Cass. 1re civ., 22 janvier 2014, n° 12-35.264
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charruault
Rapporteur :
Mme Canas
Avocat général :
M. Pagès
Avocats :
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois
Sur le premier moyen, qui est recevable :
Vu l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que la liberté d'expression est un droit dont l'exercice ne revêt un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., propriétaire d'un tableau intitulé « Maison blanche » attribué au peintre Jean Y..., décédé en 1956, en a confié la vente à M. Z..., que celui-ci a sollicité auprès de Mme A..., titulaire du droit moral, la délivrance d'un certificat d'authenticité ainsi que l'inscription de cette oeuvre au catalogue raisonné de l'artiste, en cours d'élaboration par ses soins ; que s'étant heurtés à un refus de sa part, maintenu malgré le rapport de l'expert désigné en référé concluant à l'authenticité du tableau, MM. X... et Z... ont assigné Mme A... pour obtenir réparation de leurs préjudices ;
Attendu que pour condamner Mme A... à payer à M. X... la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts, sauf par elle à délivrer à ce dernier, dans le mois de la signification de la décision, un certificat d'authenticité et à prendre l'engagement de faire figurer le tableau intitulé « Maison blanche » dans le catalogue raisonné des oeuvres de Jean Y..., l'arrêt, par motifs propres et adoptés, après avoir relevé qu'aucun élément objectif et extrinsèque n'était de nature à remettre en cause l'expertise judiciaire concluant à l'authenticité de l'oeuvre en cause, retient que le refus de Mme A... de l'inscrire au catalogue raisonné de l'artiste constitue une légèreté blâmable qui cause à M. X..., propriétaire d'un tableau authentique qui, pourtant, ne figurera pas dans ce catalogue, un préjudice ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le refus de l'auteur d'un catalogue raisonné d'y insérer une oeuvre, fût-elle authentique, ne peut, à défaut d'un texte spécial, être considéré comme fautif, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme A... à payer à M. X... la somme de 30 000 euros, sauf par elle à délivrer à ce dernier, dans le mois de la signification de la décision, un certificat d'authenticité et un engagement de faire figurer le tableau « Maison blanche » dans le catalogue raisonné des oeuvres de Jean Y..., l'arrêt rendu le 12 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.