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Décisions

Cass. soc., 3 mai 2007, n° 05-43.863

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collomp

Rapporteur :

Mme Morin

Avocat général :

M. Cavarroc

Avocats :

SCP Gatineau, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Basse-Terre, du 2 mai 2005

2 mai 2005

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par le garage du Raizet, après avoir demandé l'organisation des élections des délégués du personnel auxquelles il s'est porté candidat, a été désigné délégué syndical le 10 mai 2002 ; qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 19 juin 2002 après mise à pied conservatoire ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur qui est préalable :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir annulé le licenciement du salarié prononcé sans autorisation administrative et de l'avoir condamné au paiement d'une indemnité pour violation du statut protecteur et de diverses sommes pour licenciement nul, alors, selon le moyen, que dans les entreprises de moins de cinquante salariés, seul le délégué du personnel titulaire peut être désigné délégué syndical et que cette irrégularité peut être invoquée à tout moment par voie d'exception ; qu'en l'espèce la cour d'appel a estimé que, quand bien même l'entreprise compterait moins de cinquante salariés d'une part et que, d'autre part, Philippe X... n'avait pas la qualité de délégué du personnel, il appartenait à l'employeur d'user de la seule voie légale de contestation de cette désignation telle qu'elle est indiquée dans l'article L. 412-15 du code du travail ; qu'en ne le faisant pas dans les délais de la loi conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article susvisé, la société intimée était face à une désignation purgée de tout vice et ne pouvait exciper ultérieurement d'une irrégularité pour priver le délégué du bénéfice des dispositions régissant le statut de délégué syndical ; qu'ainsi la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 412-11 et L. 412-15 du code du travail, ensemble le principe selon lequel l'exception de nullité est perpétuelle ;

Mais attendu que l'expiration du délai prévu par l'article L. 412-15 du code du travail interdit la remise en cause, même par voie d'exception, de la validité de la désignation d'un délégué syndical ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le pourvoi principal du salarié :

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'une somme au titre du licenciement illégal d'un salarié ayant sollicité l'organisation des élections de délégués du personnel et candidat à ces mêmes élections, alors, selon le moyen :

1/ qu'aux termes de l'article L. 425-1 du code du travail, lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant que le candidat n'ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement, l'employeur doit respecter la procédure de licenciement sur autorisation administrative prévue pour les salariés protégés, à peine de nullité ; que la cour d'appel a relevé que le salarié versait aux débats un courrier qu'il avait adressé à l'inspection du travail pour solliciter la mise en place d'élections du personnel ; que ce courrier rappelait également qu'il avait formulé cette demande verbalement à son employeur -ce qui n'était pas contesté par ce dernier ; qu'il s'en déduisait nécessairement que la société Garage du Raizet avait eu connaissance de l'imminence de la candidature de M. X... ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'employeur avait eu connaissance de l'imminence de sa candidature, ainsi que l'y invitait pourtant l'article L. 425-1 du code du travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de ce texte ;

1°/ que le salarié ayant demandé l'organisation d'élections bénéficie également de la qualité de salarié protégé ; que le salarié produisait aux débats un extrait du cahier de réclamations mis en place par l'employeur pendant une année et demi pour pallier l'absence de délégué du personnel, où l'on apprenait que M. X... avait sollicité l'organisation de telles élections ; qu'en ne procédant pas à l'examen, même sommaire, de ce document au contenu pourtant déterminant de l'issue du litige, et en se bornant à affirmer que M. X... ne prouvait pas avoir sollicité expressément son employeur sur ce point, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu que la sanction de la méconnaissance du statut protecteur, même lorsque cette violation est multiple, doit être égale au moins au montant des salaires dont le salarié a été privé depuis la date de son éviction jusqu'à la fin de la période de protection qui expire la dernière ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a alloué au salarié une indemnité correspondant à la période de protection qui expirait la dernière, n'a pas méconnu l'article L. 425-1 du code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième, troisième quatrième et cinquième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le sixième moyen :

Vu les articles L. 122-45 et L. 412-2 du code du travail ;

Attendu que pour rejeter la demande du salarié en réparation du préjudice subi au titre de la discrimination du fait de son appartenance syndicale, l'arrêt énonce que "force est de constater que même si le salarié se trouvait apparemment en première ligne sur les dispositifs revendicatifs manifestés (cahier de doléances) au sein de l'entreprise dépourvue d'organes représentatifs, sa qualité de délégué syndical est d'origine trop récente (10 mai 2002) au regard de la date de la rupture (19 juin 2002) pour que puissent s'appliquer ici les dispositions de l'article L. 122-45 du code du travail, la violation de la protection s'y attachant ayant été spécialement sanctionnée sur le fondement de l'annulation du licenciement (dont on peut certes admettre qu'il avait pour visée non exprimée de mettre un terme prématurément au mandat syndical), le salarié n'ayant pu souffrir jusqu'alors, au titre d'un mandat syndical si récent, d'un comportement discriminatoire de la part de l'employeur" ;

Attendu cependant, d'une part, qu'est nulle toute mesure discriminatoire en raison des activités syndicales d'un salarié et, d'autre part, que le salarié protégé licencié en violation du statut protecteur, outre la sanction de cette violation, a le droit d'obtenir non seulement les indemnités de rupture, mais une indemnité réparant l'intégralité du préjudice subi résultant du caractère illicite et le cas échéant discriminatoire de son licenciement ;

D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait eu un comportement discriminatoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le septième moyen :

Vu les articles L. 132-1, L. 135-2 du code du travail et 12 du nouveau code de procédure civile ;

Attendu qu'aux termes du premier alinéa du dernier de ces textes, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ;

Attendu que pour rejeter les demandes du salarié en paiement de rappel de salaire, prime de treizième mois et prime d'ancienneté et en rectification des bulletins de paie, la cour d'appel retient, d'une part, que l'existence de primes diverses et de l'avantage en nature constitué par le logement de fonction ne permet pas à la juridiction saisie de vérifier les critiques avancées par le salarié qui omet de présenter un décompte précis et allègue un accord sans le produire ;

Attendu, cependant, que si le juge n'est pas tenu de rechercher s'il existe un accord d'entreprise applicable au contrat de travail qui lui est soumis, il doit, lorsqu'une partie invoque un accord d'entreprise précis se procurer par tous moyens ce texte qui contient la règle de droit éventuellement applicable au litige, au besoin en invitant les parties à lui en faire parvenir un exemplaire ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes en dommages-intérêts pour discrimination syndicale et en paiement de rappel de salaire, de prime de treizième mois et de prime d'ancienneté ainsi qu'en rectification des bulletins de salaire, l'arrêt rendu le 2 mai 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée.