ADLC, 23 décembre 2021, n° 21-DCC-261
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Labexa par le groupe Cerba
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président par interim :
M. Combe
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 22 novembre 2021, relatif à la prise de contrôle exclusif du groupe Labexa par le groupe Cerba, formalisée par un contrat d’acquisition de titres du 19 novembre 2021;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les engagements déposés le 15 décembre 2021 par la partie notifiante ;
Vu les éléments complémentaires transmis par la partie notifiante au cours de l’instruction ; Vu les autres pièces du dossier ;
Adopte la décision suivante :
Résumé1
Aux termes de la décision ci-après, l’Autorité a procédé à l’examen de la prise de contrôle exclusif du groupe Labexa par le groupe Cerba.
Les parties sont simultanément actives sur les marchés de l’approvisionnement en équipements, réactifs et consommables de biologie et sur le marché des examens de biologie médicale « de routine ».
Si l’opération ne soulève pas de problème de concurrence sur les marchés amont de l’approvisionnement auprès des fournisseurs, l’Autorité a considéré, en revanche, qu’il existait de sérieux risques d’atteinte à la concurrence sur le marché des examens de biologie médicale
« de routine » au niveau du département des Hautes-Pyrénées.
Au sein de ce département, le renforcement de la position de la nouvelle entité sur le marché considéré n'est pas compensé par une offre alternative crédible et suffisante de la part des opérateurs concurrents. Dans ce département, l’opération est donc susceptible de porter atteinte à la concurrence.
Afin de remédier à cette préoccupation de concurrence, le groupe Cerba s’est engagé à céder le seul site d’analyses médicales du groupe Labexa dans ledit département, ce qui supprime tout chevauchement d’activité entre les parties.
Compte tenu des engagements souscrits par le groupe Cerba, l’Autorité a autorisé la présente opération à l’issue d’un examen de phase 1.
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. Le groupe Cerba (ci-après « Cerba »), contrôlé exclusivement par le fonds d’investissements EQT, est principalement actif dans le secteur de la biologie médicale et exploite un réseau de 495 laboratoires en France. Il est également présent à l’international.
2. Le groupe Labexa (ci-après « Labexa ») est actif dans le secteur de la biologie médicale à travers 94 laboratoires principalement implantés dans la région Sud-Ouest de la France.
3. L’opération, formalisée par un contrat d’acquisition de titres en date du 19 novembre 2021, consiste en l’acquisition par Cerba SELAFA, filiale du groupe Cerba, de 99,7 % du capital social et des droits de vote de Labexa, le reste étant détenu par des biologistes exerçant dans cette société, ce qui donnera à Cerba le contrôle de la cible.
4. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif du groupe Labexa par le groupe Cerba, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (EQT : [≥ 150 millions] d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2021 ; Labexa : [≤ 150 millions] d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2020). Chacune de ces entreprises réalise en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (EQT : [≥ 50 millions] d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2020 ; Labexa : [≥ 50 millions] d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2020). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce, relatives à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
6. Les parties sont simultanément actives, en tant qu’acheteuses, sur le marché de l’approvisionnement en équipements, réactifs et consommables de biologie (A).
7. Les parties sont également simultanément actives dans le secteur de la biologie médicale. En effet, les groupes Cerba et Labexa détiennent tous deux des laboratoires d’analyses médicales dont l’activité consiste en la prestation d’examens de biologie médicale (B).
A. LES MARCHÉS DE L’APPROVISIONNEMENT EN ÉQUIPEMENTS, RÉACTIFS ET CONSOMMABLES DE BIOLOGIE
1. LES MARCHÉS DE PRODUITS
8. La pratique décisionnelle a envisagé de segmenter le marché de l’approvisionnement en équipements réactifs et consommables de biologie en quasiment autant de secteurs d’activités que de produits ou consommables concernés par les analyses (milieux de cultures et sérums, produits pour activer les gènes, billes magnétiques, etc.). La Commission européenne a ainsi repris la classification des produits de diagnostic in vitro utilisée par l’Association des Producteurs Européens de Diagnostics (European Diagnostic Manufacturers Association,
« EDMA ») qui classe les réactifs et consommables en six catégories principales (« de premier niveau ») : chimie clinique, immunochimie, hématologie/histologie, microbiologie, immunologie infectieuse et tests génétiques, puis dans des sous-catégories supplémentaires au sein de chacune d’elles2. L’Autorité de la concurrence a également envisagé un marché spécifique des produits liés aux maladies à coronavirus (covid-19) 3.
