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Décisions

Cass. com., 3 octobre 2006, n° 05-13.244

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Paris, 3e ch. A, du 18 janv. 2005

18 janvier 2005

Joint les pourvois n° Z 05-13.244 formé par la SCI Francann et Mme X... en qualité de mandataire ad hoc de la SCI Francann et n° B 05-14.373 formé par la société Cécile holding France, qui attaquent le même arrêt ;

Donne acte à la SCI Francann et à Mme X..., ès qualités, du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Cécile holding France et le comptable de la direction générale des impôts de Saint-Maur-des-Fossés ;

Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 18 janvier 2005), que la SCI Francann (la SCI) dont Mme X... était la gérante, a été mise en liquidation judiciaire le 28 mai 2002, M. Y... étant nommé liquidateur ; que le CCF (devenu HSBC) et la société Cécile holding France ont déclaré leurs créances respectives ;

Sur la recevabilité du pourvoi n° Z 05-13.244 formé par la SCI, contestée par le défense :

Attendu que la SCI est recevable à exercer par l'intermédiaire de Mme X..., son mandataire ad hoc, le droit propre qu'elle tient de l'article L. 621-105 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, à former un pourvoi en cassation contre l'arrêt qui statue sur une admission au passif de sa procédure collective ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° Z 05-13.244 :

Attendu que la SCI et Mme X..., ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir constaté que la déclaration de créance du CCF était régulière et d'avoir prononcé son admission au passif de la SCI à hauteur de 206 713,76 euros à titre hypothécaire et de 1 201,01 euros plus 3 000 euros à titre chirographaire, alors, selon le moyen, que la régularité des délégations de pouvoir subséquentes permettant au préposé d'une société de déclarer les créances de celle-ci s'apprécie au jour de ladite déclaration de créance; qu'en l'espèce, la déclaration de créance du CCF au passif de la SCI avait été faite le 10 juin 2002 par M. Z..., préposé de la banque, en vertu d'une délégation de pouvoir prise plus de cinq années avant, le 5 mars 1997, accordée par Mme A..., agissant elle-même en qualité de premier délégataire depuis une délégation de pouvoir datant de six années, précisément du 25 juin 1996 ; qu'en déclarant régulières en l'état lesdites délégations de pouvoir, sans rechercher comme elle y était invitée, si celles-ci étaient encore valables à la date du 10 juin 2002, notamment en vérifiant si la délégation dont bénéficiait M. Z... n'avait pas été révoquée depuis et si Mme A..., dont M. Z... tenait ses pouvoirs, était bien encore premier délégataire habilitée à cet effet à la date de la déclaration de créance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 621-43, alinéa 2, du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt retient que le CCF justifie par la production de la convention de détachement, pour la période du 10 janvier 1997 au 10 janvier 2000, et de la convention de renouvellement, pour la période du 13 janvier 2000 au 13 janvier 2003, qu'au moment où il a procédé à la déclaration de créance, M. Z... était détaché à la direction juridique du CCF dont il dépendait hiérarchiquement ; qu'il retient encore que le CCF produit l'ensemble des délégations de pouvoirs préexistantes à la déclaration de créance qui établissent que M. Z... était régulièrement habilité à agir en justice au nom du CCF et à déclarer les créances en cas de redressement ou de liquidation judiciaires ; que la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise et souverainement apprécié la valeur probante des documents produits, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi n° Z 05-13.244 :

Attendu que la SCI et Mme X..., ès qualités, font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen que, pour prononcer l'admission au passif de la SCI de la somme de 3 000 euros en plus des sommes de 206 713,76 euros et 1 201,01 euros, l'arrêt a relevé que "le CCF a, le 10 juin 2002, déclaré une créance au titre "d'un prêt hypothécaire à hauteur de 206 713,76 euros ainsi "qu'une créance de 1 201,01 euros à titre chirographaire "représentant le solde débiteur du compte courant de la "débitrice et une créance de 3 000 euros à titre chirographaire "correspondant aux frais de justice afférents à la saisie "immobilière mise en oeuvre en janvier 2000" ; qu'en statuant ainsi, alors que dans la déclaration de créances le CCF n'avait pas déclaré trois créances distinctes mais seulement deux créances d'un montant respectif de 206 713,76 euros et 1 201,01 euros, la somme de 3 000 euros comptée au titre des "frais de procédure évalués" étant déjà incluse dans le montant global de 206 713,76 euros, la cour d'appel a dénaturé ladite déclaration de créance et ainsi violé les articles L. 621-43 à L. 621-46 du code de commerce et 1134 du code civil ;

