.
21. La puissance d’achat du mouvement E. Leclerc n’est donc pas susceptible d’être renforcée, tous produits confondus comme par catégories de produits, à l’issue de l’opération.
B. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION
22. En ce qui concerne le marché aval de la distribution, le magasin cible est un supermarché qui sera, à l’issue de l’opération, exploité sous enseigne E. Leclerc, d’une surface de 2 250 m² et situé à Lanvallay (22).
23. Le magasin cible représente [5-10] % des surfaces de vente et les autres points de vente de la même enseigne représentent [20-30] % des surfaces de vente, soit une part de marché cumulée représentant [30-40] % des surfaces de vente sur la zone concernée. Les magasins sous enseigne
E. Leclerc feront face à la concurrence de six enseignes différentes : Carrefour ([20-30] %), Intermarché ([10-20] %), Système U ([5-10] %) Casino ([0-5] %), Lidl ([5-10] %) et Aldi ([0- 5] %).
24. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché aval de la distribution à dominante alimentaire dans la zone de Lanvallay (22).
DÉCIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 20-019 est autorisée.
NOTES :
1 Décisions de l’Autorité n°16-DCC-14 du 29 janvier 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un magasin de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Attindis aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc, n°16-DCC-53 du 15 avril 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire sous enseigne E. Leclerc par les époux Bernard aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E.Leclerc, n°16-DCC-211 du 13 décembre 2016 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de la société Sodix par l’Association ACDLec aux côtés de la société Lacdis, n°19-DCC-63 du 9 avril 2019 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Thegadis aux côtés de l’Association des Centres distributeurs E.Leclerc.et n°19-DCC-250 du 16 décembre 2019 relative à la prise de contrôle conjoint par la société Bardis aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire sous enseigne Casino.
2 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 14-DCC-173 du 21 novembre 2014 relative à l’a prise de contrôle de la société Dia France SAS par la société Carrefour France SAS, la décision n° 17-DCC-231 du 27 décembre 2017 relative à la prise de contrôle conjoint par la famille Zouari aux côtés du groupe Casino de 125 magasins de commerce de détail à dominante alimentaire et la décision n° 19-DCC- 73 précitée..
3 Voir notamment les décisions de la Commission européenne M.1221, Rewe / Meinl du 3 février 1999 et M.1684, Carrefour/ Promodès du 25 janvier 2000.
4 Décisions de la Commission européenne M.1684 du 25 janvier 2000 Carrefour / Promodès et M.2115 du 28 septembre 2000 Carrefour / GB.
5 Lettres du ministre chargé de l’économie C2005-98 du 10 novembre 2005 Carrefour/Penny Market, C2006-15 du 14 avril 2006 Carrefour/ Groupe Hamon, C2007-172 du 13 février 2008 relative à la création de l’entreprise commune Plamidis et C2008-32 du 9 juillet 2008 Carrefour/SAGC, ainsi que les décisions n° 16-DCC-53 et n° 16-DCC-211 précitées.
6 Décisions COMP/M.1684, n°16-DCC-53 et n°16-DCC-211 précitées.
7 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 13-DCC-90 du 11 juillet 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Monoprix par la société Casino Guichard-Perrachon et les décisions n° 16-DCC-53, n° 16-DCC-211 et n° 19-DCC-63 précitées.
8 Id.
9 Id.
10 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 12-DCC-63, n°13-DCC-90, n°14-DCC-173, n° 16 DCC-53 et n° 16-DCC-211
11 Id.
12 Il convient de relever que le fonds de commerce cible détient une part de marché inférieure à 1 % sur les marchés amont de l'approvisionnement au niveau national.