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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 14 janvier 2021, n° 18/04458

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Agrobiodrome (SARL)

Défendeur :

Seria (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gonzalez

Conseillers :

Mme Blanchard, M. Bruno

Avocats :

Me Le Pivert, Me Grimaud, Me Crespe

T. com. Romans sur Isère, du 26 sept. 20…

26 septembre 2018

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant marché de travaux du mois de septembre 2014, la Sarl Agrobiodrome a confié à la société J&D Contractant Général la construction d'une extension de son entrepôt.

La Sas Seria, spécialisée dans la conception, l'étude, la réalisation, la fourniture et l'installation d'équipements destinés à l'isolation de bâtiments et d'entrepôts frigorifiques, est intervenue en qualité de sous-traitant de la société J&D Contractant Général pour la réalisation de chambres froides et d'un sas d'expédition.

La société J&D Contractant Général a été placée en liquidation judiciaire le 22 juin 2016 et la société Seria a déclaré au passif de la procédure collective une créance de 52.304,28 € au titre du solde de son sous-traité.

Se prévalant des dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, la société Seria a vainement mis en demeure la société Agrobiodrome, par lettre recommandée du 12 juillet 2016, de lui régler le solde de ses factures.

Au terme d'un jugement du 5 avril 2017, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a :

- constaté que la société Agrobiodrome était parfaitement informée de l'intervention de la société Seria en qualité de sous-traitant,

- constaté que la société Agrobiodrome avait commis une faute en ne mettant pas en demeure la société J&D Contractant Général de s'acquitter de ses obligations en vertu de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 et en ne s'assurant pas de l'existence d'un cautionnement souscrit par la société J&D Contractant Général,

- constaté que la société Agrobiodrome avait engagé sa responsabilité à l'égard de la société Seria en application de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975,

- ordonné une mesure d'expertise,

- réservé les dépens.

L'expert a établi son rapport le 27 octobre 2017.

Par jugement en date du 26 septembre 2018, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a':

- constaté que la société Agrobiodrome a engagé sa responsabilité à l'égard de la société Seria en application des dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;

- dit que l'indemnisation de la société Seria doit être réalisée à hauteur du solde de ses factures impayées soit 52.304,28 euros ttc ;

- constaté qu'au titre des travaux de réparation, l'expert a retenu la responsabilité de la société Seria à hauteur de 2/3 soit une somme de 11.860,80 euros et celle de la société Agrobiodrome à hauteur de 1/3 soit 5.930,40euros ;

- condamné la société Agrobiodrome à payer à la société Seria la somme de 40.443,48 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;

- débouté la société Seria de sa demande d'anatocisme ;

- condamné la société Agrobiodrome à payer à la société Seria la somme de 1.950 euros au titre des frais d'expertise ;

- débouté la société Agrobiodrome de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné la société Agrobiodrome à payer à la société Seria la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit qu'il n'y avoir pas lieu à exécution provisoire de la présente décision ;

- mis les dépens à la charge de la société Agrobiodrome.

Suivant déclaration au greffe du 26 octobre 2018, la société Agrobiodrom a relevé appel de cette décision.

Au terme de ses écritures notifiées le 24 janvier 2019, la société Agrobiodrom demande à la cour de':

- dire et juger l'appel de la société Agrobiodrome recevable,

- réformer le jugement dans toutes ses dispositions.

La société Agrobiodrome fait valoir que':

- l'expert a relevé plusieurs désordres et réparti la charge des coûts de reprise entre elle et la société Seria à hauteur des 2/3 pour cette dernière,

- les travaux ayant été réceptionnés avec réserves le 17 décembre 2015, l'assignation délivrée par la société Seria le 3 août 2016, lui a permis de mettre en jeu la garantie de parfait achèvement et de faire état des désordres reconnus par l'expert,

- elle ne reste débitrice que d'une somme de 22.799,16 € à l'égard de la société J&D Contractant

Général et ne saurait être condamnée au paiement d'une somme supérieure,

- subsidiairement, seule une somme de 40.443,48 € peut lui être réclamée, après imputation des coûts de reprises,

- la mauvaise qualité des travaux réalisés par la société Seria lui a causé divers préjudices qui doivent être indemnisés.

Par conclusions notifiées le 15 mars 2019, la société Seria entend voir':

- rejeté l'appel interjeté par la société Agrobiodrome,

- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

- y ajoutant,

- dire et juger que l'appel de la société Agrobiodrome est dilatoire en l'absence de moyens nouveaux présentés en appel,

- condamner la société Agrobiodrome à payer à la société Seria la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 559 du code de procédure civile,

- condamner la société Agrobiodrome à payer la société Seria une indemnité de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en remboursement des frais irrépétibles exposés devant la cour,

- condamner la société Agrobiodrome aux entiers dépens d'appel.

