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Décisions

Cass. 2e civ., 13 janvier 2022, n° 20-16.774

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

Mme Durin-Karsenty

Avocat :

SCP Célice, Texidor, Périer

Versailles, du 27 mai 2020

27 mai 2020

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Spie Batignolles génie civil du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [Z].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 mai 2020), l'établissement Pôle emploi a saisi une cour d'appel d'une requête en omission de statuer en vue de voir compléter le dispositif d'un précédent arrêt en date du 27 mars 2019 ayant statué dans un litige prud'homal opposant M. [Z] à la société Spie Batignolles TPCI, devenue Spie Batignolles génie civil. Après une réouverture des débats et plusieurs renvois, l'affaire a été de nouveau renvoyée au 16 mars 2020.

3. Un communiqué de presse du ministère de la justice, en date du 15 mars 2020 et diffusé le même jour par le Conseil national des barreaux, a annoncé que dès le lundi 16 mars 2020, les plans de continuation d'activité des services de la justice seraient actionnés pour lutter contre la propagation du Covid 19, avec la fermeture des juridictions sauf en ce qui concerne les services assurant le traitement des contentieux essentiels (audiences pénales urgentes, présentation devant le juge d'instruction et le juge des libertés et de la détention, audiences du juge des enfants pour les urgences, permanences du parquet, procédures d'urgences devant le juge civil notamment pour l'éviction du conjoint violent).

4. L'affaire a été retenue à l'audience du 16 mars 2020, la société Spie Batignolles n'ayant pas comparu.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. La société Spie Batignolles génie civil fait grief à l'arrêt de compléter le dispositif de l'arrêt du 27 mars 2019 en insérant les dispositions suivantes : « Dit que la société Spie Batignolles Génie Civil doit rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage qu'il a versées à M. [Z] à compter du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, et ce à concurrence de six mois d'indemnités », et de condamner la société Spie Batignolles génie civil à payer, à ce titre, à Pôle emploi la somme de 42 684,15 euros, alors « que le juge ne peut trancher un litige sur le fond sans que les parties aient été présentes ou représentées à l'audience et sans que celles-ci aient été mises en mesure de comparaître, y compris en matière de requête en omission de statuer ; qu'en l'espèce, la société Spie Batignolles Génie Civil faisait valoir qu'elle avait agi dans le respect des directives gouvernementales annonçant la fermeture des tribunaux et le report de l'ensemble des audiences à compter du lundi 16 mars 2020, sauf contentieux essentiels, de sorte qu'elle n'a ni comparu, ni été mise en mesure de comparaître à une audience qui, compte tenu de la situation sanitaire et des directives nationales, ne pouvait être tenue le 16 mars 2020 à 9 heures ; qu'en statuant néanmoins sur le fond de l'affaire et en affirmant que « les parties n'ayant pas comparu à l'audience du lundi 16 mars 2020 à 9 heures, qui n'était pas annulée, la cour statuera au vu des conclusions et pièces qu'elles ont déposées », la cour d'appel a violé les articles 14 et 463 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 14 et 463 du code de procédure civile, et l'article 6,§1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

6. Selon le premier de ces textes, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.

7. Selon le deuxième, en matière d'omission de statuer, le juge statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées.

8. Il résulte du troisième que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial.

9. L'arrêt relève que l'instance d'appel étant soumise au régime de la représentation obligatoire, les parties ont été dûment appelées, un avis d'audience leur ayant été adressé par le réseau virtuel, et qu'elles n'ont pas comparu à l'audience du lundi 16 mars à 9 heures, qui n'était pas annulée, de sorte que la cour a statué au vu des conclusions et pièces déposées.

10. En statuant ainsi, alors que la fermeture des juridictions, à l'exception des services assurant le traitement de contentieux essentiels, annoncée dans le communiqué de presse en termes généraux et affirmatifs, était de nature à induire en erreur la société Spie Batignolles génie civil en lui donnant l'assurance que l'affaire, fixée le lendemain à 9 heures, serait nécessairement renvoyée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.