Cass. 3e civ., 29 juin 2022, n° 21-17.919
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
Mme Brun
Avocats :
SARL Le Prado - Gilbert, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Ohl et Vexliard
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 1er avril 2021), la société Solage, constituée par les associés du groupement foncier agricole La Pouyade (le GFA), a, en qualité de maître de l'ouvrage, confié à la société Inovasol, désormais en liquidation judiciaire, assurée auprès de la société SMA, des travaux d'installation de capteurs photovoltaïques sur deux bâtiments d'exploitation agricole appartenant au GFA, assurés auprès de la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Centre Atlantique-Groupama Centre Atlantique (la société Groupama).
2. La société Inovasol a sous-traité la pose des panneaux solaires à la société Le Guelvel construction (la société Le Guelvel), assurée en responsabilité civile auprès de la SMABTP et en responsabilité décennale auprès de la société SMA, puis de la société Axa France IARD (la société Axa), et les travaux d'installation électrique à la société Morellec, assurée auprès de la société Axa, puis de la SMABTP.
3. Un procès-verbal de réception sans réserve a été établi le 28 janvier 2011.
4. Le 19 septembre 2012, un incendie a détruit les deux bâtiments qui supportaient les installations.
5. Par protocole transactionnel du 24 janvier 2014, la société Groupama s'est engagée à indemniser la société Solage et le GFA de leurs préjudices matériels et de perte d'exploitation.
6. La société Solage et le GFA ont, après expertise, assigné les intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs en réparation.
7. La société Groupama est intervenue volontairement à l'instance pour exercer ses recours au titre des indemnités versées à ses assurés.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, sur les deuxième, troisième et quatrième moyens du pourvoi principal et sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi incident, ci-après annexés
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
9. La société Groupama fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son intervention volontaire et en ses demandes, alors « que la subrogation conventionnelle de l'assureur dans les droits de l'assuré résulte de la volonté expresse de ce dernier, manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement reçu de l'assureur ; qu'en écartant toute concomitance entre les paiements opérés par Groupama Centre-Atlantique et la subrogation, au regard de la seule quittance subrogative émise le 1er novembre 2014, sans rechercher si le protocole d'accord passé le 24 janvier 2014, antérieurement aux règlements opérés par l'assureur, ne prévoyait pas une telle subrogation au profit de Groupama Centre-Atlantique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1250 du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016. »
Réponse de la Cour
10. La cour d'appel, devant laquelle la société Groupama ne se prévalait pas d'une subrogation résultant du protocole d'accord du 24 janvier 2014, a relevé qu'il ressortait de la quittance subrogative établie le 1er novembre 2014, seule invoquée, que les règlements d'indemnités étaient intervenus du 24 janvier 2013 au 13 octobre 2014, pour le plus tardif.
11. Elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, qu'à défaut de concomitance entre les paiements et la quittance subrogative, les conditions de mise en oeuvre de la subrogation conventionnelle n'étaient pas réunies.
12. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident
Enoncé du moyen
13. La société SMA fait grief à l'arrêt de la condamner, en sa qualité d'assureur de la société Inovasol, à payer à la société Solage une certaine somme à titre de réparation, alors « que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectent dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ; que la cour d'appel a affirmé qu'il ressortait du rapport de l'expert judiciaire que l'incendie avait « bien trouvé son origine dans l'installation photovoltaïque » ; qu'en se fondant ainsi sur la seule circonstance que l'incendie aurait eu pour siège l'installation photovoltaïque, pour retenir la responsabilité décennale de la société Innovasol, quand elle constatait par ailleurs que « l'expert [n'avait] pu déterminer le processus ayant conduit à l'embrasement », ce dont il résultait que la cause de l'incendie restait inconnue, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que l'incendie aurait été en lien avec un vice affectant l'installation photovoltaïque dont la réalisation avait été confiée à la société Innovasol, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et elle a violé l'article 1792 du code civil. »
Réponse de la Cour
14. La cour d'appel, qui a énoncé, à bon droit, que la présomption de responsabilité de l'article 1792 du code civil suppose que soit établi un lien d'imputabilité entre le dommage constaté et l'activité du locateur d'ouvrage, sauf la faculté pour celui-ci de s'en exonérer en établissant la preuve d'une cause étrangère, a souverainement retenu que l'incendie qui avait détruit les bâtiments avait trouvé son origine dans l'installation photovoltaïque que la société Inovasol avait été chargée de réaliser, même si la destruction de l'ouvrage et la dispersion des composants ne permettaient pas de déterminer le processus ayant conduit au sinistre.
15. Elle a pu en déduire que, en l'absence de cause étrangère établie, la responsabilité décennale de l'assurée de la société SMA se trouvait engagée et condamner, en conséquence, celle-ci à garantie.
16. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois.