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Décisions

Cass. soc., 29 septembre 2010, n° 09-65.929

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauviré

Rapporteur :

M. Lebreuil

Avocats :

SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, SCP Thouin-Palat et Boucard

Angers, du 10 févr. 2009

10 février 2009

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 10 février 2009), que M. X..., engagé le 23 octobre 1983 par la Société bâtiment mayennais (SBM) en qualité de directeur, a reçu le 28 mars 2007 notification de sa mise à la retraite ; que, considérant que cette décision était constitutive d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, subsidiairement, d'un abus de droit, il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que la mise à la retraite était constitutive d'un abus de droit, alors, selon le moyen :

1°/ que le fait, pour l'employeur, d'adopter un comportement vexatoire à l'encontre d'un salarié n'est susceptible d'engager sa responsabilité civile qu'à la condition que son comportement caractérise un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; qu'en considérant qu'elle avait engagé sa responsabilité à l'égard de M. X..., employé comme directeur en 1983, en créant, quelques mois avant son départ à la retraite, une fonction de tuteur à l'égard de son successeur sans prévoir un poste de même niveau dans le groupe et des conditions de travail analogues, en demandant à ce salarié de continuer une partie de ses activités antérieures sans titre et avec une rétrogradation dans ses conditions de travail, et en lui proposant une fonction floue dans une structure inexistante dont la fin était d'ores et déjà programmée, sans constater que ce comportement qu'elle jugeait vexatoire répondait à la définition légale du harcèlement moral et, en particulier, avait eu pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d'altérer sa santé physique ou mentale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil et L. 1152-1 du code du travail ;

2°/ que seul le préjudice ayant un lien de causalité avec la faute doit être réparé ; qu'en allouant à M. X... qui avait été, selon elle, mis à la retraite dans des conditions vexatoires outre une indemnité en réparation de son préjudice moral, une indemnité réparant le préjudice financier constitué par la perte de chance de se voir attribuer des actions tout en constatant que ce préjudice financier était lié au fait que le contrat de travail avait été rompu avant le 30 mars 2008, ce dont il résultait qu'il était sans lien avec les conditions dans lesquelles il avait été mis fin à ce contrat, la cour d'appel a réparé un préjudice sans lien de causalité avec la faute qu'elle a retenue à l'encontre de l'employeur et, partant, a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel n'était pas tenue d'effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée ;

Attendu, ensuite, qu'ayant constaté que l'employeur, prenant en considération le souhait du salarié de ne pas être mis à la retraite, lui avait proposé de diriger une société du groupe à constituer et que cette proposition n'avait pas été suivie d'effet du fait de l'employeur, qui l'avait ensuite mis à la retraite, la cour d'appel a ainsi fait ressortir que le préjudice financier subi par le salarié en raison de la rupture de son contrat de travail qui l'avait privé d'une chance de bénéficier d'actions dont l'attribution était soumise à une condition d'ancienneté, découlait du comportement fautif de l'employeur ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de requalification de la mise à la retraite en licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que l'employeur est tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail ; qu'en se bornant à relever, pour débouter M. X... de sa demande, que les conditions de sa mise à la retraite étaient remplies, sans rechercher comme elle y était invitée, si cette mise à la retraite, qui intervenait dans des conditions vexatoires imputables à l'employeur, n'avait pas pour objectif de priver M. X... du bénéfice de son pacte d'actionnaire, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1222-1 et L. 1237-5 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que M. X... remplissait les conditions légales pour être mis à la retraite, a, par ce seul motif, sans être tenue d'effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.