Cass. 1re civ., 16 mars 1983, n° 81-14.454
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Joubrel
Rapporteur :
M. Raoul Béteille
Avocat général :
M. Gulphe
Avocat :
SCP Labbé et Delaporte
QUE LA REGIE RENAULT DEVAIT PRENDRE EN CHARGE LA TOTALITE DU COUT DE LA CONSTRUCTION, LAQUELLE DEVAIT ETRE FAITE PAR LES ENTREPRISES DE SON CHOIX DANS LE PLUS GRAND RESPECT DES FORMES, DES COULEURS ET DES MATIERES PREVUES PAR M JEAN X... ;
QUE CELUI-CI S'ENGAGEAIT A FAIRE BENEFICIER LA REGIE RENAULT DE SON EXPERIENCE OU DE SES CONSEILS CHAQUE FOIS QUE CE SERAIT NECESSAIRE ;
QUE LA SOMME FORFAITAIRE CONVENUE A ETE VERSEE A M JEAN X..., MOITIE A LA SIGNATURE DU CONTRAT, MOITIE A LA RECEPTION DE LA MAQUETTE ;
QUE LES TRAVAUX ONT ENSUITE ETE COMMENCES ;
QU'UN AN PLUS TARD, LA REGIE RENAULT A DECIDE DE LES INTERROMPRE ;
QUE M JEAN X... L'A ALORS ASSIGNEE POUR FAIRE JUGER QU'IL ETAIT L'AUTEUR DE L'OEUVRE D'ART EN COURS DE REALISATION ET QUE LA REGIE, N'AYANT PAS LE DROIT DE DEMOLIR LES OUVRAGES DEJA CONSTRUITS, DEVAIT AU CONTRAIRE ACHEVER L'EDIFICATION DU MONUMENT ;
QUE LA REGIE RENAULT A ELLE-MEME ASSIGNE M JEAN X... POUR FAIRE JUGER QUE LE CONTRAT NE L'OBLIGEAIT PAS A CONSTRUIRE L'ENSEMBLE MONUMENTAL ET QU'ELLE ETAIT DONC EN DROIT, NON SEULEMENT DE NE PAS POURSUIVRE LA CONSTRUCTION COMMENCEE, MAIS ENCORE DE DEMOLIR CE QUI AVAIT DEJA ETE REALISE ;
QUE L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE A ACCUEILLI LA DEMANDE DE M JEAN X... ET REJETE CELLE DE LA REGIE RENAULT ;
ATTENDU QUE LA REGIE RENAULT REPROCHE D'ABORD AUX JUGES DU SECOND DEGRE DE L'AVOIR DECLAREE TENUE DE REPRENDRE LES TRAVAUX D'ACHEVEMENT DU MONUMENT, AUX MOTIFS, NOTAMMENT, QUE LE CONTENU DE LA CONVENTION NE SE LIMITAIT PAS A LA REALISATION ET A LA FOURNITURE D'UNE MAQUETTE DONT LA REGIE RENAULT SE RESERVAIT L'UTILISATION POUR LE CAS OU ELLE DECIDERAIT D'EN REALISER L'IDEE, MAIS QUE CETTE CONVENTION AVAIT POUR PORTEE ESSENTIELLE LA REALISATION MEME DE L'OEUVRE MONUMENTALE, ALORS QUE, D'UNE PART, M JEAN X... AURAIT RECONNU DANS SON ASSIGNATION ET DANS SES CONCLUSIONS DE PREMIERE INSTANCE QUE LE CONTRAT NE COMPORTAIT AUCUNE OBLIGATION DE CONSTRUIRE A LA CHARGE DE LA REGIE PUISQUE SON ALINEA 9 PREVOYAIT EXPRESSEMENT, POUR EXONERER CELLE-CI PAR AVANCE DE TOUS DOMMAGES-INTERETS, LE CAS OU, DE SON FAIT, LA CONSTRUCTION NE SERAIT PAS REALISEE, DE SORTE QU'EN DONNANT AU CONTENU DU CONTRAT UNE CONSISTANCE AUTRE QUE CELLE QUI RESULTAIT DE CET AVEU, LA COUR D'APPEL AURAIT VIOLE L'ARTICLE 1356 DU CODE CIVIL ;
