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Décisions

Cass. 1re civ., 14 avril 2010, n° 08-70.229

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Charruault

Rapporteur :

Mme Monéger

Avocat général :

M. Chevalier

Avocats :

SCP Monod et Colin, SCP Piwnica et Molinié

Versailles, du 2 nov. 2006

2 novembre 2006

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu que la société France Systèmes SA a acheté des ordinateurs portables à la société Apple computer international (ci-après Apple) ; que la société Kühne & Nagel chargée d'organiser le transport a sous-traité celui-ci à la société Tnt express ; que le 18 novembre 2002, la société France systèmes SA a déclaré n'avoir pas reçu les ordinateurs qui n'ont jamais été retrouvés ; que la société allemande Gustav F.Hübener GmbH, invoquant sa qualité de compagnie d'assurance subrogée dans les droits de la société Kühne & Nagel, a assigné la société Tnt express devant le tribunal de commerce de Nanterre en paiement des sommes qu'elle prétendait avoir versées ;

Attendu que la société Gustav F.Hübener GmbH fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 2 novembre 2006) d'avoir déclaré irrecevables ses demandes, alors, selon le moyen, que :

1°/ que la règle « nul ne plaide par procureur » trouve à s'appliquer dans le cas où une partie soumet au juge une demande qui n'a pas vocation à satisfaire un droit qui lui est propre, le droit invoqué étant celui d'un tiers qui recevra le bénéfice exclusif de la réussite de l'action ; qu'en l'espèce, la société Gustav Hübener a saisi le juge d'une action tendant au remboursement, par le responsable d'un sinistre la société Tnt express, de l'indemnité qu'elle avait elle-même versée à la victime, son assurée ; qu'en se déterminant, pour dire l'action en paiement exercée par la société Gustav Hübener irrecevable, par le fait que celle-ci agissait en son nom mais pour le compte de ses co-assureurs, la cour d'appel qui s'est abstenue d'apprécier l'objet du litige et les limites de sa saisine telles que déterminées par l'assignation délivrée par le demandeur ainsi que l'identité des parties en présence devant elle a, en statuant ainsi, violé par fausse application le principe susvisé et méconnu les articles 1er et 4 du code de procédure civile ;

2°/ que conformément à l'article 30 du code de procédure civile, le droit d'agir défini comme le droit pour l'auteur d'une prétention d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée est régi, s'agissant de la qualité et de l'intérêt pour agir, par la loi applicable au fond du litige ; qu'en l'espèce, la société Gustav Hübener qui, pour le droit allemand auquel elle est soumise, est « assekuradeur », a qualité et intérêt pour agir, devant un tribunal français, aux fins d'être remboursée, par l'auteur du sinistre, de l'indemnité versée à la victime, conformément à sa qualité d'assureur stipulée dans la police d'assurance ; qu'en décidant que l'action en paiement exercée par la société Gustav Hübener contre la société Tnt express n'était pas recevable, faute pour la société Gustav Hübener d'agir pour son compte et d'y avoir intérêt, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 31 du même code et les règles applicables au conflit de lois ;

3°/ que conformément au principe selon lequel la loi de l'institution pour le fonctionnement de laquelle le droit d'agir est accordé s'applique à la subrogation, l'intérêt pour agir de la partie qui se prévaut de la subrogation s'apprécie au regard de la loi de l'institution ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la société Gustav Hübener a payé, en qualité d'assureur, à la victime l'indemnité d'assurance prévue par la police et a, en conséquence, intérêt à agir aux fins d' obtenir du responsable du sinistre le remboursement de l'indemnité versée ; qu'en s'abstenant de rechercher si la subrogation invoquée par la société Gustav Hübener ne lui conférait pas intérêt pour agir en paiement auprès de la société Tnt express, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la règle susvisée, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;

Mais attendu que faisant application du droit allemand régissant le contrat d'assurance en cause pour déterminer la qualité à agir de la société Gustav F.Hübener GmbH, l'arrêt relève d'abord, que cette société est une "agence" intervenant "au nom des co-assureurs", qu'en la qualité d'"assekuradeur" dont elle se prévaut, elle n'est pas l'assureur couvrant le risque, mais titulaire d'un mandat général pour agir en justice devant les juridictions allemandes pour le compte de ses mandantes ; qu'il constate, ensuite, que la société Gustav F.Hübener GmbH indique agir en France en son nom et pour le compte de l'ensemble des co-assureurs en produisant aux débats des pouvoirs rédigés en termes généraux ; que la cour d'appel en a justement déduit que ces mandats généraux ne satisfont pas aux principes régissant l'action en justice devant les juridictions françaises, lesquels s'appliquent à toutes instances introduites en France, quelle que soit la loi gouvernant le fond du litige ou la loi en vertu de laquelle le demandeur indique agir pour le compte d'autrui, de sorte que la cour d'appel a décidé, à bon droit, que, faute de justifier d'un mandat spécial de chacun de ses mandants, la société Gustav F.Hübener GmbH était irrecevable à agir en France contre la société Tnt express en application de l'article 31 du code de procédure civile ; que la cour d'appel qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.