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Décisions

Cass. com., 15 juillet 1987, n° 86-13.644

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Baudoin

Rapporteur :

M. Bézard

Avocat général :

M. Montanier

Avocats :

Me Choucroy, SCP Boré et Xavier

Paris, du 12 mars 1986

12 mars 1986

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 12 mars 1986), rendu sur renvoi après cassation, que la société anonyme X... avait pour actionnaires majoritaires les membres de la famille X... ; que la société Ralston Purina, dont le siège est à Saint-Louis (Etats-Unis), a acquis plus de la moitié des actions représentant le capital de cette société ; que M. Jean X... a quitté ses fonctions de président du conseil d'administration à partir de 1969 mais qu'il a conservé celle d'administrateur jusqu'en 1979 ; que des membres de la famille X..., devenus minoritaires, ont introduit le 27 avril 1981 une demande de nomination d'un expert sur le fondement de l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966 pour présenter un rapport sur un certain nombre d'opérations effectuées par la société Duquesne-Purina ou l'intéressant ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir désigné des experts, alors, selon le pourvoi, que toute action en justice doit reposer sur un intérêt positif et concret ; que l'intérêt des actionnaires minoritaires à demander une expertise sur une ou plusieurs opérations de gestion se trouve dans la possibilité d'exercer les actions en nullité ou en responsabilité qui pourraient sanctionner la méconnaissance de l'intérêt social constatée par l'expertise ; qu'un tel intérêt n'existe pas lorsque ces actions sont prescrites ; qu'il s'ensuit qu'en déclarant recevable la demande d'expertise bien que les faits visés soient atteints par la prescription, l'arrêt attaqué a violé l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la recevabilité de l'action fondée sur l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966 n'est pas subordonnée à d'éventuelles actions en responsabilité contre les administrateurs ou en nullité des délibérations sociales ; que la cour d'appel a donc énoncé avec raison que la prescription de telles actions, à la supposer acquise en l'espèce, n'aurait pas pour effet de priver d'intérêt la demande d'expertise ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et sur le deuxième moyen, réunis :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir désigné des experts alors, selon le pourvoi, que, d'une part, la demande d'expertise doit viser des opérations de gestion déterminées ; qu'en se fondant sur le motif que l'expertise pourrait révéler des faits dissimulés l'arrêt a statué par un motif hypothétique et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ainsi que l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966 et alors que, d'autre part, ce texte a pour finalité de permettre aux actionnaires minoritaires d'exercer un contrôle sur la conformité des opérations visées avec l'intérêt social ; qu'elle ne peut être ordonnée que si sont invoqués des faits laissant suspecter que les organes aient méconnu cet intérêt et détourné leurs pouvoirs de sa finalité, que le soupçon d'un détournement de pouvoirs ne résulte aucunement de la seule constatation que les opérations concernées auraient engendré des pertes sans produire d'avantages pour la société ; qu'il s'ensuit que l'arrêt attaqué, qui ordonne une expertise sans relever aucun

élément de nature à laisser apparaître l'existence d'un détournement de pouvoirs, a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard du texte précité ;

Mais attendu, en premier lieu, que la recevabilité de l'action fondée sur l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966 n'est pas subordonnée à la preuve que les organes sociaux aient méconnu l'intérêt de la société et détourné leurs pouvoirs de sa finalité puisque la mesure d'information et de contrôle organisée par ce texte tend justement à l'établissement de cette preuve ; qu'il appartient cependant aux juges du fond d'apprécier le caractère sérieux de la demande ; qu'en l'espèce la cour d'appel a relevé, en relatant une série d'événements, qu'il est résulté des relations financières de la société Duquesne-Purina avec sa société mère et deux filiales de celle-ci, en moins de deux ans, une lourde perte sans qu'en l'état apparaissent clairement en contrepartie des avantages pour la société ;

Attendu, en second lieu, que si d'après l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966, le rapport doit porter sur une ou plusieurs opérations de gestion, ce qui ne permet pas aux juges du fond d'ordonner une expertise concernant l'ensemble de la gestion de la société, la cour d'appel a énoncé que la mesure d'expertise demandée était limitée à des opérations précises de gestion de la société Duquesne-Purina, qu'elle a d'ailleurs énumérées, qu'elle n'était pas de portée générale et n'avait pas pour objet de remettre en cause la régularité des comptes sociaux ; qu'en statuant ainsi par un motif non hypothétique elle a légalement justifié sa décision ;

Que les moyens ne sont pas fondés ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est enfin reproché à l'arrêt d'avoir désigné des experts, alors que l'expertise prévue à l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966 ne peut être demandée par des actionnaires ayant participé aux délibérations contestées ; qu'il s'ensuit que l'arrêt qui constate que M. X... avait participé à la délibération ayant abouti à la création d'une société filiale ne pouvait, sans violer ce texte, ordonner une expertise sur cette création ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé, à juste titre, que l'article 226, qui organise une information complémentaire, n'impose pas que les actionnaires minoritaires aient ignoré les opérations sur lesquelles ils désirent être renseignés la cour d'appel constate que si M. X... a participé à la première délibération du conseil d'administration relative à la création de la société filiale, il a cessé ensuite d'être administrateur et qu'il s'est vu refuser toute réponse à ses questions sur l'exploitation de cette société ; qu'elle en a exactement déduit que la demande de nomination d'experts devait être accueillie ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.