Cass. 3e civ., 7 avril 2004, n° 02-13.703
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Weber
Rapporteur :
M. Jacques
Avocat général :
M. Gariazzo
Avocats :
SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Vuitton
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 29 janvier 2002), que Mme X..., usufruitière d'une parcelle, a assigné Mme Y..., sa fille, propriétaire de la parcelle voisine, ainsi que M. Y..., son époux, pour leur interdire, à peine d'astreinte, d'utiliser la parcelle, notamment pour y stationner des véhicules, et pour obtenir la suppression de vues illégales donnant sur le fonds grevé d'usufruit ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les époux Y... font grief à l'arrêt de dire l'action recevable, alors, selon le moyen :
1 / que l'usufruitier ne peut agir au pétitoire aux lieu et place du nu-propriétaire mais seul ; qu'en retenant que l'usufruitière avait vocation pour agir au pétitoire contre les propriétaires voisins, motif pris qu'ils n'ont aucun titre pouvant leur donner un quelconque droit sur ladite parcelle 261, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations dont il ressortait que seul le nu-propriétaire avait cette action à l'exclusion de l'usufruitier et a violé les articles 613 et suivants du Code civil ;
2 / que la parcelle litigieuse soumise à usufruit était un bien propre à l'auteur de Mme Y... et de son frère ; qu'en affirmant que l'usufruitière totale de l'immeuble a vocation pour agir au pétitoire contre les époux Y..., ses voisins, qui n'ont aucun titre pouvant leur donner un quelconque droit sur cette parcelle, cependant, que Mme Y..., héritière, comme cela résulte de l'acte du 9 septembre 1993, avait des droits sur cette parcelle, la cour d'appel qui procède par affirmation a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que l'usufruitier peut ester en justice, dans la mesure où il agit pour défendre ou protéger son droit de jouissance, et que ce droit lui permet d'exercer aussi bien une action personnelle que réelle, et constaté que Mme X..., seule usufruitière de l'immeuble, avait assigné ses voisins pour faire libérer de toute emprise le terrain grevé d'usufruit et obstruer les ouvertures irrégulières donnant sur ce terrain, la cour d'appel a déduit, à bon droit, de ces seuls motifs, que l'action de Mme X... était recevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 9 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ;
Attendu que pour accueillir les demandes de Mme X..., l'arrêt retient qu'au cas où les époux Y... utiliseraient la parcelle AA 261 pour y stationner, sans droit, des véhicules, ils seraient redevables envers Mme X... d'une astreinte de 500 francs par infraction constatée ; qu'au cas où l'immeuble des époux Y... aurait des ouvertures donnant directement sur l'immeuble cadastré AA 261, ceux-ci seront tenus de les obstruer, conformément aux articles 676 et 677 du Code civil, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que faute par eux de le faire dans ledit délai, ils seront redevables, envers Mme X..., d'une somme de 500 francs par jour de retard durant deux mois ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que Mme X... ne rapportait pas la preuve que les époux Y... utilisaient la parcelle pour y stationner ces véhicules ni que l'immeuble de ses voisins possédait des ouvertures donnant directement sur la parcelle dont elle avait la jouissance exclusive, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit recevable Mme X... en son action contre les époux Y..., l'arrêt rendu le 29 janvier 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges.