Livv
Décisions

Cass. 1re civ., 28 février 1995, n° 93-11.310

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grégoire

Rapporteur :

M. Chartier

Avocat général :

Mme Le Foyer de Costil

Avocats :

SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, Me Roger

Agen, du 8 déc. 1992

8 décembre 1992

Attendu, selon les énonciations des juges du fond et les productions, que la Société pour la location, la vente et le crédit d'équipement d'intérêt économique (Loveco) a assigné Mme X... en paiement d'une certaine somme qu'elle soutenait lui être due au titre du solde d'un prêt ; qu'un jugement d'un tribunal de commerce du 18 décembre 1991 a déclaré sa demande " irrecevable et non fondée " et l'a condamnée à payer à Mme X... la somme de 3 000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que les dépens ; que la société Loveco a subrogé dans ses droits la société Les Assurances du crédit le 20 décembre 1991 ; qu'elle a ensuite interjeté appel ; et que la société Les Assurances du crédit est intervenue à l'instance pendante devant la cour d'appel ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevable l'appel formé par la société Loveco, subrogeant, alors, selon le moyen, que, d'une part, la subrogation conventionnelle transmet au subrogé les droits et actions du créancier contre le débiteur ; qu'en subrogeant, le 20 décembre 1991, un assureur dans ses droits et actions concernant la créance litigieuse, le créancier lui avait, dès cette date, transmis son droit d'interjeter appel du jugement et, en conséquence, le subrogeant n'avait pas qualité ni intérêt, à la date du 6 mars 1992, à exercer cette voie de recours ; que, dès lors, en déclarant recevable son appel, la cour d'appel a violé les articles 1250.1°, du Code civil, ainsi que les articles 32 et 546 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, d'autre part, celui qui est subrogé dans les droits et actions d'une partie à l'instance acquiert par là même cette qualité ; qu'en déclarant que le subrogeant était dans l'obligation de relever appel afin de sauvegarder les intérêts du subrogé, au prétexte que ce dernier n'aurait pas été partie au jugement de première instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Mais attendu que toute partie condamnée a intérêt et qualité pour interjeter appel lorsqu'elle n'y a pas renoncé ; que, par ce motif de pur droit substitué en tant que de besoin à ceux qui sont critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée en tant qu'elle a déclaré recevable l'appel de la société Loveco ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir déclaré recevables l'intervention volontaire en cause d'appel du subrogé, la société Les Assurances du crédit, et sa reprise de l'instance d'appel introduite par le subrogeant, la société Loveco, alors, selon le moyen, que, d'une part, agissant dans la mesure des droits et actions que lui a transmis le subrogeant, le subrogé ne peut donc intervenir en cause d'appel, puisque, partie en première instance, le subrogeant lui a transféré le droit d'interjeter appel ; qu'en vertu de la quittance subrogative du 20 décembre 1991, le droit qu'avait alors le subrogeant, partie en première instance, de relever appel du jugement du 18 décembre 1991, avait été transmis au subrogé à qui il appartenait de l'exercer ; que, dès lors, en déclarant que ce dernier, subrogé dans les droits et actions du créancier, était recevable à intervenir volontairement en appel, la cour d'appel a violé à la fois l'article 1250.1°, du Code civil et l'article 554 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, d'autre part, en toute hypothèse, l'irrecevabilité de l'appel entraîne nécessairement celle de la reprise de l'instance ; que, dès lors, en déclarant recevable la reprise de l'instance d'appel, unique objet de l'intervention du subrogé, bien que l'appel du subrogeant eût été irrecevable, la cour d'appel a violé l'article 546 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que peuvent intervenir en cause d'appel, dès lors qu'elles y ont intérêt, les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ; et que l'intérêt dont doit justifier l'intervenant relève de l'appréciation souveraine des juges du fond ;

Et attendu, ensuite, que, l'appel de la société Loveco n'étant pas irrecevable, le moyen manque en fait ;

D'où il suit qu'il ne peut être accueilli ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;

Attendu que la cour d'appel, en statuant sur le fond, alors que Mme X..., qui n'avait conclu que sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Loveco, n'avait reçu aucune injonction de conclure, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, à l'exception de celles relatives à la recevabilité de l'appel de la société Loveco et de l'intervention de la société Les Assurances du crédit, l'arrêt rendu le 8 décembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen, autrement composée.