9. En tout état de cause, la question de la définition exacte des marchés de l’approvisionnement en équipements réactifs et consommables de biologie peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées.
10. En l’espèce, les parties achètent simultanément des équipements, réactifs et consommables appartenant aux cinq catégories suivantes : chimie clinique, immunochimie, hématologie et histologie, immunologie infectieuse et covid-19.
2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
11. La pratique décisionnelle considère que les marchés de l’approvisionnement en équipements, réactifs et consommables de biologie peuvent revêtir une dimension européenne, voire mondiale. Tout en laissant la question ouverte, l’Autorité a également examiné, lors d’opérations antérieures, les effets sur le réseau de fournisseurs et grossistes au seul niveau national4.
12. En tout état de cause, la question de la délimitation exacte de ces marchés peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées.
13. En l’espèce, l’analyse sera uniquement menée au niveau national, niveau le plus conservateur5.
B. LES MARCHÉS DE LA PRESTATION D’EXAMENS DE BIOLOGIE MÉDICALE
1. LES MARCHÉS DE SERVICES
14. Conformément à l’article L. 6211-1 du code de la santé publique (ci-après « CSP »), un examen de biologie médicale est « un acte médical qui concourt à la prévention, au dépistage, au diagnostic ou à l'évaluation du risque de survenue d'états pathologiques, à la décision et à la prise en charge thérapeutiques, à la détermination ou au suivi de l'état physiologique ou physiopathologique de l'être humain [...] ».
15. Les examens de biologie médicale sont composés de trois phases : une phase pré-analytique, comprenant notamment le prélèvement d’un échantillon biologique et son transport jusqu’à l’endroit où il est analysé, une phase analytique, et une phase post-analytique d’interprétation et de communication du résultat au prescripteur. Ils sont réalisés par un biologiste médical ou, pour certaines phases, sous sa responsabilité, au sein d’un laboratoire de biologie médicale (ci-après « LBM »), tel que ceux détenus par les parties.
16. Des considérations de santé publique inspirent les dispositions qui encadrent l’activité des LBM. Un laboratoire peut ainsi être implanté, dans le cadre fixé par l’article L. 6212-1 du code de la santé publique, sur un ou plusieurs sites. Les prélèvements peuvent ainsi être effectués sur un site et être transférés vers un autre site du même LBM, doté d’un plateau technique, au sein duquel la phase analytique est effectuée. Chaque site d’un LBM doit comporter au moins un biologiste en mesure de répondre aux besoins du site, en vertu de l’article L. 6222-6 du code de la santé publique. L’activité des LBM ne peut être sous-traitée que dans des proportions réduites6. Par ailleurs, afin d’assurer la permanence de l’offre de biologie médicale, des règles de territorialité s’imposent aux LBM. Celles-ci comprennent notamment des règles relatives à l’acquisition de droits sociaux ou à la fusion entre LBM, dont le respect relève du seul contrôle des agences régionales de santé (ARS).
17. Dans leur pratique décisionnelle antérieure, les autorités de concurrence nationales et européenne ont identifié un marché de la prestation d’examens de biologie médicale. Elles ont également envisagé, tout en laissant la question ouverte, une segmentation entre les examens
« de routine » et les examens spécialisés7. En effet, la pratique relève que l’activité des laboratoires de biologie médicale de routine n’est pas substituable à celle des laboratoires spécialisés qui traitent des actes de biologie rares et sont soumis à un agrément ministériel spécifique.
18. La demande en examens de biologie médicale de routine émane essentiellement des patients, tandis que la demande d’examens spécialisés émane des LBM et des hôpitaux. Quant à l’offre d’examens de biologie médicale spécialisés, elle émane principalement de quelques laboratoires tels que Cerba, Eurofins Biomnis, BPR et des centres hospitaliers universitaires. Elle consiste, pour partie, en la prestation de services de sous-traitance confiés par des LBM, dans la limite toutefois de 15 % du total des activités du LBM8.
