Livv
Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 11 octobre 2010, n° 09/03150

REIMS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

AGS et CGEA d'Amiens (Sté)

Défendeur :

Carnus Destailleur (SAS), Crozat - Barault - Maigrot (SCP), Perin - Carnus - Destailleur (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Maunand

Conseillers :

M. Ciret, Mme Hussenet

Avoués :

SCP Delvincourt - Jacquemet - Caulier-Richard, SCP Six - Guillaume - Six

Avocats :

SCP Fossier, Me Raffin

T. com. Reims, du 13 oct. 2009

13 octobre 2009

Le 16 janvier 2007, le tribunal de commerce d'EPERNAY a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS HOLDING MICHEL DESTAILLEUR, Monsieur DESTAILLEUR, gérant de la SARL PERRIN CARNUS DESTAILLEUR, sollicitant alors l'extension de la procédure.

Le 13 mars 2007, il a été fait droit à cette demande par la juridiction précitée, laquelle a ordonné la confusion des patrimoines, la procédure devant désormais être commune aux deux sociétés, avec actif et passif communs.

La SAS HOLDING MICHEL DESTAILLEUR et la SARL PERRIN CARNUS DESTAILLEUR ont présenté une plan de redressement.

Par jugement du 13 mai 2008, le tribunal de commerce a arrêté le dit plan, par voie de continuation, et rappelé qu'un accord était intervenu pour le règlement de la créance super privilégiée du CGEA, prévoyant un remboursement en 9 mensualités égales et consécutives, la première à la date du prononcé du jugement.

Par exploit du 20 août 2009, le Centre de Gestion et d'Etude AGS d'AMIENS 'CGEA', faisant valoir que les deux sociétés n'avaient pas respecté leurs engagements, les a fait assigner ainsi que la SCP CROZAT BARAULT MAIGROT, cette dernière ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, par devant le juge des référés du tribunal de commerce de REIMS , à l'effet, au visa des  articles 808 et suivants du code de procédure civile , et L 626,20 du code de commerce, de voir condamner in solidum les société débitrices à lui payer la somme en principal de 51 803,79 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 août 2008, date de mise en demeure, outre 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, en sus des dépens, et de voir déclarer l'ordonnance à intervenir commune à la SCP CROZAT BARAULT MAIGROT.

Les sociétés CARNUS DESTAILLEUR et PERRIN CARNUS DESTAILLEUR ont sollicité à l'audience le rejet des prétentions adverses et demandé au juge des référés de constater que la créance super privilégiée du CGEA se limitait à 27 673,38 euros, de rejeter les demandes plus amples et de leur accorder des délais de paiement sur 24 mois pour s'acquitter de leur dette, laissant par ailleurs les dépens exposés par le CGEA à la charge de ce dernier.

Par ordonnance rendue le 13 octobre 2009, le juge des référés a condamné in solidum les sociétés CARNUS DESTAILLEUR et PERRIN CARNUS DESTAILLEUR à payer au CGEA d'AMIENS la somme de 24 779,91 euros en 12 versements mensuels égaux le premier ayant lieu dans les 30 jours de la signification puis tous les mois à la même date, précisant que faute pour les débitrices de payer une seule des mensualités prévues, la totalité des sommes restant dues deviendrait de plein droit immédiatement exigible. Une indemnité de procédure de 700 euros a également été mise à la charge des sociétés défenderesses, l'ordonnance étant déclarée commune à la SCP CROZAT BARAULT MAIGROT ès qualités, et les dépens mis à la charge des sociétés CARNUS DESTAILLEUR, et PERRIN CARNUS DESTAILLEUR .

L'ASSOCIATION POUR LA GESTION DU REGIME D'ASSURANCE DES CREANCES DES SALARIES (AGS) et le CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES AGS (CGEA) ont relevé appel de cette décision par  déclaration du 21 décembre 2009.

Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées le 18 juin 2010, auxquelles il sera renvoyé pour un exposé complet de leurs prétentions et moyens, par application de l'article 455 du code de procédure civile , ils poursuivent l'infirmation de l'ordonnance entreprise et demandent à la Cour, statuant à nouveau, de dire n'y avoir lieu d'accorder des délais de paiement à la SAS CARNUS DESTAILLEUR et à la SARL PERRIN CARNUS DESTAILLEUR, de déclarer l'arrêt commun à la SCP CROZAT BARAULT MAIGROT ès qualités, et de condamner les sociétés susnommées in solidum au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct pour la SCP Delvincourt Jacquemet Caulier-Richard, avoués.

Par dernières écritures notifiées le 14 juin 2010, auxquelles il convient de même de se reporter, la Société CARNUS DESTAILLEUR conclut de son côté à la confirmation de la décision querellée en ce qu'elle lui a accordé des délais de paiement en application de l'article 1244-1 du code civil , demandant à la Cour de constater qu'elle exécute actuellement la dite décision et a d'ores et déjà réglé une somme de 10 325 euros, et d'infirmer l'ordonnance à l'égard de la société PERRIN CARNUS DESTAILLEUR, laquelle n'a plus d'existence, et en ce qu'elle a fait droit à la demande formée au titre des frais irrépétibles. Elle sollicite reconventionnellement la condamnation des appelants, solidairement, à lui verser une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec pour ceux d'appel, droit de recouvrement direct accordé à la SCP Six-Guillaume-Six, avoués.

Par écritures du 14 juin 2010, la SCP CROZAT BARAULT MAIGROT a déclaré s'en rapporter à prudence de justice et demandé à la Cour de condamner tout succombant aux dépens exposés par elle, avec droit de recouvrement direct pour la SCP Six-Guillaume-Six.

SUR CE, LA COUR,

Attendu qu'il est justifié par les éléments du dossier que la société CARNUS DESTAILLEUR est issue de la fusion entre la HOLDING MICHEL DESTAILLEUR et la société PERRIN CARNUS DESTAILLEUR et qu'il n'existe plus désormais que cette société CARNUS DESTAILLEUR, de sorte que c'est en tout état de cause à tort que le nom de PERRIN CARNUS DESTAILLEUR figure dans la décision de première instance puis dans la déclaration d'appel, parmi les intimées ;

Attendu ensuite qu'il n'est pas contesté qu'à la date à laquelle a été rendue l'ordonnance dont appel, le CGEA n'était plus créancier de la société CARNUS DESTAILLEUR, compte tenu des versements effectués, que d'une somme en principal de 24 779,91 euros ;

Que les parties sont contraires en revanche sur la faculté laissée au juge des référés de la juridiction consulaire saisi d'une simple demande en paiement hors plan d'apurement du passif, d'octroyer des délais de paiement à la société débitrice ;

Que les appelants pour contester la décision querellée se prévalent des dispositions de l'article L. 626-20 du code de commerce  qui édicte que par dérogation aux articles L. 626-18 et L. 626-19, ne peuvent faire l'objet de remise ou de délais, notamment, les créances résultant garanties par le privilège établi aux  articles L. 143-10, L. 143-11, L. 142-6 et L. 751-15 du code du travail ;

Qu'il est constant à cet égard que les créances de l'AGS correspondant au montant des créances salariales garanties par le superprivilège des salariés entrent dans les prévisions de l'article L. 626-20 sus rappelé et ne peuvent faire l'objet d'un délai de paiement ;

Que telle est bien la nature de la créance objet du présent litige ;

Qu'il est indifférent que l'article L 626-20 du code de commerce interdisant l'octroi de délais de paiement trouve sa place dans la section consacrée au jugement arrêtant le plan et à l'exécution du plan, dès lors qu'il fixe un principe intangible dont il résulte que seule l'AGS est habilitée à accorder un moratoire en paiement de sa créance superprivilégiée ; qu'admettre l'inverse reviendrait à priver de tout intérêt l'article L. 626-20 puisque le principe énoncé dans ce texte sans ambiguïté et à dessein pourrait être contourné systématiquement par une saisine du juge des référés sur le fondement du droit commun contenu dans l'article 1244-1 du code civil, en méconnaissance de la volonté du législateur intervenant dans le domaine particulier des procédures collectives ;

Attendu qu'il s'ensuit que l'ordonnance dont appel doit être infirmée de ce chef ;

Que si sur le principe la condamnation à paiement n'est pas discutée, le montant restant dû par la société CARNUS DESTAILLEUR à la date des dernières écritures de cette dernière s'élevait à la somme de 14 454,91 euros compte tenu des versements effectués en exécution de l'ordonnance déférée, assortie de droit de l'exécution provisoire ; qu'il est indiqué à l'audience qu'il a encore diminué depuis, pour les mêmes raisons ; qu'il s'ensuit que le paiement ne pourra être exigé qu'en deniers ou quittance pour tenir compte de cette évolution ;

Attendu que le présent arrêt sera déclaré commun à la SCP CROZAT BARAULT MAIGROT prise en la personne de Maître CROZAT, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société CARNUS DESTAILLEUR ;

Attendu qu'aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que la société CARNUS DESTAILLEUR, partie succombante, sera tenue aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme l'ordonnance rendue le 13 octobre 2009 par le Président du tribunal de commerce de REIMS statuant en référé ;

Statuant à nouveau,

Condamne la SAS CARNUS DESTAILLEUR à payer, à titre provisionnel, et en deniers ou quittance, au CGEA d'AMIENS la somme de 14 454,91 euros ;

Déboute la SAS CARNUS DESTAILLEUR de sa demande de délais de paiement fondée sur l'article 1244-1 du code civil ;

Déclare le présent arrêt commun à la SCP CROZAT BARAULT MAIGROT, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société CARNUS DESTAILLEUR ;

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS CARNUS DESTAILLEUR aux dépens de première instance et d'appel et admet pour le recouvrement de ces derniers, les avoués de la cause, chacun pour ce qui le concerne, au bénéfice de l'article 699 du code précité.