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Décisions

Cass. com., 14 avril 2021, n° 19-10.327

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Mollard

Avocat général :

Mme Beaudonnet

Avocats :

Me Bertrand, SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, du 25 sept. 2018

25 septembre 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 septembre 2018) et les productions, par décision n° 2017-168 du 14 novembre 2017, le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) a homologué, sous le numéro INPI-1702, le cahier des charges pour l'indication géographique « [Personne géo-morale 2]» et reconnu à l'association pour l'Indication géographique [Personne géo-morale 2](l'[Personne géo-morale 3]) la qualité d'organisme de défense et de gestion du produit bénéficiant de cette indication géographique.

2. Aux termes de ce cahier des charges, la zone géographique associée à l'indication géographique « [Personne géo-morale 2]» est le département de la [Localité 1].

3. Soutenant que les conditions d'homologation d'une indication géographique, prévues par l'article L. 721-3 du code de la propriété intellectuelle, n'étaient pas réunies faute, notamment, de lien entre les caractéristiques des produits bénéficiant de l'indication géographique et la zone géographique de la [Localité 1], les sociétés Porcelaines Deshoulières et Porcelaines Doralaine ont formé un recours contre cette décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Les sociétés Porcelaines Deshoulières et Porcelaines Doralaine font grief à l'arrêt de rejeter leur recours formé contre la décision du directeur général de l'INPI du 14 novembre 2017, alors « que, selon l'article L. 721-2 du code de la propriété intellectuelle constitue une indication géographique la dénomination d'une zone géographique ou d'un lieu déterminé servant à désigner un produit, autre qu'agricole, forestier, alimentaire ou de la mer, qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique ; qu'en se bornant en l'espèce à affirmer l'existence d'un savoir-faire local particulier qui se serait développé dans le département de la [Localité 1], sans relever aucun élément particulier de ce savoir-faire notamment son caractère secret et sans relever [l]a persistance actuelle de ce savoir-faire tout en admettant que la même porcelaine pourrait être produite ailleurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'application combinée des articles L. 721-2 et L. 721-7, 4°, du code de la propriété intellectuelle qu'est une caractéristique d'un produit, au sens du premier de ces textes, le fait pour ce produit de résulter d'un savoir-faire traditionnel. La notion de « savoir-faire traditionnel », au sens du second de ces textes, n'implique ni exclusivité ni caractère secret des techniques mises en œuvre.

6. L'arrêt relève qu'il résulte du cahier des charges déposé par l'[Personne géo-morale 3] et homologué par le directeur général de l'INPI que, dès 1805, le nombre de fabricants de porcelaine installés dans le département de la [Localité 1] a connu un essor qui s'est accompagné de la formation d'ouvriers et de peintres, que l'activité de la porcelaine comptait plus de 11 000 ouvriers au début du XXème siècle, que ce savoir-faire a évolué avec le recours à l'électricité et au gaz et l'émergence de nouvelles entreprises pour les fours céramiques et la fabrication d'équipements industriels innovants, que sont présentes en [Localité 1] des structures scientifiques et techniques de référence, comme le pôle européen de la céramique et le centre de transfert de technologies céramiques, renforcées par des écoles spécifiques, qui, en collaboration avec les manufactures, préservent les gestes ancestraux toujours enseignés dans de nombreux centres de formation. Il en déduit que de tels éléments, non contestés par les pièces des sociétés Porcelaines Deshoulières et Porcelaines Doralaine et propres au département de la [Localité 1], sont de nature à justifier l'existence d'un savoir-faire lié à la ville de [Localité 2] et à ce département, la synthèse de l'enquête publique et de la consultation réalisée par l'INPI relevant du reste expressément le développement d'un savoir-faire local particulier.

7. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de rechercher si le savoir-faire traditionnel ainsi caractérisé était unique ou présentait un caractère secret, et qui a constaté sa persistance, a légalement justifié sa décision.

Et sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

8. Les sociétés Porcelaines Deshoulières et Porcelaines Doralaine font le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ qu'en retenant la notoriété et la renommée de la [Personne géo-morale 2]sans la rattacher à l'une des caractéristiques du produit, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 721-2 du code de la propriété intellectuelle ;

3°/ que, dans leurs conclusions d'appel, les sociétés Porcelaines Deshoulières et Porcelaines Doralaine faisaient valoir que la réputation d'un produit au sens de l'article L. 721-2 du code de la propriété intellectuelle devait être envisagée de manière objective, au regard des caractéristiques du produit et que la réputation ne pouvait être fondée sur la croyance que suscite le produit auprès du public, au risque d'induire le consommateur en erreur, ce qui serait contraire à la finalité de la loi ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. Si, aux termes de l'article L. 721-2 du code de la propriété intellectuelle, le constat que la réputation d'un produit tient essentiellement à son origine géographique suffit pour que la dénomination de la zone géographique ou du lieu déterminé servant à désigner ce produit constitue une indication géographique, il résulte des articles L. 721-3, onzième alinéa, et L. 621-7, 4° et 5°, du même code que le cahier des charges doit notamment préciser les opérations de production ou de transformation qui garantissent cette réputation.

10. Après avoir constaté que le cahier des charges déposé par l'[Personne géo-morale 3] et homologué par le directeur général de l'INPI révèle l'existence d'un savoir-faire traditionnel né et développé dans le département de la [Localité 1], l'arrêt retient que, depuis le début du XIXème siècle, les producteurs locaux ont obtenu de nombreux prix et participé à des expositions universelles qui ont contribué à établir et assurer la notoriété de la [Personne géo-morale 2], que des artistes connus ont collaboré à des entreprises de production de [Personne géo-morale 2], que de nombreux ouvrages lui ont été consacrés et que les pièces versées par les sociétés Porcelaines Deshoulières et Porcelaines Doralaine sont impropres à contester la notoriété de la [Personne géo-morale 2] ainsi établie et le lien fortement identitaire entre la ville de [Localité 2], le département de la [Localité 1], et la porcelaine.

11. Par ces constatations et appréciations, dont il résulte que la porcelaine fabriquée à [Localité 2] et dans la [Localité 1] selon le savoir-faire traditionnel développé dans cette zone géographique, dont le respect est exigé par le cahier des charges, jouit d'une grande renommée, la cour d'appel, qui a répondu, en les rejetant, aux conclusions prétendument délaissées, invoquées par la troisième branche, a légalement justifié sa décision.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.