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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 28 avril 2022, n° 21/03119

DOUAI

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Métropole Travaux Publics (Sté)

Défendeur :

Vilogia (SA), Matériel Travaux et Matériaux (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bedouet

Conseillers :

Mme Cordier, Mme Fallenot

Avocats :

Me Bessonnet, Me Vercaigne, Me Lorthiois

T. com. Lille Métropole, du 24 mai 2021,…

24 mai 2021

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Métropole Travaux Publics (ci-après nommée la société MTP) a été attributaire d'un marché de travaux de voiries et réseaux divers pour le compte de la société Vilogia, en vue de l'aménagement de la ZAC Vallée II, située à Hem. La maîtrise d'oeuvre était assurée par la société Verdi Ingénierie.

La société MTP a sous-traité la fourniture et la pose d'enrobés à la société Matériel Travaux et Matériaux (ci-après nommée la société MTM).

Par acte d'huissier du 17 mai 2019, la société MTM a assigné la société Vilogia devant le tribunal de commerce de Lille Métropole aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 20 772,80 euros en principal, majorée des intérêts, ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par acte d'huissier en date du 12 mars 2020, la société MTM a assigné la société MTP en intervention forcée, aux fins de la voir condamner solidairement avec la société Vilogia au paiement de sa facture.

Par jugement rendu le 27 mai 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a statué en ces termes :

DIT RECEVABLE mais mal fondée l'exception d'incompétence soulevée par la société VILOGIA,

SE DECLARE COMPETENT,

CONDAMNE la société VILOGIA à payer à la société MTM la somme de 20 772,80 € TTC outre les intérêts de droit à compter du 1er août 2019

CONDAMNE la société MTP à garantir la société VILOGIA des sommes mises à sa charge au profit de la société MTM,

CONDAMNE solidairement la société VILOGIA et la société MTP à payer à la société MTM la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

PRONONCE l'exécution provisoire de la présente décision,

CONDAMNE solidairement la société VILOGIA et la société MTP aux entiers frais et dépens à la somme de 94.36 euros (en ce qui concerne les frais de Greffe).

Par déclaration du 7 juin 2021, la société Métropole Travaux Publics a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a : condamné la société MÉTROPOLE TRAVAUX PUBLICS (MTP) à garantir la société VILOGIA des sommes mises à sa charge au profit de la société MTM ; condamné solidairement la société VILOGIA et la société MÉTROPOLE TRAVAUX PUBLICS (MTP) à payer à MTM la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; condamné solidairement la société VILOGIA et la société MÉTROPOLE TRAVAUX PUBLICS aux entiers frais et dépens.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions régularisées par le RPVA le 4 janvier 2022, la société Métropole Travaux publics demande à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société MÉTROPOLE TRAVAUX PUBLICS à garantir la société VILOGIA des sommes mises à sa charge au profit de MTM

- condamné solidairement la société VILOGIA et la société MÉTROPOLE TRAVAUX PUBLICS à payer à MTM la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamné solidairement la société VILOGIA et la société MÉTROPOLE TRAVAUX PUBLICS aux entiers frais et dépens

Débouter la société VILOGIA et la société MTM de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société MÉTROPOLE TRAVAUX PUBLICS

Condamner VILOGIA à payer à la société MTM la somme de 20 772.80 euros avec les intérêts de droit à compter du 1er août 2019

Condamner la société VILOGIA à garantir la société MÉTROPOLE TRAVAUX PUBLICS de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Condamner la société VILOGIA à payer à la société MÉTROPOLE TRAVAUX PUBLICS le solde de sa facture à hauteur de 6109.60 euros

A titre subsidiaire : condamner la société VILOGIA à payer à la société MÉTROPOLE TRAVAUX PUBLICS sa facture d'un montant de 26 882.40 euros et ordonner la compensation entre cette somme et celles qui seraient dues par la société MÉTROPOLE TRAVAUX PUBLICS au titre de la garantie

Condamner solidairement la société MTM et VILOGIA à payer à la société MÉTROPOLE TRAVAUX PUBLICS la somme de 5 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Condamner la société MTM et la société VILOGIA aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Y X Z, avocat au Barreau de Lille.

