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Décisions

Cass. 1re civ., 13 février 2007, n° 05-12.016

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ancel

Rapporteur :

Mme Marais

Avocat général :

M. Sarcelet

Avocats :

Me Cossa, SCP Thomas-Raquin et Bénabent

Colmar, du 10 nov. 2004

10 novembre 2004

Attendu que, selon contrat du 22 août 1989 et de plusieurs avenants, M.X..., dessinateur, a cédé à la société manufacture d'impression sur étoffes Beauvillé (ci-après MIE) le droit de reproduire ses dessins de façon exclusive sur le linge de table fabriqué et commercialisé par cette société ; qu'après rupture des relations contractuelles intervenue en décembre 1997, M.X... a, par acte du 28 mars 2002, assigné la société en paiement de dommages-intérêts, lui reprochant d'avoir porté atteinte, à diverses reprises, tant à ses droits patrimoniaux d'auteur qu'à son droit moral ; que M.X... ayant été mis en liquidation judiciaire, la procédure a été poursuivie par Mme Y..., ès qualités de mandataire liquidateur ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M.X... reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société MIE n'avait pas porté atteinte au droit à la paternité de ses oeuvres en omettant ou même en effacant son nom, parfois pour le remplacer par sa propre marque, alors, selon le moyen, que le droit moral de l'auteur, comprenant le droit au respect de son nom, est inaliénable de sorte que toute clause contraire est nulle ; qu'en déclarant " nullement choquante " la clause autorisant la société MIE à omettre ou effacer le nom de M.X... de ses oeuvres pour le remplacer par sa marque, et en lui donnant effet tant que l'auteur n'aurait pas " vainement exigé " le rétablissement de son nom, la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que l'autorisation faite par l'auteur au cessionnaire d'un droit d'exploitation de ne pas mentionner son nom sur les articles reproduisant ses oeuvres n'emporte pas aliénation de son droit de paternité, dès lors qu'il conserve la faculté d'exiger l'indication de son nom ; qu'ayant, par une appréciation souveraine de la clause litigieuse, relevé que M.X... avait autorisé la société MIE à ne pas faire figurer son nom sur les produits fabriqués et commercialisés sous la marque " Beauvillé " et que cette autorisation n'était pas définitive puisqu'il avait conservé la faculté d'exiger, à tout moment, que son nom fût mentionné, la cour d'appel a jugé à bon droit que cette clause qui n'emportait pas aliénation du droit de paternité, était valable et ne portait pas atteinte au droit moral de l'auteur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M.X... reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes tendant à rétablir l'assiette de calcul des droits proportionnels d'auteur amputés à tort des commission versées par la société MIE alors, selon le moyen, qu'il résulte des dispositions impératives de l'article L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle que la participation de l'auteur aux recettes doit être calculée en fonction du prix de vente au public, sans pouvoir subir de déduction quelconque ; que la clause prévoyant une telle déduction doit être réputée non écrite et ne peut recevoir aucune application ; qu'après avoir expressément admis " l'illégalité de la clause ", la cour d'appel ne pouvait rejeter la demande en paiement des redevances illégalement éludées – demande soumise à la seule prescription de droit commun de toute action en paiement – sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que les dispositions impératives de l'article L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle ont été prises dans le seul intérêt patrimonial des auteurs, de sorte que leur violation ne donne lieu qu'à une nullité relative, d'où la cour d'appel a justement déduit que l'action intentée par M.X... était prescrite en vertu de l'article 1304 du code civil ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, tel qu'énoncé au mémoire en demande :

Attendu que dès lors que l'adage " nul ne peut se constituer de preuve à lui-même " n'est pas applicable à la preuve des faits juridiques, le moyen qui ne tend sous couvert de griefs non fondés de la violation de la loi qu'à contester l'appréciation souveraine des éléments de preuve par les juges du fond relatives à l'identité des produits référencés de manière différente pour l'exportation, ne peut être accueilli ;

Sur le cinquième moyen, pris en ses deux branches, tel qu'énoncé au mémoire en demande :

Attendu que sous couvert de griefs non fondés d'un manque de base légale, la première branche ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine des éléments de preuve par les juges du fond qui ont estimé que la participation de la société MIE aux faits de contrefaçon commis par la société Villeroy et Boch n'était pas établie ;

Qu'en sa seconde branche le moyen manque en fait, la cour d'appel n'ayant pas rejeté l'action en contrefaçon dirigée à l'encontre de la société MIE en raison de la transaction intervenue entre le dessinateur et la société Villeroy et Boch mais en raison de sa non participation directe aux faits dénoncés ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 2277 du code civil ;

Attendu qu'en vertu de ce texte, la prescription quinquennale ne s'applique pas lorsque la créance même périodique dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui, en particulier, doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire ;

Attendu que pour limiter à la période postérieure au 28 mars 1997 le calcul des redevances proportionnelles dues au titre de l'exploitation des torchons référencés " Louise " et " Griottes ", l'arrêt énonce que la société MIE s'étant obligée à ce titre à payer une rente trimestrielle, l'action en paiement ouverte à l'auteur s'est prescrite par cinq ans conformément à l'article 2277 du code civil, qu'en conséquence Mme Y... ne pouvait réclamer le paiement de la redevance proportionnelle éludée que sur les ventes réalisées postérieurement à cette date ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait par ailleurs que les redevances éludées dépendaient des ventes réalisées par la société et que les décomptes adressés par celle-ci à l'auteur ne portaient pas mention des produits concernés, faisant ainsi ressortir que ce dernier n'avait pas eu connaissance des éléments dont dépendait sa créance, la cour d'appel a violé, par fausse application le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la première branche du quatrième moyen :

CASSE et ANNULE, mais seulement en ses dispositions ayant limité à la période postérieure au 28 mars 1997 le calcul des redevances proportionnelles dues au titre des torchons " Louise " et " Griottes ", l'arrêt rendu, le 10 novembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar, autrement composée.