ADLC, 23 juin 2021, n° 21-DCC-103
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle conjoint d’un ensemble d'actifs du groupe Agatha par les sociétés Altesse et Thom
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 1er février 2021, déclaré complet le 25 mai 2021, relatif à la prise de contrôle conjoint d’un ensemble d'actifs du groupe Agatha par les sociétés Altesse et Thom, formalisée par les offres de reprise en date du 18 janvier 2021 et du 5 février 2021 et les jugements du tribunal de commerce de Bobigny en date du 26 février 2021;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par les parties notifiantes au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante :
I. LES ENTREPRISES CONCERNÉES
1. Altesse est contrôlée exclusivement par la société Renaissance Luxury Group (ci-après, « RLG »), elle-même ultimement contrôlée par M. Éric Lefranc, qui ne détient pas d’autres participations contrôlantes. Elle conçoit, fabrique et distribue des bijoux en argent, plaqué or, doré et argenté. En France, elle commercialise ses produits sous ses marques propres, « Les Georgettes » et « Saunier ». La marque Les Georgettes propose uniquement des bijoux dits « fantaisie » et la marque Saunier propose uniquement des bijoux non précieux (bijoux en argent et plaqués or). RLG détient également les sociétés Ateliers de Vitré et SMV. La société Ateliers de Vitré, qui possède la marque Texier, fabrique et distribue des produits de maroquinerie. La société SMV fabrique des bijoux en argent et plaqué or, généralement associés à des pierres semi-précieuses ou des pierres synthétiques.
2. Thom est une filiale contrôlée exclusivement par la société Thom Group (ci-après, « TG »), société de tête du groupe éponyme. Ce groupe est actif dans le secteur de la bijouterie et de la joaillerie et distribue des bijoux précieux, des bijoux fantaisie et des produits d’horlogerie. Il est présent en France au travers des enseignes Histoire d'Or, Marc-Orian, TrésOr, J'M et Smizze.
3. Les actifs cibles recouvrent la conception et la vente de bijoux de la marque Agatha, et sont actuellement détenus par les sociétés Seize, Agatha et Agatha Diffusion, lesquelles appartiennent à la société de tête du groupe Agatha. Ils comprennent en particulier un réseau de points de vente au détail, composé de 32 boutiques et de 40 espaces de vente dédiés au sein de grands magasins (« corners ») sur l’ensemble du territoire français.
4. L’opération notifiée est formalisée par les offres en date du 18 janvier 2021 et du 5 février 2021 et les jugements du tribunal de commerce de Bobigny en date du 26 février 2021. Il ressort du protocole de consortium communiqué par les parties que chacun des deux acquéreurs, Altesse et Thom, détiendra 50 % du capital et des droits de vote d’une entreprise commune, au sein de laquelle seront placés les actifs repris. Par ailleurs, la gouvernance de l’entreprise commune sera assurée par un comité de surveillance [confidentiel]. Enfin, le comité [confidentiel]. Compte tenu de ces éléments, il convient de considérer que Thom et Altesse exerceront conjointement un contrôle sur l’entreprise commune gérant les actifs repris.
5. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle conjoint par Altesse et Thom des actifs cibles, l’opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
6. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total hors taxes sur le plan mondial de plus de 75 millions (TG : [≥ 75 millions] d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2019 ; RLG : [≤ 75 millions] d’euros pour le même exercice ; actifs cibles : [≤ 75 millions] d’euros pour le même exercice). Deux au moins des entreprises concernées réalisent en France dans le secteur du commerce de détail un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions d’euros (TG : [≥ 15 millions] d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2019 ; RLG : [≤ 15 millions] d’euros le même exercice ; actifs cibles : [≥ 15 millions] d’euros pour le même exercice).
7. Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au II de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. DÉLIMITATION DES MARCHÉS PERTINENTS
8. Les parties sont simultanément actives dans le secteur de la bijouterie et de l’horlogerie. Dans ce secteur, différentes catégories de marchés sont distinguées : le marché amont de l’approvisionnement (A), les marchés de la distribution en gros (B) et les marchés aval de la distribution au détail (C).
A. LE MARCHÉ DE L’APPROVISIONNEMENT EN BIJOUX
9. S’agissant de la délimitation du marché de produits, l’Autorité a envisagé l’existence d’un marché unique de l’approvisionnement en bijoux comprenant à la fois les articles d’horlogerie, bijouterie, joaillerie et orfèvrerie (ci-après « HBJO ») et de bijouterie fantaisie, tout en laissant la question ouverte1.
10. S’agissant de la délimitation du marché géographique, l’Autorité a retenu une dimension nationale2.
11. Au cas d’espèce, il n’est pas nécessaire de trancher la question de la définition exacte de ce marché, dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées, quelle que soit la délimitation retenue.
B. LES MARCHÉS DE LA VENTE EN GROS DE BIJOUX
12. En matière de distribution, la pratique décisionnelle3 distingue habituellement les marchés de la distribution en gros, où les grossistes vendent des produits à des distributeurs, qui se distinguent des marchés de l’approvisionnement sur lesquels grossistes et entreprises de distribution au détail s’approvisionnent auprès de fabricants. Les marchés de la distribution en gros se distinguent également des marchés de la distribution au détail, situés en aval, sur lesquels des distributeurs vendent des produits aux consommateurs finals.
13. La pratique décisionnelle de l’Autorité a défini des marchés de la distribution en gros de produits de bijouterie et d’horlogerie, de joaillerie et d’orfèvrerie (« HBJO »), hors produits de luxe. Elle a retenu une segmentation par types de produits en distinguant la distribution en gros de
(i) l’horlogerie de petit volume, (ii) la bijouterie précieuse, et (iii) la bijouterie non précieuse4. La pratique a également distingué le marché de la distribution en gros de bijoux fantaisie. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette segmentation en l’espèce.
14. La définition géographique exacte du marché de la vente en gros de bijoux n'a pas été tranchée par l'Autorité (l'analyse ayant été menée à l'échelle mondiale et nationale).
15. En tout état de cause, pour les besoins de la présente opération, la définition exacte du marché pertinent peut être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle restent inchangées, quelle que soit la délimitation retenue.
C. LES MARCHÉS DE LA VENTE AU DÉTAIL DE BIJOUX
1. LES MARCHES DE PRODUITS
16. S’agissant de la distribution au détail de produits HBJO, l’Autorité a distingué les marchés de
(i) l’horlogerie de petit volume (montres et mouvements), (ii) la bijouterie précieuse (bijoux en métaux précieux, empierrés ou non) et (iii) la bijouterie non précieuse (bijoux plaqués de métal précieux ou composé d’un alliage incorporant des métaux précieux)5. Elle a également identifié un marché des bijoux fantaisie, ne contenant ni métal précieux, ni pierres précieuses ou semi- précieuses.
17. La pratique décisionnelle nationale considère que les produits de haute joaillerie, vendues par les entreprises désignées traditionnellement sous la dénomination générique de « Place Vendôme », sont également exclus, en raison notamment de leur prix de vente particulièrement élevé6. La Commission a envisagé, tout en laissant la question ouverte, l’existence d’un marché des montres et bijoux de luxe7.
18. Par ailleurs, l’Autorité a envisagé l’existence d’une segmentation du marché de la distribution au détail de produits d’horlogerie de petit volume, par niveau de prix, en distinguant la vente au détail de montres de moyenne gamme8. À cet égard, l’Autorité a considéré que les montres dites « de luxe », soit d’un prix supérieur à 3 000 euros, n’appartiennent pas au marché de l’HBJO, mais à celui de la haute joaillerie.
19. S’agissant des canaux de distribution de produits de HBJO, l’Autorité a considéré que les bijouteries en ville, les bijouteries de centres commerciaux, les espaces de vente dédiés au sein des grands magasins, les hypermarchés et les grands magasins sont en concurrence, compte tenu des similitudes qui existent entre ces différents formats de vente, en matière d’assortiment de bijoux, de gammes de prix, d’agencement des magasins et d’approvisionnement9.
20. Dans le cadre d'une opération impliquant une entreprise distribuant des bijoux à distance uniquement, l'Autorité s'est également interrogée sur une éventuelle segmentation entre la vente au détail en magasin et la vente à distance10.
21. Il n’y a pas lieu de revenir sur cette pratique décisionnelle à l’occasion de la présente instruction.
2. LES MARCHES GEOGRAPHIQUES
22. S’agissant de marchés de distribution au détail en magasin, la concurrence s’exerce au niveau local, sur des zones de chalandise délimitées en fonction de l’attractivité des points de vente pour les consommateurs. Les magasins cibles sont situés dans ces centres commerciaux ainsi qu’en centre-ville.
23. Conformément à la pratique décisionnelle antérieure, l’analyse sera menée au niveau des centres villes s’agissant des points de vente de la cible situés en centre-ville ainsi que dans des zones de chalandise correspondant à des rayons de 20 et 30 minutes de déplacement en voiture à partir des points de vente cibles, lorsque les points de vente de la cible se situent dans un centre commercial11.
24. Par ailleurs, s’agissant des ventes à distance, l’Autorité a considéré que la vente à distance de bijoux fantaisie revêtait une dimension nationale12. L’analyse sera ainsi menée au niveau national concernant la vente à distance de bijoux.
III. ANALYSE CONCURRENTIELLE
A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX
1. LES MARCHES DE L’APPROVISIONNEMENT EN BIJOUX
25. Les parties font appel à différents offreurs pour leur approvisionnement en bijoux finis. RLG fabrique elle-même la majeure partie des produits dont elle assure la distribution, tandis que les actifs cibles font appel à des fabricants tiers en sous-traitance pour la fabrication des produits qu'ils créent et dont ils assurent ensuite la vente au détail. TG s'approvisionne pour sa part essentiellement auprès de fabricants tiers au niveau mondial, et auprès de grossistes pour les achats auprès d'acteurs français.
26. Les parts d‘achat cumulées des parties auprès des différents types d'offreurs en France n’excèdent pas [5-10] % s’agissant de l’approvisionnement en produits HBJO, quelle que soit la segmentation envisagée, et s’établissent à [0-5] % s’agissant de l’approvisionnement en bijoux fantaisie.
27. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de l’approvisionnement en bijoux.
2. LES MARCHES DE LA VENTE EN GROS DE BIJOUX
28. Sur les différents marchés de la vente gros de bijoux, les parts de marché cumulées de la cible et de TG, d’une part, ou de la cible et de RLG, d’autre part, sont inférieures à [0-5] %.
29. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la vente en gros de bijoux.
3. LES MARCHES DE LA VENTE AU DETAIL DE BIJOUX
a) Analyse au niveau national
30. Les activités des parties se chevauchent uniquement sur les marchés des bijoux non précieux et des bijoux fantaisie, Agatha n’étant pas présente sur le marché des bijoux précieux, et étant présente très marginalement sur le marché de l’horlogerie petit volume13.
31. Au niveau national, s’agissant des ventes en magasin, les parts de marché cumulées de la cible et de TG, d’une part, ainsi que celles de la cible et de RLG, d’autre part, n’excèdent pas [10- 20] % sur le marché des bijoux non précieux, et n’excèdent pas [5-10] % sur le marché des bijoux fantaisie. Par ailleurs, sur chacun de ces deux marchés, les additions de parts de marché sont très limitées, et n’excèdent jamais [0-5] point.
32. S’agissant des ventes à distance, les parts de marché cumulées de la cible et de TG, d’une part, ainsi que celles de la cible et de RLG, d’autre part, n’excèdent pas [10-20] % sur le marché des bijoux non précieux et [5-10] % sur le marché des bijoux fantaisie. Par ailleurs, sur chacun de ces deux marchés, les additions de parts de marché sont très limitées (inférieures à 1 point).
33. Au niveau national, l’opération n’est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur les différents marchés de la vente au détail de bijoux.
b) Analyse au niveau local
34. Au niveau local, l’opération porte sur 72 points de vente Agatha, RLG disposant pour sa part de 55 points de vente et tandis que TG et ses franchisés disposent de 373 points de vente. L’opération entraîne un chevauchement d’activité dans les 72 zones dans lesquelles un magasin Agatha est présent.
35. Sur l’ensemble des zones sur lesquelles il existe un chevauchement d’activité entre la cible et RLG, les parts de marché cumulées de ces dernières sont inférieures à 25 %.
36. Pour ce qui est des zones sur lesquelles il existe un chevauchement d’activité entre la cible et TG, les parts de marché cumulées sont inférieures à 25 % dans 67 des 72 zones14. Dans les cinq autres zones locales (Avignon (84), Brest (29), Melun Sénart (77), Pau Lescar (64) et Roissy Aéroville (95)), et les parts de marchés cumulés de la cible et TG restent mesurées et sont comprises entre [20-30] % et [30-40] %.
37. Dans la zone locale d’Avignon (84), la part de marché cumulée de la cible et de TG n’excède 25 % que sur le marché des bijoux non précieux. Sur ce marché, elle atteint [20-30] %, avec néanmoins une augmentation de part de marché très faible dans la mesure où Agatha ne dispose que d’une part de marché de [0-5] %.
38. Dans la zone locale de Brest (29), la part de marché cumulée de la cible et de TG n’excède 25 % que sur le marché des bijoux non précieux. Sur ce marché, elle atteint [20-30] %, avec néanmoins une faible augmentation de parts de marché ([0-5] points). De plus, dans cette zone, il existe plus de 10 points de vente concurrents, parmi lesquels figurent des grandes enseignes nationales (Swarovski ou Julien D’Orcel par exemple).
39. Dans la zone locale de Pau Lescar (64), les parts de marché cumulées de la cible et de TG excèdent 25 % sur le marché des bijoux non précieux avec [30-40] % ainsi que sur le marché des bijoux fantaisie avec [20-30] %. Sur le marché des bijoux non précieux, les parts de marché de TG et d’Agatha s’établissent respectivement à [20-30] % et à [5-10] %. Sur le marché des bijoux fantaisie, les parts de marché de TG et d’Agatha s’établissent respectivement à [5-10] % et à [10-20] %. Dans cette zone, il existe toutefois plusieurs points de vente concurrents, parmi lesquels 2 grandes enseignes nationales (Pandora et le Manège à bijoux E. Leclerc) et 8 points de vente indépendants.
40. Dans la zone locale de Melun Sénart (77), la part de marché cumulée de la cible et de TG n’excède 25 % que sur le marché des bijoux non précieux. Sur ce marché, elle atteint [30-40] %, avec néanmoins une augmentation de parts de marché faible, dans la mesure où Agatha dispose dans cette zone d’une part de marché de [0+-5] %. De plus, dans cette zone, de nombreux points de vente concurrents sont présents. En effet, il existe deux importants centres commerciaux (Carré Sénart et Évry 2), hébergeant chacun plusieurs grandes enseignes nationales concurrentes (Swarovski, Julien D’Orcel, Pandora, Cléor ou Carador). La zone comprend également une vingtaine de points de vente indépendants.
41. Dans la zone locale de Roissy Aéroville (95), la part de marché cumulée de la cible et de TG n’excède 25 % que sur le marché des bijoux non précieux. Sur ce marché, elle atteint [30-40] %, avec néanmoins une augmentation de parts de marché faible, dans la mesure où Agatha dispose d’une part de marché de [0-5] %. De plus, dans cette zone, il existe un grand nombre de points de vente concurrents appartenant à grandes enseignes nationales (Swarovski, Julien D’Orcel, Pandora, Cléor, Carador le Manège à bijoux E. Leclerc, ou Les nouveaux bijoutiers) et indépendants (près de 25 point de vente).
42. Compte tenu des éléments qui précèdent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur les différents marchés locaux de la vente au détail de bijoux.
B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX
43. En l’espèce, les groupes TG et RLG vendent en gros des bijoux, tandis que la cible commercialise des bijoux. Il y a donc lieu de s’interroger sur l’impact vertical de l’opération.
44. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l’accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l’entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval, ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l’entreprise intégrée refuse d’acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux.
45. Cependant, la pratique décisionnelle considère en principe qu’« il est peu probable qu’une entreprise ayant une part de marché inférieure à 30 % sur un marché concerné puisse verrouiller un marché en aval ou en amont de celui-ci »15.
46. Or, ainsi qu’il apparaît au point 28 de la présente décision, les parts de marché cumulées de la cible et de TG, d’une part, ainsi que celles de la cible et de RLG, d’autre part, sont faibles sur les différents marchés de gros de la distribution (inférieures à [0-5] %).
47. S’agissant des différents marchés de la distribution au détail, les parts de marché cumulées de la cible et de TG, d’une part, ainsi que celles de la cible et de RLG, d’autre part, n’excèdent pas [10-20] % au niveau national, ainsi qu’il apparaît au point 31 de la présente décision. Au niveau local, les parts de marché cumulées de la cible et de TG ou de RLG excèdent 30 % uniquement dans trois zones, tout en restant modérées (en tout état de cause inférieures à [30-40] %). Par ailleurs, dans ces zones, il existe de nombreux distributeurs concurrents, susceptibles de constituer des débouchés alternatifs pour les grossistes de bijoux concurrents des parties. Ainsi, à supposer qu’après l’opération les achats d’Agatha soient internalisés auprès de ses sociétés- mères, une telle situation ne serait pas problématique.
48. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux.
C. ANALYSE DES EFFETS COORDONNES
49. Dans la mesure où l’opération consistant en la prise de contrôle de la cible par les groupes TG et RLG, il convient de déterminer si l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence en raison d’une coordination du comportement de ces deux groupes. Conformément à la pratique décisionnelle de la Commission européenne, reprise par la pratique décisionnelle nationale16, un risque de coordination entre les sociétés mères peut se produire lorsque les trois conditions cumulatives suivantes sont réunies: (i) le risque de coordination doit avoir un lien de causalité direct avec la création de l'entreprise commune, (ii) la coordination doit être suffisamment vraisemblable et (iii) la coordination doit avoir un effet sensible sur la concurrence.
50. Toutefois, un tel risque peut être écarté en l’espèce. En effet, les positions des parties notifiantes sur l’ensemble des marchés analysés sont telles qu’une stratégie de coordination n’aurait pas d’effets sensibles sur la concurrence. Il apparaît que les parts de marché cumulées des parties et de la cible sont inférieures à [10-20] % sur les différents marchés nationaux de la distribution au détail de bijoux, et à 30 % sur l’ensemble des marchés locaux, sur lesquels TG et RLG sont simultanément présents. Par ailleurs, il existe sur ces marchés de nombreux concurrents ayant une présence nationale ainsi qu’une multitude d’opérateurs indépendants. De plus, la dimension locale de ces marchés est de nature à rendre difficile la mise en œuvre d’une coordination des comportements entre les acquéreurs17.
51. L’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets coordonnés.
DÉCIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 21-023 est autorisée.
NOTES :
1 Décisions de l’Autorité n° 10-DCC-140 du 13 octobre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Histoire d’Or Europe SAS et Financière MO Holding SAS par Bridgepoint Capital Group Limited, n° 12-DCC-134 du 20 septembre 2012 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Didier Guérin SAS et Guérin Belle Epine SAS par la Société Anonyme des Galeries Lafayette et n° 19-DCC-136 du 23 juillet 2019 relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Mauboussin et Guérin Joaillerie par le groupe Galeries Lafayette et la société La Compagnie Financière Nemarq & Co.
2 Id.
3 Décision n° 12-DCC-98 du 20 juillet 2012 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Financière TWLC, Swiss Fashion Time, PT Switzerland, PE Time Design, Swiss Watch Group FZCO, Fortune Concept Limited et PT Far East Limited par la société L Capital Management SAS.
4 Id.
5 Id.
6 Lettres du ministre de l’économie du 31 juillet 2002, relative à la fusion entre Guilde des Orfèvres et Bijoutiers de France et décisions n° 10- DCC-140, n° 12-DCC-134 et n° 19-DCC-136 précitées.
7 Décision de la Commission n° COMP/M.9695 – LVMH/Tiffany du 26 octobre 2020.
8 Décisions de l’Autorité n° 03-D-60 du 17 décembre 2003 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’horlogerie de luxe et n° 06-D-24 du 24 juillet 2006 relative à la distribution des montres commercialisées par Festina France et décision n° 12-DCC-98 et n° 19- DCC-136 précitées.
9 Décisions n° 10-DCC-140 et n° 19-DCC-136 précitées.
10 Décision n° 18-DCC-01 du 10 janvier 2018 relative à l’acquisition du contrôle exclusif de la société La Redoute par la société Motier (groupe Galeries Lafayette).
11 Décisions n° 10-DCC-140, n° 12-DCC-134 et n° 19-DCC-136 précitées.
12 Décision n° 18-DCC-01 précitée.
13 Le chiffre d’affaires d’Agatha sur le marché de l’horlogerie petit volume est inférieur à […] millions d’euros.
14 Ces chiffres ne tiennent pas compte des espaces de vente dédiés de concurrents éventuellement présents dans des grands magasins situés dans ces zones, ce qui a pour effet de diminuer les parts de marché des différents concurrents et de surestimer les parts de marché des parties.
15 Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, point 678.
* Rectification d’erreur matérielle.
* Rectification d’erreur matérielle.
16 Voir l’avis du Conseil de la concurrence n° 07-A-09 du 2 août 2007 et les décisions du ministre de l’économie C2007-27 du 28 août 2007 et C2006-45 du 10 août 2006.
17 Voir, en ce sens, le paragraphe 747 des lignes directrices.