Cass. 3e civ., 10 octobre 2012, n° 11-15.473
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Terrier
Rapporteur :
M. Jardel
Avocat général :
M. Charpenel
Avocats :
SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Capron
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 janvier 2011), que par acte sous seing privé du 16 janvier 2007, M. X... et Mme Y... (les consorts X...-Y...) ont vendu à M. Z... un immeuble d'habitation sous la condition suspensive du non-exercice du droit de préemption urbain, la date de signature de l'acte authentique étant fixée au 30 octobre 2007 ; que par arrêté du 19 mars 2007, le maire de Champigny-sur-Marne a exercé son droit de préemption en offrant aux vendeurs d'acquérir l'immeuble pour un prix inférieur au prix convenu, puis, après fixation judiciaire du prix, a renoncé à cette acquisition par arrêté du 22 janvier 2008 ; que M. Z... a assigné en vente forcée les consorts X...-Y..., qui, à titre reconventionnel, ont demandé la réparation de leurs préjudices ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que la condition suspensive n'emporte la caducité de la promesse de vente qu'à la condition que l'événement à l'intervention duquel la vente est suspendue n'arrivera pas dans le délai convenu ou qu'il est certain qu'il n'arrivera pas ; que selon l'arrêt attaqué, la promesse de vente litigieuse était suspendue à la purge du droit de préemption dont était titulaire la commune de Champigny-sur-Marne ; que l'arrêt constate que la commune, après avoir initialement fait part aux vendeurs son intention d'exercer son droit de préemption le 19 mars 2007, a finalement renoncé à l'acquisition du bien objet de la promesse par arrêté du 22 janvier 2008, après que le juge de l'expropriation a fixé judiciairement le prix de vente ; qu'en considérant que la promesse était caduque cependant que la commune avait finalement renoncé à préempter, en sorte que le droit de préemption était purgé et que la condition n'avait pas défailli, la cour d'appel a violé l'article 1176 du code civil ;
2°/ que l'exercice par son titulaire du droit de préemption ne devient définitif qu'au jour où il décide irrévocablement d'acquérir le bien vendu ; que l'intention par le titulaire d'un droit de préemption urbain de préempter n'acquière aucun caractère définitif tant que celui-ci n'accepte pas le prix proposé par le propriétaire ou le prix fixé par le juge de l'expropriation ; qu'en estimant que l'arrêté du 19 mars 2007 par lequel la commune de Champigny a fait part aux vendeurs de son intention de préempter à un prix différent de celui convenu dans la promesse litigieuse valait exercice du droit de préemption, cependant que cet arrêté ne formalisait pas de manière définitive l'exercice du droit de préemption, la cour d'appel a méconnu l'article 1176, ensemble les articles L. 213-7 et R. 213-8 du code de l'urbanisme ;
3°/ que seul celui dans l'intérêt duquel la condition suspensive est stipulée est habilité à se prévaloir de la caducité du contrat en raison de la défaillance de la condition ; qu'en considérant que les vendeurs pouvaient se prévaloir de la caducité de la promesse de vente litigieuse, cependant qu'il était constaté que la condition tenant à la purge du droit de préemption était stipulée dans le seul intérêt de l'acquéreur, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1176 du code civil ;
4°/ que en cas de renonciation par le titulaire du droit de préemption à l'exercice de son droit après fixation judiciaire du prix, le propriétaire peut vendre son bien après la décision du juge de l'expropriation aux conditions initiales ; qu'en affirmant que le vendeur ne pourrait plus céder son bien qu'au prix judiciairement fixé, la cour d'appel a violé l'article L. 213-8 du code de l'urbanisme ;
5°/ que selon les énonciations de l'arrêt attaqué, ce n'est que pour le défaut de dépôt entre les mains du notaire de la caution bancaire dans un délai de vingt et un jours suivant l'acte litigieux que cet acte était frappé de caducité ; qu'en considérant que le défaut de prolongation de cette caution au-delà du 30 novembre 2007 emportait également la caducité du compromis, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le maire de Champigny-sur-Marne avait exercé son droit de préemption par l'arrêté du 19 mars 2007, et avait ainsi, dès cette date, évincé l'acquéreur et retenu, par un motif non critiqué, que la renonciation ultérieure du maire n'anéantissait pas la décision du 19 mars 2007 et n'avait d'effet que pour l'avenir, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant relatif à l'application de l'article L. 213-8 du code de l'urbanisme, en a exactement déduit que la défaillance de la condition suspensive était acquise dès le 19 mars 2007 entraînant la caducité de la promesse de vente ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier et le second moyens du pourvoi incident, réunis, ci-après annexés :
Attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que n'était pas rapportée la preuve que M. Z... avait exercé son droit d'agir avec malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol, la cour d'appel, devant laquelle les consorts X...-Y... n'ont pas soutenu que celui-ci avait agi avec une légèreté blâmable, a pu, par ces seuls motifs, en déduire que leurs demandes d'indemnisation de préjudices causés par le caractère abusif de cette procédure ne pouvaient être accueillies ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.