ET ALORS QUE, D'AUTRE PART, L'ARRET ATTAQUE AURAIT AINSI DENATURE LA CONVENTION LITIGIEUSE DONT LES TERMES CLAIRS ET PRECIS NE SOUFFRIRAIENT AUCUNE DISCUSSION ;
MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL N'A PAS MECONNU L'AVEU DE M JEAN X... QUI, TOUT EN ADMETTANT QUE LA REGIE RENAULT AURAIT PU RENONCER A LA REALISATION DE L'OEUVRE MONUMENTALE, SOUTENAIT QU'ELLE AVAIT L'OBLIGATION D'ACHEVER L'EDIFICATION DE CETTE OEUVRE DES LORS QU'ELLE L'AVAIT COMMENCEE ;
QU'EN RAISON DE L'AMBIGUITE DES TERMES DU CONTRAT, LA COUR D'APPEL S'EST TROUVEE DANS LA NECESSITE DE LES INTERPRETER, CE QUI EXCLUT LA DENATURATION ALLEGUEE ;
QU'AINSI LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI EN AUCUNE DE SES BRANCHES ;
SUR LES DEUXIEME, TROISIEME ET QUATRIEME MOYENS REUNIS : ATTENDU QU'IL EST ENSUITE REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR DECLARE LA REGIE RENAULT TENUE DE REPRENDRE LES TRAVAUX D'ACHEVEMENT DU MONUMENT, ET DE LUI AVOIR FAIT INTERDICTION DE DEMOLIR LA PARTIE DEJA REALISEE DE CETTE OEUVRE, ALORS QUE, SELON LE POURVOI, D'UNE PART, M JEAN X... N'AVAIT PAS LA QUALITE D'AUTEUR A L'EGARD DE LA FRACTION NON ENCORE REALISEE DE SA CONCEPTION ET QUE SON DROIT MORAL NE LUI INTERDISAIT PAS DE RENONCER EN PARTIE AU RESPECT DE SON OEUVRE EN ACCEPTANT QU'ELLE AIT UNE DESTINEE ALEATOIRE, COMME IL EST DE REGLE EN MATIERE DE COMMANDE D'UNE OEUVRE ARCHITECTURALE PAR MARCHE A FORFAIT, DE SORTE QU'EN FONDANT SA DECISION SUR LES DISPOSITIONS DE LA LOI DU 11 MARS 1957, ABUSIVEMENT QUALIFIEES D'ORDRE PUBLIC DE FACON GENERALE, LA COUR D'APPEL AURAIT VIOLE CE TEXTE, NOTAMMENT PAR UNE FAUSSE INTERPRETATION ET UNE FAUSSE APPLICATION DE SES ARTICLES 6 ET 7, AINSI QUE LES ARTICLES 1134 ET 1797 DU CODE CIVIL ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, LA LOI DU 11 MARS 1957 NE PROTEGE QUE LES DROITS DE PROPRIETE INCORPORELLE DE L'AUTEUR ET N'IMPOSE PAS AUX PROPRIETAIRES DES OEUVRES D'ART L'OBLIGATION DE LES CONSERVER, DE SORTE QUE LA COUR D'APPEL AURAIT ENCORE VIOLE L'ARTICLE 6 DE LADITE LOI, AINSI QUE L'ARTICLE 544 DU CODE CIVIL, EN PRETENDANT TROUVER DANS LE PREMIER DE CES DEUX TEXTES L'ENONCE D'UNE PREROGATIVE DE L'AUTEUR QUI LUI PERMETTRAIT DE S'OPPOSER AU DROIT QU'A LE PROPRIETAIRE D'UN OBJET D'ART D'EN DISPOSER DE LA MANIERE LA PLUS ABSOLUE EN LE DETRUISANT ;