19. Par ailleurs, la pratique décisionnelle des autorités nationale et européenne a considéré qu’en matière d’offre de diagnostics et de soins9 il n’était pas pertinent de distinguer l’offre selon qu’elle émane d’établissements privés ou publics10.
20. L’Autorité a considéré que la pratique décisionnelle en matière d’offre de diagnostics et de soins s’appliquait également à la biologie médicale qui est assujettie à un régime juridique comparable11. En effet, les patients sont libres de faire réaliser leurs analyses dans un laboratoire de biologie médicale privé ou un hôpital public12. Par ailleurs, en France, le tarif des examens de biologie médicale fait l’objet d’une nomenclature qui s’impose aux différents opérateurs13. De plus, les dépenses d’analyses médicales sont presque intégralement couvertes par les sources de financement public (sécurité sociale principalement) ou privé (mutuelles et assurances notamment). Enfin, les laboratoires d’analyses médicales, qu’ils soient privés ou publics, sont assujettis à un cadre juridique commun et doivent notamment faire l’objet d’une accréditation.
21. Dès lors, il n’apparaît pas pertinent d’opérer une segmentation de l’offre de prestation d’examens de biologie médicale selon qu’elle émane d’hôpitaux publics ou de laboratoires privés.
22. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations de marché à l’occasion de la présente instruction.
23. En l’espèce, l’analyse concurrentielle sera menée sur le marché global de la prestation d’examens de biologie médicale ainsi que sur le marché relatif aux examens « de routine », sur lequel les parties sont simultanément actives. Le marché relatif aux examens spécialisés, sur lequel est présent Cerba, sera également examiné au titre de l’analyse des effets verticaux de l’opération.
2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
24. La pratique décisionnelle a envisagé, tout en laissant la question ouverte, de retenir une dimension nationale pour le marché des examens de biologie médicale spécialisés et une dimension locale pour le marché des examens de biologie médicale de routine. En effet, la demande et l’offre d’analyses de routine se situent au niveau local, ce qui n’est pas le cas des analyses spécialisées pour lesquels les offreurs sont relativement peu nombreux. Ainsi, les autorités de concurrence ont examiné les effets d’opérations sur le marché des examens de biologie médicale de routine au niveau régional ou infrarégional, voire départemental14.
25. En tout état de cause, la question de la définition exacte de ces marchés peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées.
26. En l’espèce, l’analyse concurrentielle sera menée au niveau national pour les examens de biologie médicale spécialisés et aux niveaux national, régional et départemental pour les examens de biologie médicale de routine.
III. Analyse concurrentielle
27. L’opération est susceptible d’engendrer des effets horizontaux (A) et des effets verticaux (B).
A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX
28. Les effets horizontaux seront examinés sur les marchés de l’approvisionnement en équipements, réactifs et consommables de biologie (1) ainsi que sur les marchés de la prestation d’examens de biologie médicale (2).
1. LES MARCHÉS DE L’APPROVISIONNEMENT EN ÉQUIPEMENTS, RÉACTIFS ET CONSOMMABLES DE BIOLOGIE
29. Les parties à l’opération interviennent sur les marchés de l’approvisionnement en équipements, réactifs et consommables de biologie en tant qu’acheteurs, pour leurs propres besoins.
30. La partie notifiante indique que le montant combiné des achats de Cerba et de Labexa en équipements, réactifs et consommables de biologie s’élève à environ [confidentiel] millions d’euros en 2020. Les parties s’approvisionnement principalement auprès de divisions spécialisées dans le diagnostic in vitro de grands groupes pharmaceutiques internationaux tels que Roche, Abott ou Biomérieux.
31. Au niveau national, la partie notifiante estime que la part de la nouvelle entité sur ce marché sera inférieure à 15 %.
32. En outre, quelle que soit la segmentation retenue pour les marchés de l’approvisionnement en équipements, réactifs et consommables de biologie en France, la partie notifiante estime que la part de marché de la nouvelle entité sera également inférieure à 15 %.
33. Par conséquent, l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur le marché de l’approvisionnement en équipements, réactifs et consommables de biologie, quelle que soit la segmentation envisagée.
2. LES MARCHÉS DE LA PRESTATION D’EXAMENS DE BIOLOGIE MÉDICALE
34. Les parties sont simultanément présentes sur le marché global de la prestation d’examens de biologie médicale (a) et sur le marché des examens de biologie médicale de routine (b).
a) Sur le marché global de la prestation d’examens de biologie médicale
35. Selon la partie notifiante, la part de marché de la nouvelle entité en 2020, laboratoires des hôpitaux publics exclus, sera de [10-20] % sur le marché global de la prestation d’examens de biologie médicale au niveau national.
36. Par ailleurs, les principaux concurrents de la nouvelle entité sont des laboratoires de dimension nationale, voire internationale tels que Biogroup, Synlab, Inovie ou Eurofins, auxquels s’ajoutent les établissements publics de santé (hôpitaux).
37. Compte tenu de cette part de marché limitée et de la présence de grands groupes concurrents, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché par le biais d’effets horizontaux.
b) Sur le marché des examens de biologie médicale de routine
38. Conformément à la pratique décisionnelle, l’analyse du marché des examens de biologie médicale de routine sera menée aux niveaux national et régional, ainsi qu’au sein des différents départements dans lesquels les activités des parties se chevauchent.
39. Sur les marchés des examens de biologie médicale de routine, la concurrence par les prix est limitée, dans la mesure où, hormis certaines exceptions, le tarif de la majorité des actes est réglementé. Le prix applicable aux examens et frais accessoires associés (prélèvements et déplacements) est ainsi défini en fonction d’une nomenclature des actes. Une certaine concurrence existe pour les actes hors nomenclature proposés par les LBM à des prix librement fixés. À titre d’exemple, le tarif des tests sérologiques coronavirus Covid-19 utilisés pendant la crise sanitaire du printemps 2020 était, avant leur entrée dans la nomenclature fin 2020, librement fixé par chacun des LBM les proposant. Ces actes hors nomenclature représentent toutefois une proportion faible du volume des actes réalisés.
40. La concurrence entre les LBM se fait ainsi surtout sur des éléments indépendants du prix, comme la proximité géographique et la qualité des prestations et du service (horaires d’ouverture, délais des comptes rendu de résultats, éventail de l’offre d’analyses, qualité de l’accueil des patients, relation entre le biologiste et le patient etc.). Des accords conclus par des LBM avec des cliniques et des Ehpad peuvent en outre conférer un avantage concurrentiel à ces laboratoires, en raison du volume important d’examens que ces partenaires leur assurent.
41. Afin d’apprécier si une opération est susceptible de porter atteinte à la concurrence sur un marché, les lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations précisent que sont notamment examinés les parts de marché de la nouvelle entité et de ses concurrents et le degré de concentration du marché15. Ces deux critères sont appréciés au cas par cas par l’Autorité, qui tient également compte des caractéristiques et du mode de fonctionnement des marchés analysés.
42. Au niveau national, les parties ont fourni des estimations de parts de marché en valeur en excluant les laboratoires des hôpitaux publics. S’agissant de l’analyse au niveau des marchés locaux, il n’existe pas de données disponibles sur la taille de ces marchés. L’analyse locale a ainsi été menée dans un premier temps en volume, c’est-à-dire en nombre de sites.
43. Par ailleurs, ces estimations de parts de marché en nombre de sites ont été fournies sans tenir compte de l’activité des hôpitaux publics en matière de biologie médicale de routine, eu égard à l’absence de données précises. Pour les raisons exposées précédemment, ces derniers font partie du marché pertinent, sous réserve que leurs laboratoires soient équipés pour recevoir du public et réalisent des examens de routine qui ne sont pas réservés aux seules personnes hospitalisées.
44. Ainsi les parts de marché en volume retenues reposent sur une hypothèse particulièrement conservatrice, consistant à ne retenir que les parts de marché en nombre de sites des LBM privés, sans la prise en compte des LBM des hôpitaux publics
45. Sur cette base, lorsque la part de marché en nombre de sites de la nouvelle entité fournie par les parties est inférieure à 50 %, seuil généralement retenu pour présumer l’existence d’un pouvoir de marché important16, et que la concurrence des opérateurs alternatifs subsistant sur le marché a été jugée suffisante, l’Autorité a estimé pouvoir écarter tout risque d’atteinte à la concurrence, sans qu’une analyse concurrentielle plus poussée soit nécessaire.