La société Seria fait valoir que la société Agrobiodrome n'a pas remis en cause la décision du 5 avril 2017 par laquelle le tribunal de commerce a considéré qu'elle avait commis des fautes à l'égard du sous-traitant et qu'elle avait engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975.

Elle soutient que son préjudice doit être évalué à l'aune des sommes qu'il aurait dû percevoir et dont il a été privé par la faute de l'ouvrage.

Elle rappelle que le solde restant dû sur ses factures, déduction faite du règlement de 20'000 € par la société Agrobiodrome, s'élèvent à 52'304,28 € ttc et considère que compte tenu des coûts de reprise des désordres tels que fixés par l'expert, elle est bien fondée à réclamer paiement de la somme de 40'443,48 €.

Elle conteste le préjudice de jouissance invoqué par la société Agrobiodrome.

La procédure a été clôturée le 5 novembre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 prévoit que les paiements dus par l'entrepreneur principal au sous-traitant sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue d'un établissement agréé.

Par ailleurs, l'article 14-1 de cette même loi, impose au maître de l'ouvrage, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant, de mettre en demeure l'entrepreneur principal de faire agréer ce sous-traitant et ses conditions de paiement, et si le sous-traitant ne bénéficie pas de la délégation de paiement, d'exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution.

La société Agrobiodrome, en sa qualité de maître de l'ouvrage, ne discute pas avoir eu connaissance de l'intervention de la société Seria en qualité de sous-traitant, ni sa responsabilité à l'égard de ce dernier pour ne pas avoir mis en demeure la société J&D Contractant Général de se conformer à ses obligations telles qu'elles résultent des dispositions rappelées.

En raison de la liquidation judiciaire de la société J&D Contractant Général, la faute de la société Agrobiodrome a privé le sous-traitant de la faculté d'obtenir paiement de ses travaux, soit au titre de son action directe contre le maître de l'ouvrage, soit par la mise en oeuvre de la caution et le préjudice de la société Seria consiste bien dans le solde du prix de ces travaux, quelque puissent être les paiements effectués par la société Agrobiodrome entre les mains de l'entrepreneur principal.

Il résulte des pièces versées que la société Seria a facturé à l'entrepreneur principal une somme totale de 72304,28 € ttc et qu'un acompte de 20.000€ lui a été payé par la société J&D Contractant Général.

À ce titre, elle a déclaré au passif de la liquidation judiciaire une créance correspondant au solde de son marché à hauteur de 52.304,28 €.

Aucune des parties ne conteste le constat des désordres fait dans le cadre de l'expertise, ni l'évaluation des travaux de reprise, ni encore la répartition de ces derniers entre elles.

Ainsi, l'expert imputant à la société Seria les deux tiers du coût total de reprise des désordres affectant ses travaux qu'il a chiffré à la somme de 17.791,20 €, la société Seria est en droit de prétendre au paiement de la somme de 40.443,48 € ttc (52.304,28 -11.860,80).

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé une condamnation au paiement de cette somme à l'encontre de la société Agrobiodrome.

Cette dernière qui se prévaut de préjudices annexes n'en justifie pas et c'est avec raison que le tribunal de commerce l'a déboutée de sa demande indemnitaire. Sa décision ne pourra qu'être confirmée.

C'est également de manière pertinente que, reprenant l'imputation faite par l'expert du coût des désordres, le tribunal de commerce a pu également répartir le coût de l'expertise entre les parties dans les mêmes proportions. En conséquence, sa décision sera confirmée en ce qu'elle a mis à la charge de la société Agrobiodrome le remboursement à la société Seria d'une somme de 1950 € au titre des frais d'expertise.

L'exercice d'une voie de recours constitue un droit qui ne peut dégénérer en abus sans que soit démontrée la mauvaise foi de celui qui l'exerce, laquelle ne peut résulter de la seule reprise de moyens identiques à ceux présentés devant les premiers juges.

La société Seria sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 559 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Romans sur Isère en date du 26 septembre 2018 dans toutes ses dispositions, y ajoutant,

DÉBOUTE la Sas Seria de ses demandes de dommages intérêts et d'indemnité de procédure complémentaire,

CONDAMNE la Sarl Agrobiodrome aux dépens de son appel.