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Décisions

Cass. 1re civ., 13 mars 2008, n° 07-13.024

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bargue

Rapporteur :

Mme Marais

Avocat général :

M. Legoux

Avocats :

SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP de Chaisemartin et Courjon

Versailles, du 12 janv. 2007

12 janvier 2007

Donne acte à Mme Camille X... de ce qu'elle se désiste de son pourvoi ;

Attendu que M. Y... a acquis, le 6 juin 1965, dans une galerie d'art, un tableau intitulé "Composition" désigné comme étant de Jean-Michel X..., mort en 1960 ; que souhaitant revendre cette oeuvre il a sollicité de la veuve et de la soeur de l'artiste, Mmes Denise et Camille X..., titulaires du droit moral, la délivrance d'un certificat d'authenticité qui lui a été refusé ; que, de même, M. Z..., auteur en 1996 d'un catalogue raisonné et complet des oeuvres du peintre, lui a fait savoir qu'il n'envisageait pas d'inscrire l'oeuvre dans les futures éditions de son ouvrage, ayant la conviction qu'il s'agissait d'un faux ; que les consorts X... et M. Z... persistant dans leur refus en dépit d'un rapport d'expertise judiciaire concluant à l'authenticité du tableau, M. Y... les a assignés pour les voir condamner à lui délivrer un certificat d'authenticité, à insérer l'oeuvre litigieuse dans les futures éditions du catalogue, et à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de leur refus ; que Denise X... étant décédée au cours de la procédure, Mme Camille X... et M. Z... sont intervenus à l'instance en qualité de légataires universels ; que la cour d'appel de Versailles, statuant sur renvoi après cassation (2° civ., 10 novembre 2005, pourvoi n° K 04-13.618) a dit que l'oeuvre "Composition" était une oeuvre authentique, que le refus des titulaires du droit moral de délivrer un certificat d'authenticité n'était pas constitutif d'un abus de droit, qu'en revanche le seul refus de M. Z... d'envisager d'inclure le tableau litigieux, judiciairement authentifié, dans son prochain catalogue répertoriant l'oeuvre complète de l'artiste disparu était fautif et l'a en conséquence condamné à payer à M. Y... la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts et à procéder à l'insertion du tableau litigieux dans la nouvelle édition du catalogue raisonné, son supplément ou correctif en cours de préparation ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt attaqué de lui avoir enjoint d'insérer l'oeuvre litigieuse dans toute nouvelle publication de son ouvrage, alors, selon le moyen :

1°/ que l'auteur d'un catalogue raisonné sur l'oeuvre d'un peintre ne peut être condamné à insérer dans une prochaine publication un tableau, dont il a l'intime conviction qu'il n'est pas authentique ; qu'une telle publication constitue une atteinte à la liberté d'expression, ne répondant pas aux exigences de légalité, nécessité et proportionnalité résultant des stipulations de l'article 10.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que dès lors en l'espèce, en condamnant M. Z..., auteur d'un catalogue raisonné sur X..., à insérer dans une prochaine publication l'oeuvre litigieuse, la cour d'appel a violé ledit article ;

2°/ qu'une telle condamnation porte également atteinte au droit moral de M. Z..., en sa qualité d'auteur d'un catalogue raisonné sur X... ; que la cour d'appel a en conséquence également violé l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que c'est sans méconnaître les dispositions de l'article 10.2 de la Convention des droits de l'homme ni porter atteinte au droit moral de l'auteur du catalogue dont l'originalité n'est pas contestée, que la cour d'appel a enjoint à M. Z... d'insérer dans les prochaines éditions de son ouvrage ou de ses mises à jour le tableau litigieux en précisant que son authenticité avait été judiciairement reconnue sur la foi d'un rapport d'expertise judiciaire établi, le 3 juillet 2001, par M. André A..., assisté de deux sapiteurs, M. B..., expert scientifique et de Mme C..., expert en graphologie, une telle mesure, qui répond à l'impératif d'objectivité que requiert l'établissement d'un catalogue présenté comme répertoriant l'oeuvre complète d'un peintre, sans pour autant impliquer l'adhésion à cette mention de l'auteur de cet ouvrage, étant nécessaire et proportionnée au but légitimement poursuivi ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Mais sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour condamner M. Z... à payer des dommages-intérêts, l'arrêt énonce que quelle que soit la liberté de présenter dans un ouvrage, selon ses vues, les oeuvres de l'artiste disparu, le cataloguiste répond cependant de ses fautes dans l'exercice de sa mission s'il peut être établi que son choix d'exclure l'oeuvre litigieuse résulte d'une omission volontaire, au mépris d'opinions émanant de personnes qualifiées et reconnues, au point de fournir dans son ouvrage une information non seulement partielle mais partiale ; qu'en l'espèce, l'exclusion du tableau "Composition" ne serait pas conforme à la prétention de M. Z... de définir le catalogue raisonné comme étant la description de l'oeuvre complète d'X... ; que le seul refus opposé par M. Z... d'insérer dans une prochaine publication de son catalogue l'oeuvre litigieuse traduit une légèreté blâmable et est abusive ;

Qu'en statuant ainsi quand la simple déclaration de M. Z... selon laquelle il n'envisageait pas d'insérer, dans de futures publications de son ouvrage, le tableau dont il contestait l'authenticité, ne constituait qu'une simple velléité formulée en défense à l'action exercée à son encontre, soumise à l'appréciation des juges, mais ne permettait pas, à elle seule, de caractériser une abstention fautive, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile, la Cour de cassation étant en mesure de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la troisième branche du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Z... à payer la somme de 20 000 euros à M. Y... à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 12 janvier 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.