Cass. crim., 25 juin 1991, n° 90-87.515
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Zambeaux
Rapporteur :
Mme Guirimand
Avocat général :
Mme Pradain
Avocat :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur les trois moyens de cassation produits pour Monsieur X... et pris :
Le premier de la violation des articles 6-1 et 6-3 d de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 214, 215, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que la chambre d'accusation n'a pas ordonné l'audition personnelle et contradictoire des membres de la famille A... sur la présence de Monsieur X... en Suède entre le 28 juin 1986 et le 5 juillet 1986, circonstance de nature à établir l'impossibilité de toute participation du requérant aux crimes qui lui sont reprochés ; "aux motifs qu'après avoir déclaré ne plus se souvenir de son emploi du temps du 3 juillet 1986, (l'inculpé) soutient qu'il se trouvait alors en Suède, pour l'anniversaire de son amie (Mademoiselle A...) et dans la famille de celle-ci ; les parents de Mademoiselle A... ne purent confirmer ou démentir ce fait ; contrairement à Monsieur X..., ils affirmèrent que le futur mari de leur fille n'y était pas puisqu'il ne la fréquentait pas encore ; le passeport de Monsieur X... ne porte aucune mention relative à un voyage en Suède à cette époque (...) ; par son mémoire, (il) sollicite un supplément d'information tendant à l'audition par le magistrat instructeur des membres de la famille A... (...) ; il apparaît cependant que les recherches entreprises pour vérifier l'alibi invoqué par Monsieur X... qui a prétendu se trouver en Suède à l'époque du vol sont suffisantes (arrêt p. 18) ;
"1° alors, d'une part, que pour refuser de faire droit à la demande de l'inculpé tendant à l'audition en présence du juge d'instruction de témoins susceptibles d'établir son innocence, la chambre d'accusation a estimé suffisantes les investigations policières entreprises lors même qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que les propos des époux A... ne permettaient, en l'état, ni de confirmer ni de démentir l'alibi de Monsieur X... ; qu'en se déterminant ainsi à la faveur de motifs contradictoires, la chambre d'accusation a méconnu l'égalité des armes entre la défense et l'accusation ; d "2°) alors que, d'autre part, une instruction ne saurait être considérée comme complète en l'absence d'audition d'un témoin essentiel à décharge dès lors qu'elle a été sollicitée par la défense : que les droits garantis à l'accusé par l'article 6.1 d de la Convention européenne doivent sur ce point être effectifs au stade de l'information préalable et ne sauraient être différés à l'audience de jugement devant la cour d'assises" ; Le deuxième pris de la violation des articles 6.1 et 6.3 d de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 214, 215, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ensemble violation des droits de la défense ; "en ce que la chambre d'accusation a refusé d'ordonner la confrontation de Monsieur X... avec les coïnculpés Monsieur B... et Madame C... dont les premières déclarations, ultérieurement rétractées, avaient mis en cause le demandeur ; "aux motifs qu'il convient d'indiquer que Monsieur B... et sa compagne Madame C... dénoncèrent dans un premier temps Monsieur X... comme étant l'un des auteurs du vol, Monsieur B... ayant alors déclaré qu'il y avait lui-même pris part, et Madame C... ayant fait cette déclaration après avoir reçu les confidences de son concubin et avoir vu une valise et un sac qui contenaient des armes, des gants, des perruques, des moustaches, des sacs de jute et des billets de banque qui auraient été emportés ; Monsieur B... et Madame C... se rétractèrent ; Monsieur X... demande qu'ils soient entendus à nouveau et séparément et en sa présence pour que soit dissipé le soupçon qui pèserait sur lui d'avoir exercé des pressions sur ces deux personnes ; il apparaît néanmoins que Monsieur B... et Madame C... se sont totalement expliqués sur leurs déclarations successives, certains des procès-verbaux des explications du premier ayant même donné lieu à des examens comparatifs de signatures ; l'information est donc complète sur ce point (arrêt p. 17 et 18) ; "alors que les explications fournies par les déclarants sur leurs propos rétractés ne sauraient priver la défense de son droit d'obtenir une confrontation régulière garantie par l'article 6.3 d de la Convention européenne de sauvegarde" ;
Le troisième pris de la violation des articles 379 et 384 alinéa 2 du Code pénal, 341 et 343 d alinéa 1 du même Code, 214, 215, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que la chambre d'accusation a prononcé la mise en accusation de Monsieur X... devant la cour d'assises du chef de vol aggravé par port d'arme et du chef de séquestration d'otages pour favoriser la fuite ou assurer l'impunité des auteurs ou complices du vol aggravé ; "aux motifs que (...) les déclarations rétractées de Monsieur B..., l'analyse de billets de banque qu'il transportait lors de son interpellation en Suisse, sa reconnaissance comme étant l'un des individus qui se trouvaient sur le parking de Pornichet quelques heures avant le vol et ses relations habituelles avec nombre des individus impliqués dans l'affaire constituent des charges suffisantes pour prononcer le renvoi de Monsieur X... devant la juridiction de jugement pour y répondre des crimes de vol à main armée et séquestration de personnes comme otages (arrêt p. 18 et 19) ; "alors que par de tels motifs, la chambre d'accusation n'a pas décrit et caractérisé les faits justifiant la mise en accusation du requérant" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que la chambre d'accusation, après avoir exposé les circonstances dans lesquelles a été commis, le 4 juillet 1986, au préjudice de la Banque de France, à St Nazaire, un vol avec port d'arme et séquestration de personnes prises comme otages, rapporte les conditions dans lesquelles Monsieur X... a été interpellé le 14 février 1987, sous une fausse identité, en possession d'une importante somme d'argent dont il serait établi qu'une partie serait constituée de billets de banques provenant du vol en cause ; que les juges relèvent qu'un témoin a reconnu l'inculpé comme étant présent sur les lieux du vol au moment de sa commission ; qu'ils rapportent encore l'existence des relations entre Monsieur X... et d'autres inculpés qui ont, durant l'information, porté des accusations contre celui-ci au sujet de sa participation aux faits reprochés ;
Attendu qu'en cet état, l'arrêt attaqué qui a répondu aux articulations essentielles du mémoire déposé pour Monsieur X... n'encourt pas les griefs des moyens ;
Que d'une part, il appartient à la chambre d'accusation, saisie d'une demande de complément d'information, d'apprécier au vu des éléments de l'information, qu'elle a exposés sans insuffisance ni contradiction, l'opportunité des mesures sollicitées et qu'elle a en l'espèce, déclarées n'être pas nécessaires ;
Que, d'autre part, ce refus ne saurait constituer une violation de l'article 6 1 et 3d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont les dispositions concernent seulement la juridiction de jugement devant laquelle les droits des demandeurs demeurent entiers ;
Qu'enfin, les chambres d'accusation, en statuant sur les charges de culpabilité, apprécient souverainement tous les éléments constitutifs des crimes et délits ; que la Cour de Cassation n'a d'autre pouvoir que de s'assurer si la qualification qu'elles ont donnée aux faits justifie le renvoi de l'inculpé devant la cour d'assises ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Monsieur Z... et pris de la violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure de flagrant délit suivie à l'encontre de Monsieur Z... ;
"aux motifs que l'importante somme d'argent qu'il transportait et détenait, les armes et matériels pour tester les métaux trouvés à son domicile, saisis de manière incidente à l'occasion de l'exécution d'une commission rogatoire, constituent des indices apparents et suffisants d'un comportement délictueux révélant l'existence d'une infraction flagrante au sens de l'article 53 du Code de procédure pénale ; que le recel dont il a été alors justement suspecté compte tenu de ces éléments, est en effet, une infraction continue qui se commet à tout moment, jusqu'à sa constatation ; qu'ainsi, aucune nullité ne saurait être constatée ;
"alors que l'enquête de flagrance n'étant légalement autorisée que dans les cas limitativement prévus par l'article 53 du Code de procédure pénale, et supposant, lorsqu'il s'agit d'une infraction ayant lieu ou venant d'avoir lieu, qu'elle soit révélée par des d indices apparents de cette commission, la seule circonstance d'être trouvé porteur d'une somme d'argent même importante, ne saurait laisser présumer l'existence d'une quelconque infraction ni par conséquence celle d'un recel dont l'indice apparent ne saurait bien évidemment résulter de la simple détention d'éléments externes de nature à permettre de légitimement suspecter le caractère régulier de cette possession" ;
Attendu qu'il appert de l'examen du procès-verbal de la perquisition opérée le 11 juillet 1986, critiquée au moyen, que celle-ci a été effectuée en vertu de la commission rogatoire délivrée le 10 juillet précédent par le juge d'instruction informant sur le vol commis le 4 juillet 1986 à St Nazaire ; qu'il s'ensuit que, dès lors que les sommes d'argent comme les objets trouvés à cette occasion laissaient présumer que l'inculpé commettait à ce moment une infraction au sujet de laquelle il y avait lieu de procéder à des vérifications, c'est sans encourir le grief allégué que la chambre d'accusation a refusé de prononcer la nullité de la procédure suivie contre Monsieur Z... ;
Qu'ainsi, le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour Monsieur Z... et pris de la violation des articles 56, 59, 567, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motif et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité tenant à la violation des dispositions de l'article 56 du Code de procédure pénale ;
"aux motifs que la nullité des actes ne peut être prononcée que lorsque l'inobservation de ces dispositions a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ; qu'en l'espèce, le seul fait que les officiers de police judiciaire aient attendu 26 heures pour placer sous scellés les fonds saisis entre les mains de Monsieur Z... n'est pas de nature à porter atteinte aux droits de celui-ci et à vicier la procédure dès lors que toutes les opérations ont été accomplies pendant le temps de la garde à vue de l'inculpé et avant la transmission de la procédure à l'autorité judiciaire, et dès lors que les enquêteurs se sont trouvés dans le même temps dans l'obligation de procéder à de multiples investigations et d'analyses et d d'inventorier de très nombreux objets, documents et fonds saisis ; que la seule erreur ou contradiction dans le calcul de la somme appréhendée alléguée par Monsieur Z... au demeurant minime (20 000 francs) par rapport aux fonds dont le recel lui est imputé (8 600 000 francs) ne constitue pas une méconnaissance des textes légaux précités pouvant entacher la procédure de nullité" ;
"alors que la décision de renvoi prise par la chambre d'accusation reposant principalement sur une comparaison entre le pourcentage de billets provenant du vol à main armée de la banque de France de Saint-Nazaire trouvés et l'ensemble des coupures saisies au cours de l'enquête et celui figurant dans le circuit fiduciaire normal (arrêt p. 13), la chambre d'accusation ne pouvait dès lors sans entacher sa décision d'insuffisance comme de contradiction considérer que l'inobservation des dispositions des articles 56 et 59 du Code de procédure pénale prévoyant l'inventaire immédiat des objets et documents saisis n'avait pu porter atteinte aux droits de la défense puisque précisément cette absence d'inventaire immédiat, au demeurant source d'incertitude non contestée par la Cour sur le montant des sommes effectivement détenues par Monsieur Z... , exclut nécessairement tout assurance sur la question de savoir si les coupures répertoriées par le juge d'instruction ont bien été celles saisies au domicile de Monsieur Z... et rend dès lors dépourvus de toute valeur les motifs retenus à charge par l'arrêt attaqué" ;
Attendu qu'en l'état des motifs partiellement reproduits au moyen, c'est sans encourir le grief allégué que la chambre d'accusation a pu considérer que le retard apporté par les officiers de police judiciaire à placer sous scellés et inventorier les sommes d'argent saisies chez Monsieur Z... n'avait pas porté atteinte aux droits de ce dernier dès lors que celui-ci, quand les scellés lui ont été présentés s'est borné à relever une erreur de calcul dont il a été tenu compte ; que les juges observent que cette erreur minime ne saurait avoir d'influence appréciable sur la comparaison entre les pourcentages de billets en provenance de la Banque de France de St Nazaire et ceux saisis au cours de l'enquête ;
D'où il suit que, en application de l'article 802 du Code de procédure pénale, le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente, qu'il en est de même de la cour d'assises d devant laquelle les demandeurs ont été renvoyés ; que la procédure est régulière et que les faits, objet de l'accusation sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE les pourvois.