Cass. com., 21 juin 2017, n° 15-19.593
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Ortscheidt, SCP Richard
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. Y... que sur le pourvoi incident relevé par la société Philippe-Le Coat-Ach ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 14 septembre 2006, M. Y... a cédé les parts qu'il détenait dans le capital de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Philippe-Le Coat-Ach (la société Philippe), dont il était associé et cogérant ; que soutenant que la société Philippe restait lui devoir diverses sommes, notamment au titre d'indemnités de gérance, M. Y... l'a assignée en paiement ; que la société Philippe a notamment soulevé l'irrecevabilité de ces demandes en se prévalant de l'existence d'un protocole d'accord ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :
Attendu que la société Philippe fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande en paiement de M. Y... alors, selon le moyen :
1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut, à ce titre, soulever un moyen d'office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que le protocole d'accord valant transaction, rédigé par acte sous seing privé le 24 juillet 2006, était inopposable à M. Y..., à défaut de comporter sa signature, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, s'il résultait de l'acte de cession de parts sociales du 14 septembre 2006, selon lequel les cessionnaires avaient "également droit à la fraction des bénéfices éventuels de l'exercice en cours qui sera attribué auxdites parts cédées", que M. Y... avait renoncé à toute rémunération supplémentaire devant être prélevée sur les bénéfices, de sorte que son action était irrecevable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, 31 et 32 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que la société Philippe ayant fait valoir dans ses conclusions que M. Y... était irrecevable à solliciter le paiement d'une indemnité de gérance à raison de la transaction intervenue le 24 juillet 2006, dont la communication n'était pas contestée, le moyen était dans le débat ;
Attendu, d'autre part, que la société Philippe n'ayant pas soutenu, dans ses conclusions d'appel, que M. Y... avait renoncé à toute indemnité de gérance pour les mois de janvier et février 2006 par l'acte de cession de parts du 14 septembre 2006, le grief de la seconde branche manque en fait ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 223-18 du code de commerce ;
Attendu que la société à responsabilité limitée est gérée par une ou plusieurs personnes physiques, associées ou non, dont la rémunération, fixée soit par les statuts soit par une décision collective des associés, est due tant qu'aucune décision la révoquant n'est intervenue ;
Attendu que pour rejeter la demande en paiement de M. Y..., l'arrêt, après avoir relevé que l'assemblée générale ordinaire des associés a fixé la rémunération de gérance à laquelle chaque gérant aurait droit à 6 000 euros par mois, retient que l'indemnité due à ce dernier doit correspondre à un travail réalisé pour la société, travail que ne pouvait accomplir l'associé absent pour maladie, sauf à celui-ci d'établir qu'il était demeuré à même d'exercer sa fonction de cogérant, preuve qu'il ne rapporte pas ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
REJETTE le pourvoi incident ;
Et sur le pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement d'indemnités de gérance présentée par M. Y..., l'arrêt rendu le 7 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.