Cass. com., 25 février 1992, n° 89-15.943
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Vigneron
Avocat général :
Mme Le Foyer de Costil
Avocats :
SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par arrêté ministériel du 30 juillet 1960, l'outillage et une partie du domaine public du port de Bastia ont été concédés à la Chambre de commerce et d'industrie de cette ville ; que le cahier des charges annexé à ce texte, et modifié par un avenant n° 6 approuvé par arrêté préfectoral du 16 avril 1980, a prévu une " taxe d'usage pour l'utilisation des gares maritimes et des installations à passagers ", ainsi qu'une " taxe d'usage pour l'utilisation des terre-pleins ", qui étaient dues respectivement par les passagers et par les véhicules embarquant et débarquant à Bastia ; que l'article 34 du cahier des charges a précisé que ces taxes seraient perçues par les compagnies de navigation, en plus du billet de passage ; qu'à partir de l'année 1980, la Chambre de commerce et d'industrie de Bastia a donc demandé à la société Corsica Ferries France, anciennement dénommée Sogedis voyages, qui exploitait trois navires entre la Corse et certains ports italiens, de lui régler le montant de ces taxes ; que, par arrêt du 27 octobre 1986, devenu irrévocable, la cour d'appel de Bastia a condamné la société Sogedis Voyages à lui payer les taxes exigibles au titre des années 1980 à 1982 ; que, selon acte du 4 mai 1984, complété par une demande additionnelle ultérieure, la chambre de commerce et d'industrie a sollicité le règlement de la somme de 2 699 737 francs, montant des taxes dues pour la période allant de juin 1982 à août 1984 ; que la société Corsica Ferries France a soulevé l'exception d'illégalité de l'arrêté préfectoral du 16 avril 1980, en raison de l'incompétence de son auteur pour établir de telles taxes lesquelles ne pouvaient, selon elle, être instituées que par la loi ; qu'elle a demandé, en conséquence, que l'examen de cette question préjudicielle soit renvoyé à la juridiction administrative, et qu'il soit sursis à statuer jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée ; que l'arrêt attaqué a estimé que la société Corsica Ferries France n'avait ni qualité ni intérêt à opposer cette question préjudicielle, et a accueilli la demande de la Chambre de commerce et d'industrie ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Vu les articles 30 et 31 du nouveau Code de procédure civile, ensemble le cahier des charges de la concession du Port de Bastia ;
Attendu que, pour condamner la société à payer les sommes réclamées par la Chambre de commerce, l'arrêt retient que, le rôle de la société se bornant à collecter des fonds pour le compte de la chambre de commerce et d'industrie, elle n'a pas qualité pour contester la régularité et la légalité de leur établissement, de leur création ou de la fixation de leur montant ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la société était poursuivie comme débiteur des sommes en cause envers la chambre de commerce, la circonstance qu'elle soit tenue d'en répercuter le montant sur les passagers, ou puisse le faire, étant à cet égard inopérante, et que, dès lors, il lui appartenait de se prononcer, fût-ce par voie de question préjudicielle, le cas échéant, sur la contestation qui lui était soumise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 avril 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.