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Décisions

Cass. crim., 13 juin 1996, n° 95-85.007

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Roman

Avocat général :

M. Cotte

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Rennes, 3e ch., du 7 sept. 1995

7 septembre 1995

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 510, 592 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce qu'il résulte de l'arrêt attaqué que l'affaire a été instruite et plaidée aux audiences du 7 juin 1994, ainsi qu'à celle du 15 juin 1995, mais que la composition de la cour d'appel était différente à ces deux audiences;

"alors que, aux termes de l'article 592 du Code de procédure pénale, sont nulles les décisions qui ont été rendues par des juges qui n'ont pas assisté à toutes les audiences de la cause, c'est-à-dire au cours desquelles l'affaire a été instruite, plaidée ou jugée";

Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'après exécution d'un supplément d'information ordonné par un arrêt avant dire droit dans une autre composition, le président a à nouveau constaté l'identité des prévenus et qu'un rapport a été fait; d'où il se déduit que les débats ont été rouverts;

Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 460 et 461 du Code pénal (321-1 et suivants du nouveau Code pénal), de l'article 121-3 alinéa 1er du nouveau Code pénal, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, renversement de la charge de la preuve;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yves X... et Christophe X... coupables de recel de véhicules volés;

"aux motifs qu'en cette qualité de professionnels de l'automobile, tous deux, ayant personnellement réceptionné les véhicules, n'ont pu faire l'économie d'un examen approfondi de ceux-ci avant leur livraison sans avoir pris la mesure des multiples maquillages les affectant, lesquels ont pu, par contre, passer inaperçus lors de contrôles administratifs nécessairement plus superficiels; qu'au surplus les transactions ont été ponctuées de diverses anomalie et irrégularité : règlements systématiques en espèces ne permettant pas de vérifier l'authenticité des prix de vente, dédouanements opérés au nom des tiers pour bénéficier de la TVA rémanente; qu'aucune explication satisfaisante n'apparaît de nature à justifier l'ouverture fin 1991 par Yves X..., simple particulier, et son épouse, gérante de la SARL "Le Forum du Particulier", du compte joint BBL; que de tels éléments constituent un faisceau d'indices suffisant à établir la connaissance qu'avaient Yves et Christophe X... de l'origine frauduleuse des véhicules;

"alors, d'une part, que les juges du fond, qui constataient, notamment, que les maquillages affectant les véhicules réceptionnés par les prévenus avaient pu passer inaperçus lors des contrôles administratifs effectués sur ces véhicules, ne pouvaient, sauf à ériger une simple faute civile d'imprudence en délit pénalement sanctionné, à faire échec à la présomption d'innocence et à renverser la charge de la preuve, reprocher aux prévenus d'avoir pu faire l'économie d'un examen approfondi des véhicules et déduire leur prétendue connaissance de l'origine frauduleuse des véhicules de circonstances manifestement insusceptibles de démontrer cet élément constitutif du délit de la prévention, telles que les règlements en espèces ne permettant pas de vérifier l'authenticité des prix de vente, les dédouanements opérés au nom de tiers pour bénéficier de la TVA rémanente, voire même l'absence d'explications satisfaisantes concernant l'ouverture par Yves X... et son épouse d'un compte joint BBL, alors même qu'il appartenait à la partie poursuivante de rapporter la preuve des éléments constitutifs du délit et non aux prévenus de prouver leur innocence;

"alors, d'autre part, que, le délit de recel étant un délit intentionnel, l'existence d'une imprudence ou d'une négligence au sens de l'article 339 de la loi d'adaptation du nouveau Code pénal ne saurait, en toute hypothèse, suffire à caractériser le délit, à défaut de l'intention coupable exigée par l'article 121-3 alinéa 1er du Code pénal";

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en ses éléments tant matériels qu'intentionnel, sans renverser la charge de la preuve, le délit dont elle a reconnu les prévenus coupables et justifié l'allocation, au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer les préjudices découlant de cette infraction;

Que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 750, 751, ensemble de l'article 591 du Code de procédure pénale;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la contrainte par corps à l'encontre de Yves X...;

"alors qu'il résultait des mentions mêmes de l'arrêt attaqué qu'Yves X... était né le 12 mars 1930; qu'il avait donc plus de 65 ans lorsque est intervenue la condamnation le 7 septembre 1995, et qu'ainsi, en vertu des dispositions de l'article 751 du Code de procédure pénale selon lesquelles "la contrainte par corps ne peut être prononcée (...) contre les personnes âgées d'au moins 65 ans au moment de la condamnation", cette mesure ne pouvait être ordonnée à son encontre";

Vu ledits articles ;

Attendu que la contrainte par corps ne peut être prononcée contre les personnes âgées d'au moins 65 ans au moment de la condamnation;

Attendu qu'en prononçant cette mesure alors que le jour de la condamnation Yves X... avait plus de 65 ans, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé; que, dès lors, la cassation est encourue de chef;

Par ces motifs ;

CASSE et ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 7 septembre 1995, mais par voie de retranchement, en ses seules dispositions ayant prononcé la contrainte par corps contre Yves X..., toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues;

Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.