Cass. com., 17 juin 2008, n° 06-15.045
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
M. Pietton
Avocat général :
M. Main
Avocats :
SCP Defrenois et Levis, SCP Gaschignard
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 22 novembre 2005), que par acte du 7 mai 2001, M. X..., se prévalant de sa qualité d'associé de la société civile immobilière Marina Airport (la société) et invoquant des faits constitutifs d'un abus de majorité, a fait assigner la société et les associés aux fins d'annulation des résolutions adoptées lors des assemblées générales des 11 mai 1998, 27 mai 1999 et 20 avril 2000, ayant affecté en réserve les bénéfices des années 1997, 1998 et 1999, et pour obtenir des dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant de ces mises en réserve ; que la société et les associés ont soutenu que M. X... n'avait plus qualité à agir en raison de la perte de sa qualité d'associé depuis un jugement définitif du 11 mars 1999 ayant autorisé son retrait de la société pour justes motifs ;
Sur le premier moyen, après avertissement délivré aux parties :
Attendu que la société et les associés font grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la demande de M. X..., alors, selon le moyen :
1°/ que la règle suivant laquelle un associé ne perd cette qualité qu'après avoir obtenu le remboursement des droits sociaux ne s'applique que dans les hypothèses strictement énumérées à l'article 1860 du code civil, parmi lesquelles ne figure pas le retrait d'un associé autorisé par décision de justice ; qu'en l'espèce, le retrait de M. X... avait été autorisé, à la demande de ce dernier, par le jugement du 11 mai 1999 ; qu'en subordonnant l'effectivité de ce retrait au remboursement intégral des parts, en dehors des cas prévus pour l'application de cette règle, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1860 du code civil ;
2°/ que dans son jugement du 11 mai 1999, le tribunal a fait application des seules dispositions de l'article 1843-4 du code civil, relatives à la désignation d'un expert pour l'évaluation des parts en cas de contestation des parties, et non pas de celles de l'article 1860 du code civil, suivant lequel la perte de la qualité d'associé n'intervient qu'après la remboursement intégral des parts; qu'en énonçant que ce jugement avait fait application de l'article 1860 du code civil, la cour d'appel en a dénaturé les termes, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'associé qui est autorisé à se retirer d'une société civile pour justes motifs par une décision de justice, sur le fondement de l'article 1869 du code civil, ne perd sa qualité d'associé qu'après remboursement de la valeur de ses droits sociaux; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve justifié; que le moyen ne peut être accueilli ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société et les associés font grief à l'arrêt d'avoir annulé pour abus de majorité les assemblées générales des 11 mai 1998, 27 mai 1999 et 26 avril 2000 et de les avoir condamnés à payer à M. X... une provision à valoir sur son indemnisation, alors, selon le moyen :
1°/ que l'abus de majorité n'est caractérisé qu'en cas d'atteinte à l'intérêt social; que l'arrêt constate qu'il était flagrant que les bénéfices avaient été mis en réserve dans la crainte de voir la SCI Marina Airport, qui ne disposait pas de la trésorerie suffisante, obligée de rembourser des comptes courants ; qu'en estimant toutefois que cette mesure constituait un abus de majorité, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la mise en réserve des bénéfices respectait les intérêts de l'associé minoritaire et l'égalité entre associés, puisqu'elle avait pour effet d'augmenter la valeur nette comptable de la SCI Marina Airport, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382, 1832 et 1844-1 du code civil ;
3°/ que l'arrêt a constaté que les délibérations litigieuses ne portaient que sur la mise en réserves des bénéfices; qu'en se fondant, pour caractériser l'abus de majorité, sur les prélèvements qui auraient été opérés par débit du compte courant de M. X..., totalement étrangers aux délibérations dont elle prononçait l'annulation, la cour d'appel a violé les articles 1382, 1832 et 1844-1 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs adoptés, que l'activité de la société qui porte sur la location d'immeubles à vocation commerciale, présente de faibles aléas financiers et que la constitution d'une réserve qui s'élève pour les exercices 1997, 1998 et 1999 à la somme de 17 426 283,86 francs, n'obéit pas à une politique de prudence nécessaire ni à une politique d'investissement, et ne correspond ni à l'objet ni à une exigence de saine gestion; qu'il relève, par motifs propres, que cette politique de mise en réserve des bénéfices dont était exclu M. X... n'aurait de sens que si la société avait voulu se prémunir du remboursement de tous les comptes courants et donc de faire passer l'intérêt social avant celui de tous les associés, qu'en réalité en remboursant une fraction des comptes courants aux associés, représentant ensemble 75 % du capital et en s'abstenant de rembourser dans les mêmes proportions M. X..., la société a rompu l'égalité entre les actionnaires dès lors que seul le compte courant de M. X..., privé de l'équivalent de 683.095 euros de bénéfices, s'est vu, au prétexte que la société devait par ailleurs verser des acomptes sur le prix des parts, ramené à zéro pour devenir débiteur au 31 décembre 2001 de la somme de 5 895 174,93 euros ; qu'il retient encore que c'est en connaissance de cause que les associés majoritaires ont décidé de mettre en réserve les bénéfices pour ramener le compte courant de M. X... en débit au prix de compensations douteuses avec la dette provisionnelle de la société sur le prix des parts sociales, tandis que les associés majoritaires ont disposé immédiatement à l'issue des trois assemblées générales litigieuses, de sommes puisées sur les résultats bénéficiaires destinées à rembourser leurs comptes courants; que la cour d'appel qui a ainsi fait ressortir que l'affectation systématique des bénéfices aux réserves n'a répondu ni à l'objet ni aux intérêts de la société et que ces décisions ont été prises dans l'unique dessein de favoriser les associés majoritaires au détriment de l'associé minoritaire, a caractérisé l'abus de majorité ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.