Mais attendu que, sous couvert de dénaturation, le pourvoi invoque une irrégularité de la décision en ce que celle-ci a accordé au CCF plus qu'il n'avait demandé ; que cette irrégularité ne pouvant être réparée que selon la procédure prévue aux articles 463 et 464 du nouveau code de procédure civile, le moyen n'est pas recevable ;

Et sur le moyen unique du pourvoi n° B 05-14.373 :

Attendu que la société Cécile holding France fait grief à l'arrêt d'avoir annulé sa déclaration de créance au passif de la SCI, alors selon le moyen :

1 / que les administrateurs d'une société anonyme sont fondés à déclarer les créances de cette personne morale au passif du redressement judiciaire de son débiteur ; qu'ainsi, en déclarant que la qualité d'administrateur n'est pas de nature à conférer à MM. B... et C... le pouvoir de déclarer une créance, la cour d'appel a violé l'article L. 621-43 du code de commerce ;

2 / qu'en tout état de cause, la déclaration de créance peut être effectuée par un préposé de la personne morale titulaire d'une délégation de pouvoirs lui permettant d'accomplir un tel acte ; que l'existence d'un lien de préposition ne suppose pas une autorité manifeste du commettant sur le préposé et la subordination effective de ce dernier ;

qu'est seul déterminant à cet égard l'intérêt du commettant à utiliser les services du préposé pour les besoins de son entreprise ; qu'ainsi, en affirmant que "le lien de préposition suppose que l'auteur de la déclaration soit sous l'autorité ou la subordination de la société créancière", sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Cécile holding France n'utilisait pas les services de MM. B... et C... pour les besoins de son activité, ce dont il résultait que MM. B... et C... étaient les préposés de la société Cécile holding France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-43, alinéa 2, du code de commerce ;

3 / que la déclaration de créance peut être effectuée par un préposé de la personne morale titulaire d'une délégation de pouvoirs lui permettant d'accomplir un tel acte ; qu'un lien de préposition existe en cas de mise à disposition du personnel d'une société tierce à la société créancière ; que, pour admettre ou refuser l'existence d'une mise à disposition de personnel, les juges du fond doivent comparer l'autorité respective de l'employeur et de l'utilisateur sur le personnel "prêté" ; qu'en se bornant à constater, pour écarter la mise à disposition du personnel de Cofimmobilier à la société Cécile holding France, la mission de contrôle des travaux de ce personnel par un "comité" composé du gérant de Cofimmobilier et de représentants de la société-mère de la société Cécile holding France, sans préciser, comme elle y était invitée dans les conclusions d'appel si cette dernière ne disposait pas en fait des pouvoirs de donner des ordres et des instructions à MM. B... et C... et de surveiller l'exécution de leurs travaux, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-43, alinéa 2, du code de commerce ;

4 / qu'en toute hypothèse, la déclaration de créance peut être effectuée par un tiers muni d'un pouvoir spécial ; qu'il peut être justifié de l'existence de ce pouvoir, à la date de la déclaration, jusqu'à ce que le juge commissaire statue sur l'admission de la créance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que MM. B... et C... disposaient d'un pouvoir spécial de la société Cécile holding France à la date de la déclaration et que ce pouvoir avait été transmis au liquidateur judiciaire avant que le juge-commissaire statue ; qu'ainsi, en annulant la déclaration de créance de la société Cécile holding France, motif pris que le pouvoir spécial n'avait pas été joint à la déclaration dans le délai légal de déclaration, la cour d'appel a violé les articles 416 et 853 du nouveau code de procédure civile, ensemble l'article L. 621-43, alinéa 2, du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir énoncé que la qualité d'administrateur d'une société anonyme ne confère pas le pouvoir de représenter la société en justice, l'arrêt retient que le pouvoir donné par le président du conseil d'administration de la société Cécile holding France à MM. B... et D..., leur avait été donné non pas en tant qu'ils étaient administrateurs de la société Cécile holding France mais en leur qualité respective de gérant et de préposé de la société Cofimmobilier ; que la cour d'appel en a exactement déduit qu'ils n'étaient pas habilités à agir en justice et à déclarer les créances comme administrateurs de la société Cécile holding France ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient souverainement que MM. B... et D... n'étaient pas les préposés de la société Cécile holding France, dès lors qu'ils n'étaient pas sous son autorité et sous sa subordination et qu'il ne résultait pas des conventions la liant à la société Cofimmobilier que celle-ci les avait mis à sa disposition ; que la cour d'appel, qui a effectué les recherches prétendument omises et constaté que le pouvoir spécial à l'effet de déclarer les créances dont ils devaient être munis avait été produit hors du délai de déclaration, en a exactement déduit que la déclaration était nulle ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.