La société MTP affirme qu'elle justifie, par les pièces versées aux débats, avoir adressé à la société Vilogia le dossier complet de déclaration de sous traitance, suivant bordereau d'envoi en date du 11 septembre 2015 et mail de même date, conformément à la règle applicable aux marchés privés de travaux (article 4.4 de la norme P03.001). L'absence de réaction de la société Vilogia vaut acceptation tacite du sous traitant. D'ailleurs, le refus de paiement de la facture de la société MTM ne repose pas sur le non agrément de cette dernière mais sur la qualité de ses prestations.

La société Vilogia était parfaitement informée des sommes dues à la société MTM, dès le 16 novembre 2015. En toute hypothèse, la société MTM lui a adressé directement sa facture lors de sa demande de paiement direct.

La condamnation solidaire de la société MTP et de la société Vilogia et la condamnation de la société MTP à garantir la société Vilogia prononcées par les premiers juges ne reposent sur aucun fondement juridique. La finalité de la procédure de paiement direct, pour les marchés privés, consiste à permettre au sous-traitant d'être rémunéré directement par le maître d'ouvrage.

La société Vilogia estime qu'elle est en droit de refuser le paiement direct dans la mesure où les travaux d'enrobés effectués par la société MTM ne satisfaisaient pas à des essais de compactage. Cependant, ces essais n'ont pas été communiqués aux débats. En outre, aucune action n'a été entreprise dans le délai légal de sorte que toute demande à ce titre est aujourd'hui prescrite.

En tout état de cause, le maître d'ouvrage, qui connaît l'existence d'un sous-traitant mais qui, en violation de ses obligations édictées par l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, s'abstient de mettre en demeure l'entrepreneur principal de le lui présenter en vue de son acceptation et de l'agrément de ses conditions de paiement, commet une faute engageant sa responsabilité quasi délictuelle et est tenu de réparer le préjudice subi par ce sous-traitant. Dès lors, la société MTM est parfaitement fondée à demander à être indemnisée par la société Vilogia, à hauteur de la somme de 20 775,80 euros.

Le refus de la société Vilogia de régler la société MTM n'apparaissant pas fondé, la société MTP maintient sa demande de garantie à l'égard de la société Vilogia pour toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

En complément de cette demande et conformément à l'article 566 du code de procédure civile, la société MTP se dit bien fondée à solliciter le paiement du solde de sa situation n°21 d'un montant de 6 109,60 euros, présentée à la société Verdi Ingénierie et refusée par cette dernière par courriel du 18 novembre 2015. Aucune prescription ne saurait être retenue. S'agissant d'un marché global et forfaitaire, l'obligation au paiement du maître de l'ouvrage prend naissance au moment où le marché a été exécuté, soit en l'espèce le 31 décembre 2017, date prévue pour l'achèvement des travaux. La demande a bien été présentée dans le délai de 5 ans à compter de cette date.

Si par extraordinaire, la cour estimait devoir confirmer le jugement sur la garantie de la société MTP à l'égard de la société Vilogia, il conviendrait de condamner cette dernière à lui payer sa facture d'un montant de 26 882,40 euros et d'ordonner la compensation entre ces sommes.

Par conclusions régularisées par le RPVA le 7 janvier 2022, la société Vilogia demande à la cour de :

Infirmer le jugement du 27 mai 2021 en ce qu'il a condamné la société VILOGIA à payer à la société MTM la somme de 20 772,80 € avec les intérêts outre la somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles et les dépens.

Statuant à nouveau :

- Juger que la société MTM ne justifie pas avoir obtenu de la part de la société VILOGIA son acceptation et l'agrément de ses conditions de paiement.

- Juger dès lors que la société MTM est mal fondée à se prévaloir de la procédure du paiement direct.

Subsidiairement,

- Juger que la société MTM ne justifie pas avoir adressé à la société VILOGIA sa facture impayée du 31 octobre 2015.

Plus subsidiairement,

- Juger la société VILOGIA bien fondée à refuser le paiement direct des prestations de la société MTM, celles-ci étant non conformes aux stipulations du marché de la société MTP et ayant fait l'objet de réserves à la réception des travaux de la société MTP.

Encore plus subsidiairement,

- Juger que la société VILOGIA n'a commis aucune faute quasi délictuelle envers la société MTM.

En conséquence,

- Débouter la société MTM de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société VILOGIA.

- Dire irrecevables les demandes de condamnation en paiement des factures de la société MTP à l'encontre de la société VILOGIA.

Subsidiairement,

- Les déclarer prescrites.

Plus subsidiairement,

- Juger la société MTP mal fondée en raison du caractère forfaitaire de son marché.

