Cass. 1re civ., 28 avril 1986, n° 84-13.753
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Joubrel
Rapporteur :
M. Viennois
Avocat général :
M. Sadon
Avocats :
Me Copper-Royer, SCP Vier et Barthélémy, Me Defrénois
Sur le premier moyen :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, sur la suggestion d'un conseil en investissements privés de la Banque Nationale de Paris (B.N.P.), M.Gaffie a acquis en juillet 1973, par l'intermédiaire de la société de Participation Immobilière (Particim) et au vu d'une étude financière établie par celle-ci, des parts sociales de trois sociétés civiles immobilières, " Le Montcalm ", " Le Magellan " et " Le Rochambeau ", pour une somme de 106.000 francs ; qu'il a donné mandat à la société Particim de contrôler l'exécution de ces programmes immobiliers en prenant la défense de ses intérêts moyennant une commission sur les profits réalisés ; que les investissements se sont révélés déficitaires et que des appels de fonds ont été faits à M.Gaffie ; que, prétendant avoir été trompé lors de ces acquisitions, il a assigné la société Particim et la B.N.P. en réparation de son préjudice ; que par un premier arrêt, devenu irrévocable, du 13 avril 1981, la Cour d'appel a dit que la société Particim et la B.N.P. étaient tenues d'une obligation de moyens à l'égard de M.Gaffie, que la B.N.P. n'avait commis aucune faute dans le choix de la société Particim et a confirmé la mesure d'expertise ordonnée par les premiers juges en vue d'apprécier notamment le préjudice pécuniaire subi par M.Gaffie en fonction de la promesse qui lui avait été faite d'un taux d'intérêt de 15,64 % ;
Attendu que la société Particim reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir déclarée entièrement responsable du préjudice subi par M.Gaffie, alors, selon le moyen, que la Cour d'appel, qui relate que les experts ont relevé que les difficultés du promoteur " cause principale des retards d'exécution des trois programmes... étaient difficilement prévisible en février et juin 1973 ", que les graves erreurs du promoteur et de l'architecte ne pouvaient être " décelées en 1973 ", qu'il " n'était donc pas déraisonnable en février et juin 1973 de conseiller l'investissement dans les trois S.C.I. " et que les pertes de deux d'entre elles étaient en partie dues à un éboulement qui n'avait été prévu par aucun des techniciens, ne pouvait s'abstenir de rechercher la proportion dans laquelle ces évènements extérieurs étaient à l'origine du préjudice, de sorte que la société Particim ne pouvait être condamnée à supporter cette part de préjudice imputable non à sa faute, mais à l'aléa inhérent à toute opération financière ;
Mais attendu que la Cour d'appel énonce, d'abord, que la société Particim, " courtier spécialisé dans les opérations immobilières qu'il présente aux investisseurs privés comme ayant été sélectionnées par ses soins après une étude technique et financière ", n'a pas examiné les contrats de gestion dont bénéficiait le promoteur et " était en proie au doute " ; qu'elle énonce, ensuite, que " le simple examen du montage financier et de la composition de la S.C.I., loin de dissiper ses réserves instinctives, aurait dû la dissuader de proposer ces trois programmes à la clientèle privée que drainait vers elle la B.N.P. " et que " les expert ont démontré que le risque d'aggravation de la charge financière et d'allongement de la durée des travaux était anormalement élevé " ; qu'elle relève, enfin, qu" il aurait dû apparaître initialement à un courtier spécialisé que de nouveaux appels de fonds seraient indispensables rapidement et que les frais financiers s'accroisseraient considérablement " ; que c'est dans l'exercice de leur pouvoir souverain que les juges du second degré ont estimé qu' en l'état du doute qu'elle nourrissait quant aux capacités " du promoteur et au vu de plans financiers " gros de risques exceptionnels ", la société Particim a manqué à son obligation de conseil en sélectionnant les trois programmes immobiliers et en les laissant présenter à M.Gaffie " comme étant parmi les meilleurs sur le marché immobilier en 1973 " et s'est trouvée à l'origine du préjudice de celui-ci ; que par ces motifs, elle a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Particim à rembourser à M.Gaffie la somme de 2.120 francs représentant les frais de dossier, alors, selon le moyen, que le remboursement de cette somme n'ayant jamais été sollicité, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige ;
Mais attendu que le défendeur au pourvoi déclare dans des observations complémentaires renoncer expressément à se prévaloir de cette partie de la décision attaquée ; que celle-ci n'est donc plus de nature à nuire à la société Particim ; qu'il s'ensuit que, faute d'intérêt, le moyen est irrecevable ;
Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est enfin reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Particim à reprendre les parts et comptes courants débiteurs de M.Gaffie dans les S.C.I. " Le Montcalm " et " Le Rochambeau " afin d'assumer pleinement les charges et déficits en qualité d'associé substitué, alors, selon le moyen, d'une part, que M.Gaffie n'ayant sollicité que l'allocation de sommes d'argent, la Cour d'appel ne pouvait statuer ainsi sans méconnaître les termes du litige ; alors, d'autre part, qu'en s'abstenant de provoquer les observations des parties sur le mode de réparation qu'elle envisageait de soulever d'office, elle a violé le principe de la contradiction et alors, enfin, qu'en opérant un transfert de propriété des parts sociales sans l'accord d'aucune des trois parties concernées, elle a violé les articles 1147 et suivants du Code civil ;
Mais attendu que M.Gaffie avait demandé, outre l'allocation de sommes d'argent, que la société Particim soit condamnée à le garantir des conséquences découlant de sa qualité d'associé des S.C.I. " Le Montcalm " et " Le Rochambeau " ; qu'après avoir relevé que les comptes de ces deux S.C.I. n'étaient pas encore liquidés, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de l'étendue du préjudice et des modalités susceptibles d'en assurer la réparation intégrale, que la Cour d'appel a décidé, sans encourir les griefs du moyen, que le mode de réparation le plus adéquat, en ce qui concerne les sociétés précitées, consistait à condamner la société Particim à reprendre les parts et comptes courants de M.Gaffie " qui se trouvait ainsi dégagé des pertes et de la nécessité de répondre aux appels de fond présents et à venir " ; d'où il suit qu'en aucune de ses trois branches, le moyen n'est fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.