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Décisions

Cass. crim., 6 janvier 1992, n° 90-87.093

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Culié

Avocat général :

M. Galand

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, Me Le Prado

Paris, du 29 oct. 1990

29 octobre 1990

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation commun aux époux Z... et pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 81, 83, 84 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a écarté l'exception de nullité tirée de ce que l'ordonnance de renvoi et l'ordonnance de maintien en détention avaient été signées par Mme le juge Manes ;

"alors d'une part, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 81, 83 et 84 du Code de procédure pénale que la désignation du magistrat instructeur ou son remplacement par un autre juge, même sous la forme d'un tableau de roulement, doit figurer au dossier de la procédure en original ou en copie certifiée conforme par le greffier sur laquelle est apposée la signature originale de l'auteur dès avant la clôture de la procédure par l'ordonnance de renvoi, l'ordonnance de transmission de pièces ou l'ordonnance de non-lieu, et que la cour d'appel qui a admis le procédé selon lequel le représentant du ministère public devant la juridiction devant laquelle la nullité de la procédure tirée de l'absence de cette pièce essentielle au dossier est invoquée, a le pouvoir de régulariser la procédure en versant aux débats l'ordonnance manquante, a violé les articles 81, 83 et 84 du Code de procédure pénale ; 

"alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, la chambre criminelle est en mesure de s'assurer que l'ordonnance désignant Mme C... ne figure pas au dossier de la procédure ;

"alors, enfin, que l'ordonnance de renvoi correctionnel opérant le dessaisissement d'un précédent juge d'instruction excède le cadre juridique de la suppléance" ;

Attendu que, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 6 juillet 1989, modifiant l'article 83 du Code de procédure pénale, la désignation du juge d'instruction par le président du tribunal constitue un acte d'administration judiciaire dont les modalités échappent d au contrôle de la Cour de Cassation ; 

Que, dès lors, les irrégularités éventuelles dont cet acte serait affecté ne sauraient entacher de nullité la procédure ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé en faveur de Renée B..., épouse Z... et pris de la violation de l'article 460 du Code pénal, des articles 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, des principes généraux du droit, défaut de motifs, manque de base légale ; 

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Renée B..., épouse Z..., coupable du délit de recel ; 

"alors, d'une part, que nul n'est passible de peines qu'à raison de son fait personnel et que comme le soutenait Renée B..., épouse Z... dans ses conclusions délaissées de ce chef, la simple cohabitation conjugale avec une personne reconnue coupable de recel ne permet pas de justifier une condamnation de son conjoint pour le même délit ;

"alors, d'autre part, que le seul fait pour une épouse d'avoir connaissance de recels commis par son mari, même au domicile conjugal, ne suffit pas à caractériser à son encontre les éléments constitutifs du délit de l'article 460 du Code pénal ; 

"alors, enfin, que l'énonciation purement hypothétique selon laquelle Renée B..., épouse Z... a nécessairement profité des sommes d'argent que son mari retirait de ses activités délictueuses ne permet pas, en l'absence de toute précision à cet égard, de caractériser l'élément matériel du délit de recel" ;

Attendu que, pour condamner Renée B..., épouse Z... du chef de recel, l'arrêt attaqué retient que malgré ses dénégations la prévenue ne pouvait ignorer que l'accumulation exceptionnelle d'objet d'art, en quantité et en valeur, à laquelle se livrait son mari, tant au domicile conjugal que dans leur résidence de campagne ou dans l'appartement de leur fille, avait une origine frauduleuse, alors qu'aucun des époux n'exerçait une activité professionnelle et que leurs revenus déclarés au fisc entraînaient une imposition annuelle inférieure à 10 000 francs ; qu'au surplus, les juges du second degré relèvent que la d culpabilité de Renée B... est confirmée par les accusations répétées de son coprévenu Trontin ; 

Attendu qu'en l'état des énonciations de l'arrêt attaqué d'où il résulte que l'intéressée a détenu personnellement des objets dont elle connaissait la provenance délictuelle, la cour d'appel, a sans insuffisance, caractérisé en tous ses éléments tant matériels qu'intentionnel le délit de recel dont Renée B... a été reconnue coupable ;

Que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne peut être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation commun aux époux Z... et pris de la violation des articles 460 et 55 du Code pénal, des articles 203, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné les époux Z... à réparer le préjudice subi par les parties civiles solidairement avec d'autres prévenus condamnés pour recel de vols ou complicité de ce délit; "aux motifs propres, d'une part, que les faits de recel retenus à l'encontre de Z... portent sur l'ensemble des objets dérobés aux 58 victimes énumérées dans la prévention ; qu'en effet, il est établi que Z... revendait partie des objets qu'il recelait ; qu'il a ainsi été mis en cause par des antiquaires étrangers tels que Gliquet et Maletti, comme fournisseur habituel d'objets d'origine douteuse ; que la quantité desdits objets retrouvés en sa possession, leur valeur estimée à plusieurs millions de francs, leur diversité, englobant presque tous les domaines de l'art, la multiplicité des moyens de transport qu'il a utilisés, à savoir 21 containers en quatre années, 3 véhicules, conduisent nécessairement à la conclusion que Z... recelait l'ensemble des objets provenant d'un vol ;

"aux motifs, repris des premiers juges, d'autre part, que chacune des parties civiles est fondée à réclamer aux receleur une partie des objets qui leur ont été dérobés au cours du même vol, la réparation de l'entier préjudice résultant dudit vol, dès lors qu'il résulte clairement de ce qui a été dit à propos de l'action publique que l'ensemble des faits poursuivis procédait d'une conception unique et d'une organisation d cohérente, bien que les auteurs des vols ne soient pas poursuivis en même temps que les receleurs ni même identifiés" ;

"alors, d'une part, que si la solidarité prévue à l'article 55 du Code pénal permet de mettre l'indemnisation de la totalité du préjudice à la charge d'un receleur qui n'a reçu et ne détient qu'une partie des objets volés, c'est à la condition que tous les receleurs détenant l'ensemble du butin soient connus et condamnés, et que l'arrêt qui n'a pas constaté que cette condition ait été remplie a violé les dispositions de l'article 55 du Code pénal" ;

"alors, d'autre part, que si le receleur qui n'a reçu qu'une partie des objets provenant du délit est solidairement responsable avec l'auteur principal de la totalité des dommages et intérêts, c'est à la condition que la condamnation s'applique tant à l'auteur identifié du délit qu'au receleur ; que tel n'était pas le cas en l'espèce" ;

"alors, enfin que les motifs de l'arrêt attaqué n'établissent aucunement qu'il y avait connexité entre les multiples vols commis pour la plupart des inconnus et les recels imputés aux prévenus" ;

Attendu que, pour condamner les époux Z..., solidairement entre eux et avec leurs coprévenus Trontin et Cugnod, à réparer l'entier préjudice subi par les parties civiles, la cour d'appel, après avoir constaté la connexité des infractions reprochées aux époux Z... et à leurs complices, précise que les faits de recel retenus à l'encontre de Z... portaient sur l'ensemble des objets dérobés aux 58 victimes ;

Attendu que dès lors, le moyen, qui manque en fait, ne saurait être admis ; 

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois.