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Décisions

Cass. com., 10 septembre 2013, n° 12-16.509

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

M. Le Dauphin

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié

Versailles, du 14 déc. 2011

14 décembre 2011

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Wolters Kluwer France et M. X..., que sur le pourvoi incident relevé par le comité d'entreprise de la société Wolters Kluwer France ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 décembre 2011), qu'une opération de restructuration du groupe Wolters Kluwer mise en oeuvre en 2007, dite « Cosmos », a donné lieu à la transmission des patrimoines de neuf sociétés de ce groupe à la société par actions simplifiée Wolters Kluwer France (la société WKF), filiale de la société Holding Wolters Kluwer France (la société HWKF) ; que pour les besoins de la réalisation de cette opération, la société WKF a souscrit auprès de la société de droit néerlandais Wolters Kluwer International Holding BV un emprunt au moyen duquel elle a remboursé le compte courant ouvert dans ses livres par la société HWKF ; que le comité d'entreprise de la société WKF a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 225-231 du code de commerce, fait assigner les sociétés WKF et HWKF et demandé la désignation d'un expert chargé de présenter un rapport sur cette opération et plus précisément sur les modalités et les conséquences de son financement par la société WKF ; 

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la société WKF fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande d'expertise, alors, selon le moyen :

1°/ que conformément à l'article L. 225-231 du code de commerce, le comité d'entreprise dispose de la faculté de demander la désignation d'un expert aux fins d'examiner une ou plusieurs opérations de gestion, mais le juge ordonnant l'expertise doit s'assurer, au préalable, de ce que la demande ne risque pas de porter atteinte à l'intérêt social ; qu'en se bornant à retenir que l'opération dite « Cosmos », et notamment l'emprunt de 445 millions d'euros, acte de gestion, souscrit par la société WKF auprès de la société tête du groupe et destiné à rembourser le compte courant de la société HWKF, ouvert lors du processus de cession/ fusion de neuf sociétés filiales ayant donné lieu à la création de la société WKF, avait privé les salariés de la société WKF de leur droit à participation légale aux résultats de l'entreprise, la cour d'appel qui a néanmoins ordonné une expertise relative à l'ensemble de l'opération de cession/ fusion sans rechercher si cette expertise n'était pas de nature à porter atteinte à l'intérêt social a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;

2°/ que conformément à l'article L. 225-231 du code de commerce, le comité d'entreprise qui demande la désignation d'un expert aux fins d'obtenir un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion doit limiter sa demande d'investigations à la société au sein de laquelle il exécute son mandat de représentation ; qu'en se déterminant, pour ordonner une expertise aux fins d'examiner le processus d'ensemble de cession/ fusion de neuf filiales, par le fait que le volume de l'emprunt souscrit auprès de la société WKIH BV par la société WKF aux fins d'acquérir ces sociétés était la conséquence directe de ce processus, la cour d'appel qui a ainsi étendu les opérations d'expertise au-delà de la société WKF au sein de laquelle le comité d'entreprise demandeur représente les salariés, a violé la disposition susvisée ensemble les articles L. 2321-1 et L. 2321-2 du code du travail ;

3°/ que conformément à l'article L. 225-231 du code de commerce, l'expertise de gestion que le comité d'entreprise a la faculté de demander en justice doit présenter un caractère d'utilité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, en écartant le moyen développé par la société WKF faisant valoir que les comités d'entreprise des sociétés concernées par le processus de cession/ fusion avaient été pleinement informés, que leurs experts n'avaient formulé aucune réserve notamment quant à l'emprunt ultérieurement contesté, et à la valorisation des sociétés, et que l'expert judiciaire désigné par l'ordonnance entreprise avait déposé son pré rapport, confirmant les expertises antérieures, sans rechercher si l'expertise demandée par le comité d'entreprise présentait un caractère d'utilité a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, qui a jugé que l'ensemble des conditions prévues par l'article L. 225-231 du code de commerce étaient réunies, n'avait pas à rechercher, en outre, si la mesure d'expertise qu'elle a, en conséquence, décidé d'ordonner était de nature à porter atteinte à l'intérêt de la société WKF ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que la demande du comité d'entreprise portait sur les conditions dans lesquelles cette société avait souscrit auprès de la société tête du groupe un emprunt de 445 millions d'euros destiné à rembourser le compte courant de la société HWKF, créé lors du processus complexe ayant conduit à la transmission, par voie de fusion, du patrimoine de plusieurs sociétés du groupe à la société WKF, la cour d'appel n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 225-231 du code de commerce en prenant ces éléments en considération pour déterminer la mission de l'expert ;

Et attendu, enfin, qu'ayant relevé que pour s'opposer à l'expertise sollicitée, la société WKF s'appuyait sur des éléments tirés du pré-rapport de l'expert désigné par le premier juge, faisant ainsi ressortir que cette mesure n'était pas dépourvue d'utilité, la cour d'appel a procédé à la recherche visée par la troisième branche ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que le comité d'entreprise fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré son action irrecevable en ce qu'elle était dirigée contre la société HWKF, alors, selon le moyen :

1°/ que conformément à l'article L. 225-231 du code de commerce, le comité d'entreprise d'une société peut solliciter en référé la désignation d'un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion de cette société ainsi que le cas échéant des sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3 du même code ; qu'en l'espèce, le comité d'entreprise de la société WKF a sollicité la désignation d'un expert aux fins principalement de présenter un rapport sur un acte de gestion réalisé par cette société, à savoir la souscription par cette dernière d'un emprunt de 445 millions d'euros auprès de sa société mère ; qu'afin de justifier la mise en cause de la société HWKF le comité d'entreprise faisait notamment valoir dans ses conclusions que les opérations visées par l'expertise avaient été menées sous le contrôle et à l'initiative de cette dernière et qu'elle y était tout particulièrement impliquée ; qu'en rejetant néanmoins comme irrecevable la demande formée par le comité d'entreprise à l'encontre de la société HWKF sans s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que conformément à l'article L. 225-231 du code de commerce, le comité d'entreprise d'une société peut solliciter en référé la désignation d'un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion de cette société ainsi que, le cas échéant, des sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3 du même code ; que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que, dans le cadre d'une expertise portant sur une opération de gestion menée par une société, d'autres sociétés puissent être mises en cause si la nature de l'opération de gestion faisant l'objet de l'expertise le justifie ; qu'en rejetant comme irrecevable la demande du comité d'entreprise de la société WKF tendant à voir mise en cause de la société HWKF dans le cadre de l'expertise sollicitée au motif que la société HWKF n'est pas une société contrôlée par la société WKF, la cour d'appel a violé l'article susvisé par fausse application ;

Mais attendu qu'après avoir exactement rappelé que si la demande formée par un comité d'entreprise sur le fondement des dispositions de l'article L. 225-231 du code de commerce n'a pas à être précédée d'une question écrite, elle obéit, pour le surplus, aux conditions posées par ce texte, la cour d'appel, qui était saisie par le comité d'entreprise de la société WKF d'une demande relative à une opération relevant de la gestion de cette société, en a justement déduit, répondant par là-même aux conclusions invoquées, que la demande était irrecevable en ce qu'elle était dirigée contre la société HWKF ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.