ET ALORS, ENFIN, QUE, LA REGIE RENAULT N'AYANT CONSENTI A M JEAN X... AUCUN DROIT REEL OU PERSONNEL D'OCCUPER LE TERRAIN DONT ELLE EST PROPRIETAIRE, L'ARRET ATTAQUE, EN LUI IMPOSANT DE CONSTRUIRE ET CONSERVER LE MONUMENT EN CAUSE, AURAIT, EN RAISON DU CARACTERE PERPETUEL DU DROIT D'AUTEUR, FRAPPE LE FONDS DE LA REGIE D'UNE SERVITUDE ETABLIE DANS L'INTERET DU SEUL M X... ET CONSISTANT EN UNE PRESTATION POSITIVE DU PROPRIETAIRE DU FONDS SERVANT, DE SORTE QUE LA COUR D'APPEL, QUI AURAIT EGALEMENT MECONNU LE DROIT DE PROPRIETE ET LE PRINCIPE SELON LEQUEL L'INEXECUTION D'UNE OBLIGATION DE FAIRE SE RESOUT EN DOMMAGES-INTERETS, AURAIT VIOLE LES ARTICLES 686, 544 ET 1142 DU CODE CIVIL ;
MAIS ATTENDU QU'APRES AVOIR RELEVE QUE N'EST ALLEGUE AUCUN CAS DE FORCE MAJEURE RENDANT IMPOSSIBLE L'ACHEVEMENT DES TRAVAUX D'EDIFICATION DE L'OEUVRE D'ART, L'ARRET ATTAQUE CONSTATE QU'A TENIR POUR ACQUIS QUE LE CONTRAT DONNAIT A LA REGIE RENAULT LA FACULTE DE NE PAS LES ENTREPRENDRE, LADITE REGIE S'ETAIT, POUR LE CAS OU ELLE LES ENTREPRENDRAIT, RESERVE LA REALISATION MATERIELLE DE CETTE OEUVRE A LA FOIS POUR SON COMPTE ET POUR CELUI DE L'ARTISTE QUI L'AVAIT CONCUE ;
QUE LES JUGES DU SECOND DEGRE ONT PU EN DEDUIRE QUE LORSQU'ELLE A ADOPTE LE PARTI DE LES ENTREPRENDRE, FUT-CE SUR LE TERRAIN DONT ELLE EST PROPRIETAIRE, ELLE S'EST MISE PAR LA MEME DANS L'OBLIGATION CONTRACTUELLE DE MENER LA REALISATION DE L'OEUVRE JUSQU'A SON TERME - DE FACON A SATISFAIRE PLEINEMENT AUX EXIGENCES DU DROIT MORAL DE L'ARTISTE DONT ELLE A FAIT AUSSITOT SIENS LES INTERETS ET DONC, TOUT D'ABORD, A PERMETTRE LA DIVULGATION DE L'OEUVRE - ET QU'EN CONSEQUENCE ELLE NE PEUT PAS INTERROMPRE UNILATERALEMENT L'EXECUTION DE CETTE OBLIGATION CONTRACTUELLE, LAQUELLE ECHAPPE EN RAISON DE SON CONTENU AUX DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 1794 DU CODE CIVIL, NI EXCIPER DE L'ATTEINTE A SA PERSONNE, QUE CONSTITUERAIT L'OBLIGATION DE FAIRE MISE A CHARGE, POUR SE DEROBER A L'ENGAGEMENT AUQUEL ELLE A SOUSCRIT ;
QUE, TENUE DE REPONDRE A LA QUESTION DE SAVOIR QUELS ETAIENT LES DROITS ET OBLIGATIONS DES DEUX PARTIES, LA COUR D'APPEL N'A PAS VIOLE L'ARTICLE 1142 DU CODE CIVIL ;
QU'ENFIN, L'OBLIGATION DE POURSUIVRE L'EDIFICATION DE L'OEUVRE INACHEVEE IMPLIQUANT CELLE - MAIS IMPLIQUANT SEULEMENT CELLE - DE NE PAS DEMOLIR LES TRAVAUX DEJA REALISES, L'ARRET ATTAQUE SE TROUVE ENTIEREMENT JUSTIFIE, ABSTRACTION FAITE DE TOUT AUTRE MOTIF, ET AUCUN DES GRIEFS FORMULES NE PEUT ETRE ACCUEILLI ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 8 JUILLET 1981 PAR LA COUR D'APPEL DE VERSAILLES.