Livv
Décisions

Cass. com., 14 mai 2013, n° 11-22.845

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

M. Le Dauphin

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Paris, du 31 mai 2011

31 mai 2011

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., administrateur, président du conseil d'administration et directeur général de la société anonyme Asterop (la société), a été révoqué de ses fonctions d'administrateur lors de l'assemblée des actionnaires réunie le 30 juin 2008 sans que ce point ait été inscrit à l'ordre du jour ; que faisant valoir que sa révocation était abusive, tant en raison de l'inobservation du principe de la contradiction que des circonstances à caractère vexatoire ayant entouré cette décision, M. X...a fait assigner la société en paiement de dommages-intérêts ; qu'il a, en outre, fait assigner aux mêmes fins M. Y...et six autres actionnaires (les actionnaires majoritaires) à qui il a reproché d'avoir commis un abus de droit en agissant de manière déloyale et d'avoir, en outre, méconnu les stipulations d'un pacte d'actionnaires auquel il était lui-même partie ;

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu que M. X...fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes dirigées contre les actionnaires majoritaires alors, selon le moyen :

1°/ que l'action concertée et déloyale des actionnaires en vue de révoquer un mandataire social constitue un abus dans le droit de révocation de ce dernier ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer que les actionnaires étaient en droit de refuser d'accorder le quitus, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la volte-face des actionnaires, qui, en qualité d'administrateurs, n'avaient émis aucune critique à l'égard de la gestion de M. X...lors du conseil d'administration qui avait précédé l'assemblée générale des actionnaires, puis, au cours de celle-ci, s'étaient d'abord donné quitus à l'unanimité avant de refuser ce même quitus à M. X...puis avaient voté sa révocation, ne caractérisait pas un abus par déloyauté dans le droit de révocation de ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, ensemble l'article L. 225-105 du code de commerce ;

2°/ que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer que les moyens et arguments des actionnaires étaient « étayés par des faits objectivement exacts », sans indiquer les éléments sur lesquels elle fondait cette affirmation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, ensemble l'article L. 225-105 du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant retenu, sans avoir à faire la recherche inopérante invoquée par la première de ces branches, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde, que M. X...ne rapportait la preuve d'aucun agissement caractérisant de la part des actionnaires majoritaires une volonté malveillante ou l'intention de lui nuire, la cour d'appel a légalement justifié sa décision d'écarter sa demande tendant à ce que ces derniers soient déclarés responsables des fautes qu'ils auraient personnellement commises en votant en faveur de sa révocation ; que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. X...fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que les conventions obligent non seulement à ce qui y exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ; que l'arrêt a relevé que l'article 11 (c) du pacte d'actionnaires litigieux prévoyait que " les parties s'engagent à faire en sorte qu'aucune décision ne soit prise, ni aucune action entreprise par la société concernant les questions énumérées ci-dessous (et notamment la nomination ou la désignation des personnes-clés et les conditions de leur emploi) sans l'autorisation préalable du conseil d'administration décidée à la majorité des 8/ 10èmes des administrateurs alors en fonction " ; que pour débouter M. X...de sa demande fondée sur la violation de ce pacte d'actionnaires, l'arrêt a retenu qu'aucune de ses dispositions de ce pacte n'évoque « expressément » la révocation d'une des personnes-clés ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas de l'article 11 (c) du pacte d'actionnaires que les parties avaient implicitement mais nécessairement entendu que ses dispositions soient également applicables, par parallélisme des formes, à la révocation des personnes-clés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1135 du code civil ;

2°/ que la circonstance qu'un pacte d'actionnaires ne puisse limiter le droit pour l'assemblée générale des actionnaires de révoquer à tout moment un administrateur n'exclut pas la responsabilité des personnes qui ont conclu le pacte en cas de méconnaissance de ses termes ; qu'en déboutant M. X...de son action en responsabilité personnelle des actionnaires pour avoir violé le pacte qu'ils avaient souscrits, au prétexte que le droit, pour l'assemblée générale des actionnaires, de révoquer à tout moment un administrateur ne saurait être limité par un pacte entre actionnaires, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

3°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen, en ce que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de l'intimé relativement aux conditions dans lesquelles le quitus lui a été refusé et a procédé par voie de simple affirmation concernant le bien fondé des arguments et moyens des actionnaires atteindra nécessairement le chef du dispositif par lequel elle a débouté l'intimé de sa demande tendant à voir condamner les actionnaires, par application de l'article 624 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'est illicite toute stipulation ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la libre révocabilité de l'administrateur d'une société anonyme ; qu'ayant relevé que l'interprétation du pacte d'actionnaires dont se prévalait M. X..., selon laquelle sa révocation de ses fonctions d'administrateur devait être préalablement autorisée par le conseil d'administration, aurait eu pour effet de limiter le droit de l'assemblée générale des actionnaires de révoquer à tout moment un administrateur, la cour d'appel en a déduit à bon droit que M. X...n'était pas fondé en sa demande tendant à la mise en oeuvre de la responsabilité des actionnaires en raison de l'inobservation de cette convention ;

Et attendu, en second lieu, que le rejet des deuxième et troisième branches du premier moyen rend la troisième branche sans portée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que la révocation d'un administrateur peut intervenir à tout moment et n'est abusive que si elle a été accompagnée de circonstances ou a été prise dans des conditions qui portent atteinte à sa réputation ou à son honneur ou si elle a été décidée brutalement, sans respecter l'obligation de loyauté dans l'exercice du droit de révocation ;

Attendu que pour rejeter les demandes de M. X...dirigées contre la société, l'arrêt, après avoir relevé qu'il résultait du procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale du 30 juin 2008 que cet administrateur avait obtenu des suspensions de séance, dont la durée totale dépassait trois heures, afin de lui permettre de contacter des tiers et de rédiger un communiqué, précise que la question de sa révocation n'a été mise au vote qu'après qu'il eut présenté ses observations écrites et orales ; qu'il ajoute que le principe de la contradiction suppose seulement que l'administrateur ait été mis en mesure de présenter ses observations préalablement à la décision de révocation et que tel a été le cas en l'espèce ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. X...avait eu connaissance des motifs de sa révocation avant qu'il fût procédé au vote, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la dernière branche du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. X...dirigées contre la société Asterop au titre du caractère abusif de sa révocation de ses fonctions d'administrateur, l'arrêt rendu entre les parties, le 31 mai 2011, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties en l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.