Cass. 1re civ., 9 septembre 2020, n° 19-13.755
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
Mme Canas
Avocats :
Me Haas, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Waquet, Farge et Hazan
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à Mme X... J... et à MM. N... et F... J... (les consorts J...) de leur reprise d'instance en qualité d'ayants droit d'V... J..., décédé le [...].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 8 janvier 2019), à la suite de désordres apparus sur leurs bateaux amarrés dans le port de Carnon, et de la réalisation d'expertises amiables pour en déterminer l'origine, Mme R..., V... J... et MM. L..., D... et U..., ainsi que leurs assureurs, les sociétés Axeria IARD, Allianz IARD et Axa France IARD, ont assigné en responsabilité et indemnisation la commune de Mauguio-Carnon (la commune) et son assureur, la société SMACL assurances. M. O..., propriétaire d'un navire assuré auprès de la société Axa France IARD, est intervenu volontairement à l'instance. Après que l'expert désigné par le juge de la mise en état a déposé son rapport et conclu que les dommages subis étaient imputables à la défectuosité de l'installation électrique du port, ayant pour origine un phénomène ou un appareil électrique à bord du voilier appartenant à M. W..., la société Groupama transports, devenue la société Helvetia assurances, a été attraite en la cause en sa qualité d'assureur de ce dernier.
3. La commune et son assureur ont été condamnés in solidum à payer différentes sommes en réparation des désordres à Mme R..., à MM. L..., D... et U..., à V... J... et aux sociétés Axeria IARD, Axa France IARD et Allianz IARD.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Axeria IARD et de Mme R..., pris en sa première branche, et sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Axa France IARD, des consorts J... et de MM. L..., D... et O..., pris en sa première branche, qui sont rédigés en des termes identiques, réunis
Enoncé du moyen
5. La commune, la société SMACL assurances, la société Axeria IARD, Mme R..., la société Axa France IARD, les consorts J... et MM. L..., D... et O... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes dirigées contre la société Helvetia assurances, alors « que le juge ne peut refuser d'examiner un rapport d'expertise judiciaire qui n'a pas été établi au contradictoire du défendeur, lorsque, régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, il est corroboré par d'autres éléments de preuve ; qu'en jugeant inopposable à la société Helvetia assurances le rapport d'expertise judiciaire au prétexte que cette dernière n'avait été ni appelée ni représentée aux opérations d'expertise, après avoir constaté que ce rapport, régulièrement versé aux débats, était corroboré par des rapports d'expertises amiables et des décisions administratives, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
6. Lorsqu'une partie à laquelle un rapport d'expertise est opposé n'a pas été appelée ou représentée au cours des opérations d'expertise, le juge ne peut refuser d'examiner ce rapport, dès lors que celui-ci a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties. Il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve.
7. Pour rejeter les demandes dirigées contre la société Helvetia assurances, l'arrêt relève que cette dernière a été attraite en la cause postérieurement au dépôt du rapport de l'expert judiciaire et qu'elle n'a été ni appelée ni représentée au cours des opérations expertales. Il ajoute que, s'agissant des expertises amiables réalisées à la demande des assureurs des propriétaires des navires endommagés et de la commune, les opérations ne se sont pas déroulées contradictoirement. Il en déduit qu'en l'absence d'autres éléments suffisamment probants, ces expertises amiables et judiciaire doivent être écartées des débats.
8. En statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, ces rapports d'expertise, régulièrement versés aux débats, avaient été soumis à la libre discussion des parties et se corroboraient mutuellement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Demande de mise hors de cause
9. Il y a lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, la société Allianz IARD et M. U..., dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par la commune de Mauguio-Carnon, la société SMACL assurances, la société Axeria IARD, Mme R..., la société Axa France IARD, les consorts J... et MM. L..., D... et O... à l'encontre de la société Helvetia assurances, l'arrêt rendu le 8 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.