Cass. 1re civ., 3 juin 2015, n° 13-12.675
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
Mme Canas
Avocat général :
M. Ingall-Montagnier
Avocats :
SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Lesourd
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 122-8, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de l'article 48 de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 portant transposition de la directive 2001/84/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 septembre 2001, relative au droit de suite au profit de l'auteur d'une oeuvre d'art originale ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, le droit de suite est à la charge du vendeur ; que la responsabilité de son paiement incombe au professionnel intervenant dans la vente et, si la cession s'opère entre deux professionnels, au vendeur ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que soutenant que la société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques Christie's France avait, en violation du texte susvisé, inséré dans ses conditions générales de vente une clause mettant le paiement du droit de suite à la charge de l'acquéreur, le Syndicat national des antiquaires (SNA) a engagé une action à l'encontre de cette société aux fins de voir qualifier une telle pratique d'acte de concurrence déloyale et constater la nullité de la clause litigieuse ; que par arrêt du 22 janvier 2014 (pourvoi n° 13-12.675, Bull. 2014, I, n° 12), la première chambre civile de la Cour de cassation, après avoir rejeté le premier moyen du pourvoi dirigé contre le chef de l'arrêt ayant déclaré recevable l'action du SNA, a saisi la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation de la règle édictée par l'article 1er, paragraphe 4, de la directive précitée, qui met le paiement du droit de suite à la charge du vendeur ;
Attendu que pour déclarer nulle et de nul effet la clause 4-b figurant dans les conditions générales de vente de la société Christie's France, l'arrêt énonce que la loi nationale met clairement le paiement du droit de suite à la charge des vendeurs et n'autorise aucune dérogation par voie conventionnelle, son imputation à l'acheteur contredisant l'objectif de suppression des distorsions de concurrence poursuivi par la directive 2001/84/CE du 27 septembre 2001 ;
Attendu cependant que, par arrêt du 26 février 2015 (C-41/14), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 1er, paragraphe 4, de la directive doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce que la personne redevable du droit de suite, désignée comme telle par la législation nationale, que ce soit le vendeur ou un professionnel du marché de l'art intervenant dans la transaction, puisse conclure avec toute autre personne, y compris l'acheteur, que cette dernière supporte définitivement, en tout ou en partie, le coût du droit de suite, pour autant qu'un tel arrangement contractuel n'affecte nullement les obligations et la responsabilité qui incombent à la personne redevable envers l'auteur ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare nulle et de nul effet la clause 4-b figurant dans les conditions générales de vente de la société Christie's France, l'arrêt rendu le 12 décembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.