46. En revanche, lorsque la part de marché en nombre de sites de la nouvelle entité fournie par les parties est supérieure à 50 %, l’Autorité a procédé à un examen approfondi de la situation concurrentielle, en recueillant notamment sur les chiffres d’affaires réalisés par les différents laboratoires publics et privés présents dans chacune des zones concernées, ce qui a permis de déterminer des parts de marché en valeur.
Analyse au niveau national
47. D’après les estimations communiquées par la partie notifiante, la part de marché cumulée des parties en valeur serait de [10-20] %. Par ailleurs, la nouvelle entité sera confrontée à la concurrence d’acteurs privés de dimension nationale, voire internationale, tels que Biogroupe, Synlab, Inovie ou Eurofins, ainsi qu’à la présence de nombreux hôpitaux publics.
48. Dès lors, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché national des examens de biologie médicale de routine par le biais d’effets horizontaux.
Analyse au niveau régional
49. Les activités des parties se chevauchent au sein des régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie.
50. Dans la région Nouvelle-Aquitaine, la part de marché de la nouvelle entité en nombre de sites détenus par des laboratoires privés est de [30-40] %.
51. Dans la région Occitanie, cette part est de [10-20] %.
52. Par ailleurs, outre la concurrence des laboratoires des hôpitaux publics, la nouvelle entité sera confrontée, dans ces deux régions, à la concurrence d’un grand nombre de laboratoires privés disposant d’un rayonnement national, tels que Synlab, Inovie, Novabio, Unilabs ou Biogroup.
53. Dès lors, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché des examens de biologie médicale de routine au niveau des régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie.
Analyse au niveau départemental
54. L’opération entraîne un chevauchement d’activités entre les parties dans deux départements, la Charente-Maritime (17) et les Hautes-Pyrénées (65).
Analyse des effets sur le département de la Charente-Maritime, dans lequel la part de marché de la nouvelle entité en nombre de sites de laboratoires privés est inférieure à 50 %.
55. La part de marché de la nouvelle entité en nombre de sites de laboratoires privés est de [40- 50] % (12 laboratoires pour Cerba et 1 laboratoire pour Labexa) dans le département de la Charente-Maritime.
56. La nouvelle entité fera toutefois notamment face à la concurrence de grands groupes de laboratoires privés, Bio 17 ainsi que Synlab disposant respectivement de 11 et 6 laboratoires.
57. Compte tenu de ces éléments, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence dans le département de la Charente-Maritime.
Analyse des effets sur le département des Hautes-Pyrénées, dans lequel la part de marché de la nouvelle entité en nombre de sites de laboratoires privés est supérieure à 50 %.
58. La part de marché de la nouvelle entité en nombre de sites de laboratoires privés est de [50- 60] % dans le département des Hautes-Pyrénées. Elle passe à [50-60] % en incluant les laboratoires des hôpitaux publics ouverts à une patientèle externe.
59. Avant l’opération, Cerba dispose dans les Hautes-Pyrénées de 7 sites17 et d’une part de marché en chiffre d’affaires pour 2020, incluant les laboratoires des hôpitaux publics, estimée à [40- 50] %. La cible, quant à elle, possède 1 site18, et une part de marché en chiffre d’affaires estimée à [0-5] %, de sorte que la part de marché en valeur de la nouvelle entité sera de [50-60] %.
60. Seul un groupe de biologie médicale privé concurrent, Inovie, est présent dans le département des Hautes-Pyrénées, avec une part de marché en valeur de [40-50] %. La pression concurrentielle des laboratoires des hôpitaux publics est faible puisque leur part de marché est de [0-5] %.
61. L’opération aura ainsi pour effet de renforcer la position du groupe Cerba, qui était déjà le principal opérateur de la zone et de faire disparaître l’un des deux opérateurs privés de la zone, alors même que l’offre des hôpitaux publics est limitée.
62. Compte tenu de ces éléments, le renforcement de la position de la nouvelle entité sur le marché considéré n’est pas compensé par une offre alternative crédible et suffisante de la part des opérateurs concurrents. Partant, l’opération est susceptible de porter atteinte à la concurrence dans le département des Hautes-Pyrénées. Cerba a toutefois proposé des engagements, analysés en section IV de la présente décision, afin de remédier à ce risque d’atteinte à la concurrence.
B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX
63. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l’accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts.19 Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l’entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval, ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l’entreprise intégrée refuse d’acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés.
64. En l’espèce, le groupe Cerba exerce une activité de prestations d’examens de biologie médicale spécialisés, avec une part de marché en valeur excluant les laboratoires des hôpitaux publics de [40-50] %. Le groupe Labexa est présent sur ce marché en tant que demandeur. Il convient dès lors de déterminer si l’opération est susceptible de limiter l’accès des laboratoires concurrents de la nouvelle entité au marché des examens de biologie médicale spécialisés.
65. Un tel risque peut toutefois être écarté dans la mesure où, d’une part, l’opération ne modifie pas les incitations de Cerba à fournir de tels examens aux laboratoires concurrents. En effet, Labexa, sous-traite déjà l'intégralité de ses examens de biologie médicale spécialisés à Cerba. De plus, Labexa ne représente qu’une très faible part du chiffre d’affaires réalisé par Cerba en matière d’examens de biologie médicale spécialisée. D’autre part, les laboratoires concurrents de la nouvelle entité continueront de disposer d’alternatives à Cerba, le groupe Eurofins Biomnis étant le principal opérateur privé proposant de telles prestations.
66. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux sur le marché des examens de biologie médicale spécialisés.
IV. Les engagements
67. Afin de remédier au risque d’atteinte à la concurrence identifié sur le marché des examens de biologie médicale de routine dans les Hautes-Pyrénées, la partie notifiante a déposé une proposition d’engagements dont le texte, joint en annexe, fait partie intégrante de la présente décision.
A. LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS
68. Les engagements proposés le 15 décembre 2021 par la partie notifiante ont pour but de remédier aux effets anticoncurrentiels que l’opération engendre par le biais d’effets horizontaux sur le marché des examens de biologie médicale de routine dans le département des Hautes-Pyrénées.
69. Afin de répondre aux préoccupations de concurrence identifiées dans le département des Hautes-Pyrénées, Cerba s’est engagé à céder à un acquéreur un site de laboratoire d’analyses médicales.
70. L’acquéreur devra être indépendant, juridiquement et commercialement du groupe Cerba ou du fonds d’investissement EQT. Il ne devra posséder aucun lien capitalistique, direct ou indirect
19 Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, point 670. avec ces derniers. L’acheteur devra également posséder les ressources financières et les compétences adéquates pour pouvoir préserver et développer, de manière viable, la capacité des actifs cédés à concurrencer activement la nouvelle entité dans le secteur de la biologie médicale.
71. Afin de préserver l’effet structurel de l’engagement, Cerba s’engage à ne pas acquérir une influence directe ou indirecte sur tout ou partie des actifs cédés pendant une période de dix ans à compter de la date de notification de la Décision.
72. Cerba s’engage enfin à nommer un mandataire indépendant, qui aura pour mission de s’assurer de la bonne exécution de l’ensemble de ses obligations, en particulier s’agissant de la mise en œuvre des conditions du processus de cession et du maintien de la viabilité, de la valeur marchande et de la compétitivité des actifs cédés.
B. L’APPRÉCIATION DES ENGAGEMENTS PROPOSÉS
1. SUR LES PRINCIPES DEVANT GUIDER L’APPRÉCIATION DES ENGAGEMENTS PROPOSÉS
73. S’agissant d’une concentration horizontale, l’Autorité recherche en priorité des mesures correctives structurelles, qui visent à garantir des structures de marché compétitives par des cessions d’activités à un acquéreur approprié, susceptible d’exercer une concurrence réelle, ou l’élimination de liens capitalistiques entre des concurrents20.
74. L’Autorité veuille à ce que ces engagements répondent à plusieurs critères :
- ils doivent être efficaces, c’est-à-dire qu’ils doivent permettre efficacement de remédier aux atteintes à la concurrence identifiées ;
- leur mise en œuvre ne doit pas soulever de doute, ce qui implique qu’ils soient rédigés de manière précise, sans ambigüité, et que les modalités opérationnelles pour les réaliser soient suffisamment détaillées ;
- leur mise en œuvre doit être rapide, la concurrence n’étant pas préservée tant qu’ils ne sont pas réalisés ;
- ils doivent être contrôlables21.
75. En l’espèce, les engagements proposés ont pour objet de limiter le renforcement d’activités entre les parties en préservant la structure concurrentielle du marché telle qu’elle prévalait avant l’opération.
76. En outre, l’efficacité des remèdes dépend de la cession des actifs concernés à un acquéreur approprié. Pour rétablir des conditions de concurrence suffisantes, le repreneur devra être capable de concurrencer la nouvelle entité de manière effective sur les marchés concernés.
77. Cela suppose que le repreneur présente toutes les garanties de viabilité et d’indépendance, tant juridique que commerciale, vis-à-vis de Cerba. Il devra donc être un acteur de biologie médicale, à la fois indépendant de Cerba et du fonds EQT et capable d’assurer l’exploitation pérenne des actifs cédés.
78. Enfin, l’acquisition du site concerné ne doit pas être susceptible de créer de nouvelles atteintes à la concurrence sur la zone concernée, en renforçant la position du seul concurrent déjà implanté.
2. SUR LE CARACTÈRE APPROPRIÉ DES ENGAGEMENTS PROPOSÉS
79. Les engagements proposés par la partie notifiante consistent en la cession du site de biologie médicale actuellement détenu par le groupe Labexa, situé à Maubourguet, dans le département des Hautes-Pyrénées (65700).
80. Cette mesure permettra de répondre aux préoccupations de concurrence identifiées dans ce département puisqu’elle supprime tout chevauchement d’activités entre les parties sur la zone considérée.
81. En conséquence, l’Autorité considère que les engagements proposés par la partie notifiante sont suffisants pour éliminer les atteintes à la concurrence résultant de l’opération.
DÉCIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 21-240 est autorisée sous réserve des engagements décrits aux paragraphes 67 à 81 ci-dessus et annexés à la présente décision.
NOTES :
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 Décisions de la Commission européenne COMP/M.4321 – Siemens/Bayer Diagnostic du 31 octobre 2006, COMP/M.4865 – Siemens/Dade Behring du 25 octobre 2007, COMP/M.5661 – Abbott/Solvay Pharmaceuticales du 11 février 2010, COMP/M.6175 – Danaher/Beckan Coulter du 16 juin 2011 et COMP/M.6944 Termo Fisher Scientific/Life Technologies du 26 novembre 2013.
3 Décision de l’Autorité de la concurrence n° 21-DCC-131 du 29 juillet 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Oriade- Noviade par le groupe Biogroup.
4 Décisions de la Commission européenne COMP/M.4321 – Siemens/Bayer Diagnostic du 31 octobre 2006, COMP/M.4865 – Siemens/Dade Behring du 25 octobre 2007, COMP/M.5661 – Abbott/Solvay Pharmaceuticales du 11 février 2010, COMP/M.6175 – Danaher/Beckan Coulter du 16 juin 2011 et COMP/M.6944 Termo Fisher Scientific/Life Technologies du 26 novembre 2013.
5 Point 169 et suivants de la notification en date du 22 novembre 2021.
6 Pour plus de précision, se référer à l’avis de l’Autorité de la concurrence n° 19-A-08 du 4 avril 2019 relatif aux secteurs de la distribution du médicament en ville et de la biologie médicale privée, § 1204 et suivants.
7 Décisions de l’Autorité de la concurrence n° 21-DCC-131 du 29 juillet 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Oriade- Noviale par le groupe Biogroup, n° 20-DCC-92 du 24 juillet 2020 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Dyomedea-Neolab par le groupe Biogroup, n° 20-DCC-90 du 17 juillet 2020 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Laborizon par le groupe Biogroup, n° 18- DCC-70 du 2 mai 2018 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Bio 7 par le groupe Cerba, n° 15-DCC-140 du 23 octobre 2015 relative à la prise de contrôle conjoint de laboratoires d’analyses médicales par la société Euromezzanine et les consorts Eimer, n° 15-DCC- 135 du 7 octobre 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Bio Alfras (groupe Biomnis) par la société Eurofins, n° 15-DCC- 93 du 13 juillet 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Bio-Access par la société Eurofins, n° 15-DCC-18 du 2 mars 2015 relative à l’acquisition de la société Novescia SAS par Cerba European Lab SAS, n° 10-DCC-78 du 19 juillet 2010 relative à l’acquisition de la société Cerba European Lab SAS par PAI Partners SAS, lettres du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi C2008-106 du 22 octobre 2008, aux conseils de la société FCPR Duke Street Capital VI, relative à une concentration dans le secteur de la biologie médicale, BOCCRF n° 10 bis du 22 décembre 2008, du 19 août 2003, aux conseils du groupe laboratoires Marcel Mérieux-Socamed, relative à une concentration dans le secteur des analyses de biologie médicale, publiée au BOCCRF n° 2004-07, du 11 décembre 2002, aux gérants de la société Astorg II, relative à une concentration dans le secteur des analyses biologiques médicales, publiée au BOCCRF n° 2004-04, et décision de la Commission européenne du 21 mai 2010, COMP/M.5805, 3i/Vedici Groupe.
8 Articles L. 6211-19 et D. 6211-17 du CSP.
9 Il n’en va pas de même dans l’ensemble des États membres. Ainsi, la Commission européenne a identifié un marché de soins hospitaliers privés au Royaume-Uni (décisions COMP/M.4367 – APW/APSA/Nordic Capital/ Capio du 16 mars 2007 et COMP/M.4788 – Rozier/BHS du 21 août 2007).
10 Décisions n° 21-DCC-131 du 29 juillet 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Oriade-Noviale par le groupe Biogroup, n° 20-DCC-38 du 28 février 2020 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Hexagone Santé Méditerranée et de la SCI Bonnefon- Carnot par le groupe Elsan,, n° 19-DCC-261 du 20 décembre 2019 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Mathilde Médical Développement par le groupe Vivalto Santé, n° 18-DCC-162 du 15 octobre 2018 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Capio par Ramsay Générale de Santé, n° 17-DCC-95 du 23 juin 2017 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe MédiPôle Partenaires par le groupe Elsan, n° 15-DCC-146 du 26 octobre 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de Vitalia par Vedici Holding (CVC Capital Partners), lettres du ministre chargé de l’économie C2007-91 au conseil de la société Vitalia Développement 2, relative à une concentration dans le secteur de l’offre de diagnostics et de soins en établissements de santé́, C2007-80 du 24 juillet 2007 au conseil de la société Vitalia Développement 1, relative à une concentration dans le secteur des établissements de soins en France, C2006-105 aux conseils de la société Capio santé SA, relative à une concentration dans le secteur de la production de diagnostics et de soins en établissement de santé du 26 octobre 2006 et décisions de la Commission européenne COMP/M.7725 du 28 août 2015 – Vedici/Vitalia, COMP/M.7221 du 24 avril 2014 – Bridgepoint Capital/Medipartenaires, et COMP/M.5805 du 21 mai 2010 – 3i/Védici Groupe.
11 Décisions de l’Autorité de la concurrence n°21-DCC-131 du 29 juillet 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Oriale- Noviale par le groupe Biogroup, n° 20-DCC-92 du 24 juillet 2020 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Dyomedea-Neolab par le groupe Biogroup, n° 20-DCC-90 du 17 juillet 2020 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Laborizon par le groupe Biogroup, n° 18- DCC-70 du 2 mai 2018 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Bio 7 par le groupe Cerba.
12 Cela nécessite néanmoins que les laboratoires des hôpitaux publics soient équipés pour recevoir du public extérieur, condition remplie le plus souvent mais pas systématiquement.
13 Article L. 6211-21 du CSP : « Sous réserve des coopérations dans le domaine de la biologie médicale menées entre des établissements de santé́ dans le cadre de conventions, de groupements de coopération sanitaire ou de groupements hospitaliers de territoire et sous réserve des contrats de coopération mentionnés à l’article L. 6212-6, les examens de biologie médicale sont facturés au tarif des actes de biologie médicale fixé en application des articles L. 162-1-7 et L. 162-1-7-1 du code de la sécurité́ sociale. »
14 Voir les décisions précitées.
15 Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, point 565 et suivants.
16 Lignes directrices précités, point 622.
17 Les sites du groupe Cerba dans le département des Hautes-Pyrénées sont les suivants : LBM - Tarbes Larrey, LBM - Séméac, LBM - Tarbes Arsenal, LBM - Tarbes Verdun, LBM - Lourdes République, LMB - Argelèse-Gazost, LBM - Lannemezan.
18 Le site du groupe Labexa est situé à Maubourguet.
20 Lignes directrices précitées, point 414
21 Lignes directrices précitées, point 354.