Cass. com., 5 avril 2018, n° 16-18.772
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Avocats :
SCP Foussard et Froger, SCP Marlange et de La Burgade
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 mars 2016), que la société Groupe B... Y... automobiles automobiles SAS (la société) avait pour actionnaires Mme X..., Mme Y... et d'autres membres de la famille Y..., la première détenant 11,77 % du capital social ; que des discussions ont été engagées entre Mme X... et les autres actionnaires de la société pour le rachat de ses titres ; que le 22 juin 2010, une assemblée générale extraordinaire a décidé d'augmenter le capital par émission de 700 actions nouvelles d'un nominal de 450 euros avec une prime d'émission de 888,58 euros ; qu'à l'issue de cette opération, Mme X... détenait 9,40 % des actions ; que le 29 avril 2011, Mme X... et les membres de la famille Y... ont signé un protocole d'évaluation contradictoire des titres sociaux, définissant un mode de valorisation des titres détenus par Mme X... dans la société, et convenu de leur rachat ; qu'un arbitre a fixé, le 12 mai 2012, leur valeur unitaire à 763,65 euros ; qu'estimant que l'augmentation de capital avait été faite en fraude de ses droits, Mme X... a assigné, le 12 septembre 2013, la société et son président, M. Thomas Y..., en annulation du procès-verbal de l'assemblée générale du 22 juin 2010 et en paiement de dommages-intérêts ; que ces derniers lui ont opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en annulation du procès-verbal de l'assemblée générale du 22 juin 2010 alors, selon le moyen, que la fraude dont Mme X... soulignait qu'elle avait été victime, de la part de la société et de M. Y... au profit de l'actionnaire majoritaire, consistait à avoir largement survalorisé les actions nouvelles et à fixer en plein été le délai de souscription à l'augmentation de capital afin de la dissuader de souscrire à cette augmentation, de diluer sa participation dans le capital et d'aboutir à une diminution de la valeur de ses titres, sachant que la valeur des actions nouvelles avait été fixée à 1 428,58 euros tandis que la sentence arbitrale retenait une valeur des actions de 763,65 euros après décote de non liquidité de 20 % ; que Mme X... précisait qu'elle n'avait pu découvrir cette fraude que lorsque la sentence arbitrale du 12 mai 2012 avait déterminé la valeur réelle des actions; que pour juger prescrite l'action en annulation du procès-verbal de l'assemblée générale du 22 juin 2010, l'arrêt attaqué, après avoir constaté que le prix de l'action nouvelle était de 1 428,58 euros dont une prime d'émission de 888,58 euros et que le prix des actions de Mme X... a ensuite été fixé à 763,65 euros, a retenu que Mme X..., présente ou représentée à l'assemblée générale du 22 juin 2010 ayant décidé l'augmentation de capital en toute transparence, n'établissait ni le caractère prohibitif du prix ni son impossibilité de souscrire à l'augmentation de capital et ne pouvait sérieusement comparer le prix des actions nouvelles à celui de ses actions, fixé à un prix nominal supérieur à celui des actions nouvelles avec une décote de 20 % eu égard à sa position de minoritaire, à l'absence de distribution de dividendes depuis 2005 et à la cessibilité limitée de ses titres ; qu'en statuant par ces motifs impropres à exclure la fraude invoquée par Mme X... et l'impossibilité de la découvrir avant le prononcé de la sentence arbitrale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 235-9 du code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt constate que Mme X... a été régulièrement convoquée à l'assemblée générale du 22 juin 2010, à laquelle elle n'a pas contesté avoir été présente ou représentée; qu'il ajoute que Mme X... ne démontre pas que le prix des actions aurait été prohibitif ni qu'elle aurait été empêchée de souscrire à l'augmentation de capital ; qu'il relève que son pourcentage de détention des actions de la société est passé de 11,77 % à 9,40 %, faisant ainsi ressortir le caractère marginal du changement intervenu dans sa position d'actionnaire minoritaire et l'absence d'éviction résultant de l'opération ; qu'il retient que l'arbitre a valorisé les actions de Mme X... à un prix nominal bien supérieur à celui des nouvelles actions introduites, hors prime d'émission, après application d'une décote en raison, à la fois, de sa position minoritaire, du fait que les titres n'avaient donné lieu à aucune distribution de dividendes et d'une restriction affectant leur cessibilité, de sorte que Mme X... ne peut sérieusement comparer la valeur de ses titres à celle des actions nouvelles ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, et en l'absence de tout autre élément concret débattu devant elle sur la justification de l'augmentation de capital et l'inadéquation de la fixation à la hauteur constatée de la prime d'émission au regard de la situation de la société, la cour d'appel, qui a considéré que la fraude alléguée n'était pas constituée, et qui en a déduit que l'action était prescrite, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence et application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure du chef de l'arrêt attaqué ayant rejeté la demande indemnitaire de Mme X... en ce qu'il est fondé sur l'absence de fraude, dont la motivation est justement critiquée dans le cadre du premier moyen ;
2°/ que Mme X... soulignait que l'expert A... ayant valorisé la société à 3 320 000 euros ses actions avant augmentation de capital valaient 390 798 euros sans qu'il y ait lieu d'appliquer une décote, et la valeur de ses actions ayant été fixée à 249 746,25 euros par la sentence arbitrale du 12 mai 2012 son préjudice était égal à la différence entre 390 798 euros et 249 746,25 euros soit 141 051,75 euros ; qu'en ne s'expliquant sur aucune de ces données chiffrées invoquées par elle pour démontrer la réalité de son préjudice économique causé par l'augmentation de capital litigieuse en se bornant à affirmer, par motifs réputés adoptés, qu'elle n'établissait pas ce préjudice, que selon le commissaire aux comptes et l'expert ayant déterminé la valeur de rachat de ses titres l'augmentation de capital aurait été conçue pour préserver la valeur de sa participation, que l'expert en aurait tenu compte pour un tiers et que la prime d'émission aurait positivement impacté la valeur de rachat de ses actions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que le premier moyen ayant été rejeté, la première branche du moyen qui invoque la cassation par voie de conséquence est devenue sans portée ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que Mme X... n'établissait pas l'existence d'une fraude, la cour d'appel, qui n'avait pas à s'expliquer sur les éléments constitutifs d'un préjudice ne se rapportant à aucune autre faute alléguée à l'appui de la demande de dommages-intérêts, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.