- Débouter la société MTP de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Débouter la société MTP de sa demande de garantie à l'encontre de la société VILOGIA.

Confirmer le jugement pour le surplus.

- Condamner la société MTM et la société MTP, in solidum, à payer à la société VILOGIA une somme globale de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamner la société MTP aux dépens.

La société Vilogia reproche au tribunal de commerce de ne pas avoir pas répondu à son argumentation selon laquelle la société MTM ne produisait pas la déclaration de sous traitance devant être régularisée entre le titulaire du marché et le sous-traitant, signée par elle, conformément à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975. En effet, le titulaire du marché n'est autorisé à sous-traiter l'exécution de certaines prestations qu'à la condition d'avoir obtenu du maître de l'ouvrage l'acceptation des sous-traitants et l'agrément de leurs conditions de paiement. Ces deux formalités doivent être simultanément réunies pour que la sous traitance soit considérée comme régulière. Seul le sous-traitant accepté par le maître d'ouvrage et dont les conditions de paiement ont été agréées par celui-ci peut bénéficier du droit au paiement direct des prestations qu'il a exécutées.

La société MTP indique dans ses conclusions d'appelante que le silence de la société Vilogia pendant 21 jours à compter de la réception de la déclaration de sous traitance valait automatiquement acceptation tacite du sous-traitant. Il s'agit cependant là de l'application des règles d'un marché public de travaux. Or si la société Vilogia, en tant que bailleur social, est soumise au droit de la commande publique, il n'en demeure pas moins que ses contrats restent soumis aux règles des marchés privés, les travaux réalisés n'étant pas des travaux publics.

En tout état de cause la société MTM n'a pas respecté la procédure du paiement direct. En effet, elle ne justifie pas lui avoir adressé, en même temps que sa demande de paiement direct, la copie de sa facture impayée de telle sorte qu'elle n'a pas pu avoir connaissance du solde des travaux restant dû au sous-traitant.

Malgré l'absence de lien contractuel entre le maître d'ouvrage et les sous-traitants, la jurisprudence considère que le maître d'ouvrage, dans le cadre de la demande de paiement direct, est fondé à contrôler l'effectivité des prestations réalisées par le sous-traitant ainsi que la conformité de ses prestations aux exigences prévues par le marché public. En l'espèce, l'ensemble des enrobés a été refusé. La société Vilogia est donc en droit de refuser le paiement direct des travaux réclamés par la société MTM.

A tort, le tribunal de commerce a tenu la responsabilité de la société Vilogia sur le fondement de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975. Certes, l'absence d'acceptation ou d'agrément ouvre un recours en responsabilité quasi délictuelle au sous-traitant direct à l'encontre du maître d'ouvrage, mais à condition de prouver que le défaut d'acceptation provient d'une abstention fautive de ce dernier. Il est donc nécessaire à la société MTM d'apporter la preuve de ce que le maître d'ouvrage était conscient de sa présence sur le chantier sans être agréée, ce qui n'est pas le cas.

La société MTP ne démontre aucune faute de la part de la société Vilogia, dans ses rapports avec elle, et doit donc être déboutée de sa demande de garantie.

En outre, sa demande en paiement de la somme de 6 109,60 euros HT, correspondant à sa facture du 3 juin 2021, n'est justifiée par aucune pièce, et sa demande en paiement de la somme de 26 882,40 euros HT fait double emploi avec la facture de la société MTM du 31 octobre 2015, objet de sa demande en paiement. Il s'agit de demandes nouvelles qui sont irrecevables au sens de l'article 564 du code de procédure civile, car elles ne constituent pas des demandes accessoires, complémentaires ou qui seraient la conséquence des prétentions soumises aux premiers juges. De plus, ces demandes se heurtent à la prescription quinquennale. Enfin, le marché de la société MTP était forfaitaire et global de telle sorte qu'elle est mal fondée, en dehors du bouleversement de l'économie du contrat, à demander le paiement de prestations complémentaires.

La société MTP reste débitrice des sommes dues à son sous-traitant. Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée à garantir la société Vilogia des sommes dues à la société MTM.

Par conclusions régularisées par le RPVA le 7 janvier 2022, la société Matériel Travaux et Matériaux demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 6 et 8 de la loi du 31 décembre 1975,

Vu les dispositions des articles 1103, 1104 et 1193 du code civil

Vu les dispositions des articles 696 et 700 du Code de procédure civile.

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a :

- Déclaré recevable mais mal fondée l'exception d'incompétence soulevée par la société VILOGIA,

- Condamné la société VILOGIA à payer à la société MTM la somme de 20.772,80 € TTC.

- Condamné solidairement la société VILOGIA et la société MTP à payer à la société MTM la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Prononcé l'exécution provisoire,

- Condamné solidairement la société VILOGIA et la société MTP aux entiers dépens.

REFORMER le jugement en ce qu'il n'a pas :

- Condamné la société MTP à payer à la société MTM la somme de 20.772,80 €.

En conséquence, statuant de nouveau :

CONDAMNER solidairement la société VILOGIA et la société MTP à payer à la société MTM la somme de :

- la somme de 20.772,80 € avec les intérêts de droit à compter du jour de la lettre recommandée avec A. R. valant mise en demeure d'avoir à payer, en date du 1er aout 2019,

- la somme de 5.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

DÉBOUTER les sociétés VILOGIA et MTP de l'ensemble de leurs demandes présentées à l'encontre de la société MTM.

CONDAMNER solidairement les société VILOGIA et MTP au paiement en tous les frais et dépens de première instance et d'appel.

La société MTM argue que la demande d'agrément a été régularisée auprès de la société Vilogia le 11 septembre 2015 par mail et par télécopie. Il est de jurisprudence constante que l'agrément du sous-traitant peut être tacite. Plusieurs pièces versées aux débats établissent que le maître d'ouvrage avait d'une part connaissance de l'intervention de la société MTM et d'autre part, connaissance de sa qualité de sous-traitant de la société MTP, et qu'il avait accepté sa présence sur le chantier sans formuler la moindre remarque à ce sujet. Les seules observations émises l'ont été sur la qualité des travaux réalisés.

Il est tout aussi démontré que la société Vilogia avait parfaitement connaissance du solde dû. Elle ne peut donc se cacher derrière une prétendue ignorance pour tenter de justifier son refus de paiement.

Elle ne peut pas davantage alléguer de non-conformités qui ne sont pas prouvées.

La facture qu'elle a émise pour le travail qu'elle a accompli a été expressément acceptée par la société MTP. Le maître d'ouvrage est donc tenu de procéder à son paiement.

Subsidiairement, s'il était considéré que la procédure de paiement direct ne peut pas être mise en oeuvre, la société MTM se prévaut de l'application de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 pour soutenir que la société Vilogia engage sa responsabilité délictuelle à son égard, puisqu'elle avait bien connaissance de son intervention. En ne respectant pas ses obligations, la société Vilogia a fait perdre une chance à la société MTM d'être agréée et de bénéficier ainsi du paiement direct.

La mise en oeuvre d'un paiement direct du sous-traitant par le maître de l'ouvrage n'a pas pour effet de décharger l'entrepreneur principal de son obligation contractuelle au paiement des travaux réalisés. La société Métropole Travaux Publics doit donc être condamnée solidairement avec la société Vilogia à payer le solde du marché de la société MTM. Au surplus, en ne présentant pas la société MTM à l'agrément, la société MTP a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard de son sous-traitant. Cette faute cause un préjudice certain à la société MTM puisqu'elle a pour effet direct de la priver d'une rémunération certaine.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 janvier 2022.

SUR CE :

Au préalable, il convient de souligner qu'il n'y a pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à 'dire et juger que...', telles que figurant dans le dispositif des conclusions de la société Vilogia, lorsqu'elles portent sur des moyens ou des éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de la décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.

Il sera encore observé à toutes fins utiles que les parties n'ont pas fait appel du chef du jugement querellé ayant retenu la compétence de la juridiction commerciale, après avoir rappelé que la société Vilogia est une société anonyme d'HLM de droit privé et constaté que le cahier des clauses administratives particulières du marché se référait expressément à la norme française P03.001 de décembre 2000 applicable aux travaux de bâtiment faisant l'objet de marchés privés.

I - Sur la demande en paiement présentée par la société MTM

Aux termes de l'article 1 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975, la sous traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant, l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage.

Aux termes de l'article 3 de cette même loi, l'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande.

Lorsque le sous-traitant n'aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous traitance à l'encontre du sous-traitant.

Aux termes de son article 5, sans préjudice de l'acceptation prévue à l'article 3, l'entrepreneur principal doit, lors de la soumission, indiquer au maître de l'ouvrage la nature et le montant de chacune des prestations qu'il envisage de sous-traiter, ainsi que les sous-traitants auxquels il envisage de faire appel.

Aux termes de son article 6, le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution.

Aux termes de son article 8, l'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation.

Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées.

En l'espèce, il est établi par les pièces versées aux débats que la société MTP, chargée des travaux relatifs au lot VRD du marché conclu avec la société Vilogia, a souhaité sous-traiter la fourniture et la mise en oeuvre d'enrobés à la société MTM.

Elle démontre avoir adressé à la société Vilogia, par un mail du 11 septembre 2015 doublé d'un courrier, sa demande d'agrément, précisant l'identité du sous-traitant proposé, la nature des prestations dont la sous traitance était envisagée, et les modalités de paiement, à savoir la mise en place d'un paiement direct en lieu et place d'un paiement par l'entrepreneur principal, sur la base d'un devis n°15434 d'un montant de 85 398,40 euros HT indiquant les modalités de variation des prix indiqués.

La société MTM lui ayant envoyé pour paiement direct sa facture n°150763 datée du 31 octobre 2015 d'un montant de 20 772,80 euros pour les travaux de voierie réalisés les 2, 8 et 13 octobre 2015, la société MTP a émis, le 13 novembre 2015, une facture n°2015-11-5025 intitulée « Acompte 21 » d'un montant de 100 266,05 euros HT à destination de la société Verdi Ingénierie, et le 16 novembre 2015, un document intitulé « Autorisation de prélèvement pour les sous-traitants en paiment direct » pour un montant de 20 772,80 euros, au profit de la société MTM en qualité de sous-traitant.

Par mail en réponse du 18 novembre 2015, adressé en copie à la société Vilogia, la société Verdi Ingénierie a refusé le paiement en ces termes : « J'ai bien reçu votre situation de travaux n°21, que je ne peux pas valider. Cette facture reprend la mise en oeuvre des enrobés à la société MTM, que je ne valide pas compte tenu des essais réalisés non conforme à la norme. Afin de ne pas bloquer tous les paiements, merci de la refaire, sans les enrobés et couche de cure accrochage. »

Un débat s'est ensuite élevé entre le maître d'oeuvre, la société MTP et la société MTM, cette dernière remettant en cause la formule de compactage prévue par le CCTP, mise en oeuvre par ses soins.

Faute de règlement, la société MTM a ré adressé sa facture à la société MTP par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 juillet 2018, avant d'actionner en paiement direct le maître d'ouvrage par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er août 2018 en lui adressant copie de sa réclamation à l'entrepreneur principal.

Ces éléments établissent que la société Vilogia a été informée, dès le 11 septembre 2015, de l'intervention de la société MTM en qualité de sous-traitant et de ses conditions de paiement, qu'elle a tacitement mais sans équivoque acceptées. Il sera observé à cet égard qu'elle n'a ni refusé la demande d'agrément qui lui a été faite et les modalités de paiement proposées, ni émis ensuite la moindre réserve quant à sa présence sur le chantier, et notamment lorsqu'elle était avisée des critiques formulées sur la qualité de ses prestations.

Enfin, contrairement à ce qu'elle allègue, elle a eu connaissance de sa facture impayée, jointe en copie à la lettre recommandée avec accusé de réception que lui a adressée la société MTM le 1er août 2018, à réception de laquelle la société Vilogia n'a émis aucune contestation notamment quant à l'absence de la pièce jointe indiquée.

Les conditions du paiement direct du sous-traitant par le maître d'ouvrage sont donc réunies.

L'ensemble des contestations élevées par ce dernier sont inopérantes, la société Vilogia ne justifiant par aucune pièce des non-conformités qu'elle allègue, le procès-verbal de réception avec réserves daté du 20 janvier 2016 produit aux débats n'étant au surplus revêtu d'aucune signature.

La décision entreprise doit donc être confirmée en ce qu'elle l'a condamnée à payer la somme de 20 772,80 euros à la société MTM, avec intérêts légaux à compter du 1er août 2019, les parties persistant à hauteur d'appel à s'accorder sur cette date et la cour ne pouvant statuer ultra petita.

La mise en oeuvre de la procédure de paiement direct par le maître d'ouvrage ne faisant pas disparaître le contrat de sous traitance, elle laisse au sous-traitant la faculté d'agir contre l'entrepreneur principal.

En conséquence, la société MTM doit donc être accueillie en sa demande tendant à obtenir la condamnation solidaire de la société MTP avec la société Vilogia à lui régler cette somme.

La décision entreprise doit être réformée en ce sens.

Elle doit par ailleurs être infirmée en ce qu'elle a condamné la société MTP à garantir la société Vilogia de cette condamnation, et à l'inverse, la société MTP doit être accueillie en sa demande tendant à obtenir la garantie de la société Vilogia, cette dernière ayant failli en son obligation de paiement direct.

II ' Sur la demande en paiement présentée par la société MTP

En application des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

A - Sur la recevabilité

1) Sur le caractère nouveau à hauteur d'appel

Aux termes des dispositions des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou la révélation d'un fait. Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. Les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.

En l'espèce, la demande de la société MTP porte sur « le paiement du solde de la situation 21 d'un montant de 6 109.60 euros, présentée au cabinet VERDI et refusé par ce dernier par courriel du 18 novembre 2015 » qui « complète les prétentions de la société MTM ».

Cette demande, qui se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant, doit être qualifiée de demande reconventionnelle au sens de l'article 64 du code de procédure civile. Elle doit donc être déclarée recevable.

2) Sur la prescription

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, la société MTP sollicite le règlement de sa facture intermédiaire du 13 novembre 2015, en se prévalant du caractère forfaitaire et global du marché et d'un délai d'achèvement des travaux prévus au 31 décembre 2017.

La société Vilogia, qui excipe de la prescription de cette demande en paiement, s'abstient de produire les conditions de règlement des travaux confiés et ne justifie même pas de leur réception.

Elle ne rapporte donc pas la preuve qui lui incombe des faits nécessaires au succès de sa prétention.

La demande sera donc déclarée recevable.

B - Sur le fond

C'est à bon droit que la société Vilogia reproche à la société MTP de ne justifier par aucune pièce de la somme de 6 109,60 euros HT réclamée, aucun des éléments produits à la procédure n'établissant que « ce montant ajouté à la facture de MTM correspond au prix des travaux d'enrobés tels qu'ils ont été évalués lors de la signature du marché, pour les secteurs concernés », étant souligné la particulière légèreté probatoire des parties dans le cadre de la présente instance.

La société MTP doit donc être déboutée de sa demande en paiement de ce chef.

Il n'y a par ailleurs pas lieu de statuer sur sa demande en paiement de la somme de 26 882,40 euros, présentée à titre uniquement subsidiaire « si par extraordinaire la cour estimait devoir confirmer le jugement sur la garantie de la société MTP à l'égard de la société Vilogia ».

III ' Sur les demandes accessoires

A - Sur les dépens

Aux termes des articles 696 et 699 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.

L'issue du litige justifie de condamner la société Viologia aux dépens d'appel et de première instance. La décision entreprise sera réformée de ce chef.

En conséquence, il convient d'accorder à Maître Y X Z le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision.

B - Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l'article 700 du Code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a condamné la société MTP à payer à la société MTM la somme de 2 000 euros solidairement avec la société Viologia au titre au titre de ses frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Vilogia, tenue aux dépens d'appel, sera condamnée à verser à la société MTM et à la société MTP la somme de 5 000 euros chacune au titre de leurs frais irrépétibles d'appel, et déboutée de sa propre demande de ce chef. Les sociétés MTM et MTP seront déboutées de leurs demandes plus amples formulées l'une envers l'autre.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de la dévolution,

Confirme le jugement rendu le 27 mai 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole en ce qu'il a :

- condamné la société Vilogia à payer à la société MTM la somme de 20 772,80 euros TTC outre les intérêts de droit à compter du 1er août 2019 ;

- condamné la société Vilogia à payer à la société MTM la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société Vilogia aux dépens ;

L'infirme pour le surplus, et y ajoutant,

Condamne la société MTP in solidum avec la société Vilogia à payer à la société MTM la somme de 20 772,80 euros TTC outre les intérêts de droit à compter du 1er août 2019 ;

Condamne la société Vilogia à garantir la société MTP de cette condamnation ;

Déclare recevable mais mal fondée la demande en paiement présentée par la société MPT au titre du solde de sa facture n°2015-11-5025 intitulée « Acompte 21 » ;

En conséquence, l'en déboute ;

Condamne la société Vilogia à payer à la société MTP la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

Déboute les sociétés MTP et MTM de leurs demandes plus amples au titre de leurs frais irrépétibles d'appel ;

Déboute la société Vilogia de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles ;

Condamne la société Vilogia aux dépens d'appel ;

Accorde à Maître Y X Z le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision.