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Décisions

Cass. com., 3 mars 2021, n° 18-25.528

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme de Cabarrus

Avocat général :

Mme Beaudonnet

Avocats :

SCP Le Bret-Desaché, SCP Thouin-Palat et Boucard

Bordeaux, du 9 oct. 2018

9 octobre 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 9 octobre 2018), le 11 février 2012, la société Cap Wine International (la société CWI), présidée par M. T..., a conclu avec la société François Lurton SA (la société FLSA) et M. Y..., agissant tant en sa qualité de président de la société FLSA qu'en son nom personnel, un contrat prévoyant notamment que la société FLSA et/ou M. Y... s'obligeaient à acheter à la société CWI les actions que celle-ci détenait dans le capital de la société FLSA, selon un calendrier déterminé, et stipulant qu'à défaut d'accord sur le prix de cession des actions, feraient désigner un expert conformément aux dispositions de l'article 1843-4 du code civil.

2. L'achat des actions n'ayant pas été réalisé, la société CWI a assigné le 3 février 2015 la société FLSA et M. Y... en paiement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième branches

Enoncé du moyen

4. M. T... et la société CWI font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en paiement à l'encontre de la société FLSA et M. Y..., alors :

« 2°/ qu'il était stipulé à l'article 1.6 du protocole d'accord transactionnel, "FLSA et/ou M. Y..., s'oblige(nt) à acquérir auprès de CWI les titres de FLSA" ; que la cour a reconnu la validité dudit protocole d'accord transactionnel qui valait vente bien que comportant une obligation alternative souscrite par M. Y... soit de rachat par lui-même des titres de la société FLSA soit de rachat desdits titres par la société FLSA ; qu'en refusant de prononcer l'exécution forcée de cet engagement et d'accueillir la demande en paiement de M. T... et la société CWI, la cour d'appel a violé l'article 1142 du code civil dans sa rédaction alors applicable ;

3°/ que s'agissant de l'obligation de rachat par la société FLSA des actions de CWI, rien n'interdisait à M. Y... qui disposait de plus des deux tiers du capital de s'engager à ce que la société FLSA procède au rachat des actions d'un des actionnaires ; que cet engagement impliquait pour M. Y... d'adopter les résolutions en assemblée générale extraordinaire et au sein du conseil d'administration pour mettre en oeuvre une réduction de capital non motivée par des pertes permettant ainsi le rachat par la société des titres de CWI auquel M. Y... s'était engagé ; qu'en décidant qu'elle ne pouvait imposer aux actionnaires de mettre en oeuvre l'une des procédures prévues pour permettre le rachat des actions, le cas échéant en désignant un mandataire ad hoc pour voter en lieux et place de M. Y... et en refusant d'accueillir la demande en paiement à l'encontre de M. Y..., la cour d'appel a violé l'article 1142 du code civil dans sa rédaction alors applicable ;

4°/ que si la situation financière de la société FLSA ne permettait pas de procéder à une réduction de capital dans les conditions légales conduisant à une réduction de ses fonds propres contraire à son intérêt social comme étant susceptible de remettre en cause le plan de sauvegarde, il n'en demeurait pas moins que la promesse de rachat ne se limitait pas à un engagement de la société de racheter les actions de CWI mais stipulait l'engagement de M. Y... de procéder lui-même à ce rachat, le cas échéant en l'absence d'accord sur le prix en désignant un expert avec pour mission de valoriser les titres de FLSA conformément aux dispositions de l'article 1843-4 du code civil dans sa rédaction alors applicable ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1142 du code civil dans leur rédaction alors applicable ;

5°/ qu'il résulte des propres constatations de la cour que les parties discutaient non pas du principe de la cession des titres de la société CWI, qui était acquise, mais du prix des actions, lequel devait être fixé en cas de désaccord des parties dans les conditions de l'article 1843-4 du code civil dans sa rédaction alors applicable ; que l'accord des parties était en conséquence définitivement scellé ; qu'en décidant que M. Y... pouvait se rétracter faute d'accord des parties sur le prix, la cour d'appel a violé les articles 1101 et 1134 du code civil dans leur rédaction alors applicable ;

6°/ qu'il résulte des propres constatations de la cour qu'aux termes de l'article 1.6, les parties s'en étaient remises, en cas de désaccord sur le prix, à l'estimation d'un expert ayant les pouvoirs prévus à l'article 1843-4 du code civil pour valoriser les titres dont les conclusions dans trois mois de sa désignation s'imposeront aux parties sans recours possible de leur part ; qu'aucun délai n'était prévu à peine de caducité de la promesse d'achat pour obtenir la désignation dudit tiers évaluateur ; que le recours à l'article 1843-4 du code civil vaut détermination du prix pour la perfection de la vente, dès lors que le consentement des parties a été obtenu et ne nécessitait donc pas un nouvel accord de leur part ; qu'il s'en évinçait que la cession était donc devenue parfaite au jour où la société CWI avait demandé le rachat de ses titres dès la conclusion du protocole transactionnel ; qu'en décidant cependant que M. Y... pouvait rétracter sa proposition de valorisation dès lors qu'aucun accord n'était intervenu entre les parties sur le prix de cession des actions, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction alors applicable, ensemble 1843-4 du code civil dans sa rédaction alors applicable ;

7°/ que dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou leur rachat par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit, à défaut d'accord entre elles, par le juge des référés, l'expert étant alors libre de déterminer les critères qu'il juge les plus appropriés pour fixer la valeur des droits ; qu'en décidant cependant que M. Y... pouvait rétracter sa proposition de valorisation dès lors qu'aucun accord n'était intervenu entre les parties sur le prix de cession des actions et en déniant ainsi à la société CWI le droit de faire trancher la contestation relative au prix de rachat de ses actions selon la procédure prévue par l'article 1843-4 du code civil, cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1843-4 du code civil dans sa rédaction alors applicable. »

Réponse de la Cour

5. En premier lieu, après avoir énoncé que l'achat par une société anonyme de ses propres actions n'est autorisé que dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 225-207 à L. 225-217 du code de commerce, dispositions impératives parmi lesquelles ne figure pas la situation dans laquelle la société anonyme se serait engagée envers un actionnaire à lui acheter des actions, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'elle ne pouvait imposer aux actionnaires de mettre en oeuvre l'une des procédures prévues pour permettre l'achat des actions.

6. En second lieu, après avoir constaté que le protocole du 11 février 2012 prévoyait l'achat de quinze mille actions avant le 30 septembre 2013, de quinze mille actions avant le 30 septembre 2014 et le solde avant le 30 septembre 2015, l'arrêt relève que les parties n'ont pas respecté l'échéancier qu'elles avaient fixé dans ce contrat et qu'elles ne se sont pas accordées non plus sur la valorisation des parts, sans pour autant saisir, comme le protocole le prévoyait, le président du tribunal de commerce pour faire désigner un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil. Il retient également que M. Y..., à titre personnel, et la société CWI sont restés en pourparlers après la signature du protocole du 11 février 2012 et ont échangé des courriers entre septembre 2013 et juillet 2014, sans pouvoir s'entendre sur la valorisation et sur les modalités de paiement des actions. De ces constatations et appréciations souveraines, faisant ressortir que, faute de s'être accordées sur le prix et les modalités de la cession des titres détenus par la société CWI dans le capital de la société FLSA, les parties avaient révoqué le contrat d'un commun accord, la cour d'appel a pu rejeter la demande en paiement formée par la société CWI et M. T... contre M. Y....

7. Par conséquent, le moyen, inopérant en ses sixième et septième branches, n'est pas fondé pour le surplus.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. M. T... et la société CWI font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande d'expertise et de dire n'y avoir lieu de surseoir à statuer, alors :

« 1°/ qu'une demande d'expertise en appel n'est nouvelle que si elle ne poursuit pas les mêmes fins que celles présentées en première instance ; qu'au cas présent, la société CWI et M. T... avaient subsidiairement sollicité l'organisation d'une expertise qui avait pour objet de voir fixer le prix des actions détenues par la société CWI sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil ; que cette demande d'expertise tendait aux mêmes fins que la demande en paiement présentée en première instance par les exposants ; qu'en déclarant cette demande d'expertise irrecevable comme nouvelle, la cour d'appel a violé l'article 464 du code de procédure civile ;


2°/ que dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou leur rachat par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit, à défaut d'accord entre elles, par le juge des référés, l'expert étant alors libre déterminer les critères qu'il juge les plus appropriés pour fixer la valeur des droits ; que l'article 1.6 du protocole d'accord transactionnel ne prévoyait aucun délai pour solliciter en cas de désaccord des parties sur le prix des actions la désignation d'un tiers évaluateur sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil dans sa rédaction alors applicable ni de sanction en cas de non-respect des délais ; qu'en décidant que la promesse de rachat était devenue caduque, le rachat de toutes les actions devant intervenir aux termes de l'article 1.6 du protocole d'accord transactionnelle entre le 30 septembre 2013 et le 30 septembre 2015 et en déniant ainsi à la société CWI le droit de faire trancher la contestation relative au prix de rachat de ses actions selon la procédure prévue par l'article 1843-4 du code civil, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1843-4 du code civil dans leur rédaction alors applicable. »

9. La cour d'appel ayant écarté l'application du protocole du 11 février 2015, par des motifs vainement critiqués par le premier moyen, elle ne pouvait accueillir la demande de désignation d'un expert fondée sur ce contrat. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.