Cass. 1re civ., 20 décembre 2017, n° 16-13.632
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Avocats :
SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 janvier 2016), que M. X..., architecte, qui avait conçu et réalisé l'oeuvre architecturale, inaugurée en 1995, destinée à recevoir les collections du « Musée de l'Arles antique » (le musée), ayant constaté que le département des Bouches-du-Rhône (le département) avait fait entreprendre, sans son accord, des travaux d'extension du bâtiment dans le dessein d'y exposer un bateau de commerce gallo-romain retrouvé dans le Rhône en 2004, a assigné le département pour voir ordonner la remise en l'état de l'oeuvre et le versement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que, si la vocation utilitaire d'un bâtiment commandé à un architecte interdit à celui-ci de prétendre imposer une intangibilité absolue de son oeuvre, à laquelle son propriétaire est en droit d'apporter des modifications, lorsque se révèle la nécessité de l'adapter à des besoins nouveaux, il importe, néanmoins, pour préserver l'équilibre entre les prérogatives de l'auteur et celles du propriétaire, que ces modifications n'excèdent pas ce qui est strictement nécessaire et ne soient pas disproportionnées au but poursuivi ; qu'il appartient au propriétaire de démontrer que ledit équilibre est préservé, et non à l'architecte, titulaire du droit moral, de prouver que cette modification est de nature à dénaturer son oeuvre ; qu'en retenant, au contraire, pour écarter toute atteinte au droit moral de M. X..., auteur de l'oeuvre architecturale litigieuse, que ce dernier ne démontrait pas que la modification effectuée par le département, propriétaire de l'édifice, était de nature à la dénaturer, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles L. 111-1 et L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ que, par ses dernières écritures d'appel, M. X... avait fait valoir qu'il n'était pas opposé au principe d'une extension de l'édifice muséal qu'il avait conçu, de forme triangulaire, mais était attaché à la réalisation d'une extension ne dénaturant pas l'harmonie de son oeuvre, proposant ainsi de bâtir l'extension dans le prolongement de l'un des angles du bâtiment ; qu'il avait également fait valoir l'existence d'altérations importantes de l'édifice originel qui n'étaient pas nécessaires, une extension pouvant être réalisée sans démolitions affectant ce dernier ; qu'en se bornant, néanmoins, en l'état desdites écritures d'appel, à retenir, pour écarter toute atteinte au droit moral de M. X..., qu'une extension de l'édifice muséal originel était nécessaire pour accueillir la barque et les autres objets découverts en 2004 et que l'unité d'un édifice muséal excluait la réalisation d'un bâtiment séparé, la cour d'appel, dès lors qu'elle constatait par ailleurs que l'extension réalisée – un bâtiment rectangulaire prolongeant un côté du musée –, changeait sensiblement la construction originelle, s'est déterminée par des considérations insuffisantes à établir que toutes les modifications effectuées n'excédaient pas ce qui était strictement nécessaire à la satisfaction d'un besoin nouveau et n'étaient pas disproportionnées au but poursuivi, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles précités ;
3°/ qu'en se bornant, pour écarter toute atteinte au droit moral de M. X..., à relever que l'extension réalisée reprenait les couleurs des murs et façades de l'édifice originel, la cour d'appel s'est également déterminée par une considération impropre à établir que la modification litigieuse n'excédait pas ce qui était strictement nécessaire et n'était pas disproportionnée au but poursuivi, privant ainsi à nouveau sa décision de base légale au regard des mêmes textes ;
Mais attendu qu'il incombe à l'auteur d'établir l'existence de l'atteinte portée à ses droits, dont il demande la réparation ; que l'arrêt énonce exactement que, si la vocation utilitaire d'un bâtiment commandé à un architecte interdit à celui-ci d'imposer une intangibilité absolue de son oeuvre, il importe cependant, pour préserver l'équilibre entre les prérogatives de l'auteur et celles du propriétaire de l'oeuvre architecturale, que les modifications apportées n'excédent pas ce qui est strictement nécessaire à l'adaptation de l'oeuvre à des besoins nouveaux et ne soient pas disproportionnées au regard du but poursuivi ; qu'il retient que la découverte de la barque datant de l'époque romaine déclarée « trésor national » ainsi que de sa cargaison, et la nécessité d'exposer cet ensemble dans le musée considéré, caractérisent l'existence d'un besoin nouveau qui, pour être satisfait, commandait la construction d'une extension, dès lors que l'unité qui s'attachait au bâtiment muséal, excluait l'édification d'un bâtiment séparé ; qu'il relève que, bien que l'extension réalisée modifie la construction d'origine, elle reprend néanmoins les couleurs originelles, blanche des murs et bleue des façades, et qu'il n'est pas démontré qu'elle dénature l'harmonie de l'oeuvre ; que, de ses constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a déduit, sans inverser la charge de la preuve, que M. X... n'établissait pas que ces modifications nécessaires, apportées à un bâtiment utilitaire, étaient disproportionnées par rapport au but poursuivi ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.