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Décisions

Cass. soc., 15 juin 1994, n° 91-42.560

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Kuhnmunch

Rapporteur :

Mme Bignon

Avocat général :

M. Martin

Avocat :

SCP Boré et Xavier

Grenoble, du 20 mars 1991

20 mars 1991

Attendu que Mme X..., engagée en qualité de biologiste par la SARL Laboratoire de biologie médicale du Drac, est devenue associée majoritaire le 10 novembre 1987 ; qu'elle a été licenciée pour motif économique le 31 janvier 1989 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... reproche à la cour d'appel, statuant en matière prud'homale de s'être déclarée incompétente pour statuer sur ses demandes en paiement de dommages-intérêts et d'indemnités consécutifs à la rupture de son contrat de travail, alors que, selon le moyen, les fonctions techniques dont est investi l'associé majoritaire d'une société à responsabilité limitée ne prenant aucune part à la gestion et qui sont exercées sous la responsabilité du gérant impliquent l'existence d'un lien de subordination entre la société et l'associé ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué qu'elle ne bénéficiait pas de la signature bancaire et qu'elle n'était pas responsable du personnel, de telles fonctions étant assumées exclusivement par les deux co-gérants ; que, dès lors, en déclarant qu'elle n'était pas dans un lien de subordination à l'égard de la société dans laquelle elle effectuait un travail de biologiste au motif qu'elle se situait sur un pied d'égalité avec les cogérants, la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du Code du travail ;

Mais attendu que si la qualité d'associé majoritaire n'est pas exclusive de celle de salarié, c'est à la condition que l'intéressé, ne prenant aucune part, en droit et en fait, à la gestion de la société, exerce les fonctions dont il est investi dans un état de subordination ; qu'après avoir relevé que Mme X... détenait les deux tiers des parts sociales et que son temps de travail et sa rétribution étaient déterminés en fonction de celles-ci, la cour d'appel a constaté que non seulement l'intéressée exerçait ses fonctions en toute indépendance, mais que, s'immisçant dans la direction de la société, elle se situait sur un pied d'égalité avec les deux co-gérants ; qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a pu décider que les conditions d'exercice de l'activité de biologiste de Mme X... au sein de la société étaient exclusives d'un lien de subordination caractérisant l'existence d'un contrat de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 79, alinéa 1er, et du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu, selon ce texte, que lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la décision est susceptible d'appel dans l'ensemble de ses dispositions et si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente ;

Attendu qu'après avoir retenu que lors de la rupture de ses relations avec la société Laboratoires de biologie médicale Drac, Mme X... lui était liée non par un contrat de travail mais par un mandat social, en sorte que la juridiction prud'homale était incompétente pour connaître du litige, l'arrêt attaqué a infirmé du chef de la compétence le jugement entrepris et a renvoyé l'intéressée à mieux se pourvoir ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige, que le premier juge avait tranché au fond, et investie de la plénitude de juridiction tant en matière civile qu'en matière commerciale, elle avait le pouvoir et le devoir de garder la connaissance de l'affaire et d'apporter à celle-ci une solution au fond, la cour d'appel a, par refus d'application, violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle s'est déclarée incompétente et a renvoyé Mme X... à mieux se pourvoir, l'arrêt rendu le 20 mars 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble autrement composée.