Cass. soc., 9 juin 2004, n° 02-46.348
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Sargos
Rapporteur :
Mme Finance
Avocat général :
M. Allix
Avocat :
SCP Célice, Blancpain et Soltner
Vu leur connexité, joint les pourvois n° V 02-46.348, B 02-46.354, N 02-46.433, H 02-46.497, G 02-46.498, Q 02-46.780 à U 02-46.784 ;
Attendu que M. X... et un certain nombre de salariés de la Manufacture Michelin bénéficient du régime de préretraite progressive (PRP) ; qu'estimant ne pas avoir perçu l'intégralité des primes et des jours de congés supplémentaires pour ancienneté auxquels ils avaient droit, ils ont saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique, commun aux pourvois formés par les salariés :
Vu l'avenant d'entreprise Michelin du 20 mars 1959 et les articles L. 135-2 et L. 212-4-2 du Code du travail, alinéa 11, dont les dispositions ont été reprises par l'article L. 212-4-5, alinéa 1er, issu de la loi du 19 janvier 2000 ;
Attendu que, pour débouter les salariés de leurs demandes de rappels de salaires au titre des primes de vacances de fin d'année et des 20 % du "compte points", le conseil de prud'hommes énonce qu'il résulte de l'article L. 212-4-5 du Code du travail que la rémunération des salariés est proportionnelle à la durée du travail effectué ; par voie de conséquence, le montant des allocations acquises chaque année doit être calculé en tenant compte du fait que le salarié travaille à mi-temps ;
que la convention de préretraite progressive, conclue entre la manufacture Michelin et le FNE, permet au salarié de bénéficier d'une allocation d'Etat, la compensation de la diminution de son revenu, consécutivement à un emploi à temps partiel ; que les conventions et accords collectifs d'entreprise, en vertu de l'article L. 212-4-2 du Code du travail et en l'absence de dispositions spécifiques ou de réserve d'ordre conventionnel doivent bénéficier proportionnellement aux travailleurs à temps partiel ; que l'accord Michelin du 20 mars 1959 retient bien ce principe de proportionnalité même s'il ne s'applique qu'à une certaine catégorie de travailleurs quittant l'entreprise en cours d'année ; que ce principe n'ayant fait l'objet d'aucune disposition contraire par voie d'avenant doit donc s'appliquer aux salariés en PRP ;
Attendu, cependant, qu'aux termes de l'avenant d'entreprise Michelin du 20 mars 1959, après un an de présence dans l'entreprise, tout membre du personnel horaire bénéficie d'allocations de vacances et de fin d'année payées en juillet et en décembre, que ces allocations ne sont dues que si l'intéressé a travaillé 24 jours dans l'année, que les salariés ayant moins d'un an, mais plus d'un mois de présence, bénéficient d'une allocation au minimum proportionnelle au nombre de mois de présence ; que les titulaires d'un "compte points" bénéficient, à la condition d'avoir 24 jours de présence dans l'année, d'une allocation égale à 20 % du produit obtenu en multipliant le nombre de points inscrits à leur compte au 31 décembre de l'année précédente par la valeur du point au 30 novembre de l'année en cours ; qu'il en résulte que les salariés à temps partiel qui remplissent les conditions prévues par ce texte doivent bénéficier de l'intégralité de ces allocations ;
Qu'en statuant comme il l'a fait, alors que les parties ne pouvaient déroger à l'accord collectif par accord particulier, sauf dispositions plus favorables pour les salariés, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;
Sur le premier moyen du pourvoi formé par la Manufacture Michelin :
Vu l'article L. 223-2 du Code du travail de l'avenant d'entreprise du 20 mars 1959 ;
Attendu que pour dire que le positionnement des jours de congés supplémentaires pour ancienneté devait se faire sur les seuls jours ouvrables travaillés par les salariés et condamner la Manufacture française des pneumatiques Michelin à leur payer des dommages-intérêts, le conseil de prud'hommes énonce qu'un employeur ne peut imposer à un salarié à temps partiel une répartition à proportion de son horaire de travail, de ses jours de congés supplémentaires entre les périodes où ce salarié travaille et celles où il ne travaille pas, qu'une telle répartition équivaut à une réduction de ses droits à congés supplémentaires ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'avenant d'entreprise Michelin du 20 mars 1959 qui précise que ces jours de congés supplémentaires sont accordés en "jours ouvrables", ne fait aucune distinction entre les jours ouvrables travaillés et les jours ouvrables non travaillés, ce qui implique qu'ils soient décomptés sur tous les jours ouvrables de la semaine et non sur les seuls jours de travail des salariés, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;
Sur le second moyen :
Vu l'article 32-1 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que le conseil de prud'hommes a alloué aux salariés une indemnité au titre de l'article 32-1 du nouveau Code de procédure civile, sans donner de motifs ;
Qu'en statuant ainsi, en ne relevant aucune circonstance de nature à faire dégénérer en faute le droit de la Manufacture Michelin à défendre à l'action des salariés, le conseil de prud'hommes n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, les cinq jugements rendus le 25 septembre 2002, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Clermont Ferrand ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits jugements et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Montluçon.